La
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blanche

La revue n° 39 e-poésies

e-poésies

Ophélie Jaësan

Mon nom

 

Aussi lisse que l'eau.

Peau d'enfant.

Un galet poli par le chant d'une rivière soprano.

Aussi fluide que l'air.

Une odeur d'outre-là : goudron, bois, métal chauffé, verre, plastique.

Brouhaha.

La brûlure des glaçons qui pètent l'émail de mes dents.

 

Etat du locataire qui mal mange,

du locataire qui mal range,

du locataire qui ne sait -

entretenir sa maison.

Des pièces pressentiment

si les murs se resserrent,

si les cloisons s'étiolent,

si le robinet fuit,

et le plâtre s'écaille,

pour quelques uns,

qu'importe même pisser du plomb

de la journée - à la fin.

 

Que dire de la violence et de tous mes mots en r :

rouge noir râle raide rude dur colère brûlure éraflure mur

arme alarme larme armure...

âme et hume - pour alléger.

Pas amertume.

Clou dans la gaine de myéline de mon nerf sciatique enfoncé :

complaintes et lamentations.

Entendez comment se fibrose ma résistance à la souffrance,

écoutez les litanies que je scande pour faire pleurer les murs.

Revenir à la raison ; Revenir. Venir...

 

Piste tracée à l'ongle -

vingt-sept ans.

 

Tu voulais me dire mon visage

comme on largue les amarres

pour le nulle part jouissance.

Tes mains sur mes hanches en restaient médusées.

Nous - sur radeau avec une tunique pour unique voilage

et un collier pour unique cordage.

Chaque perle - à mon cou,

chaque bague - à mes doigts

comme happée.

 

J'ai trop de mal à te tenir tripes.

 

Tu dis il faudra le désert.

Dans le désert peut-être

Je saurais me souvenir de ton nom.

 

Ophélie Jaësan

 

Extrait de La mer remblayée par le fracas des hommes.

Cheyne Manier-Mellinette  éditeur.

Prix de poésie de la Vocation

Fondation Marcel Bleustein-Blanchet