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blanche

La revue n° 43 poètes de service

poètes de service

Sylvia Stramenga

Rêve d’une parole

Rêve d’une parole.
Qui s’enfuit, inattendue, parmi les discours
D’autre chose.
Rêve d’une mécanique des réponses sans demande
Des peurs des inquiétudes.

Candélabres des souvenirs
Les doigts de ta main
Et le regard qui cherche
L’étoile de ta trame.

Vicissitudes lointaines.
D’un corps derrière une vitre
D’une nuque familière
Parmi les brumes.

Scénarios surréels autour de moi
Égarée dans cette voie
Qui porte ton nom.
Qui précède mon inconscient.

Rêve d’un désir irisé.
Involontaire.



Parasol

Ovale d’un jour qui performe
Son dernier début sur scène
Et tout est poétique d’une équation des alentours.
Les premiers visages indociles dans la banlieue.

Volières d’une nouvelle philanthropie,
Sélection des pruderies
« Celui-ci n’est pas bon pour vous madame »
Mais j’ai caché ma morale
Et mon réveil commence au bout d’une autre nuit.

Une preuve saccadée de quelque secret
Les visages moroses me sont insupportables
Camouflés d’une autre mémoire, sensations feutrées
Tout me gêne, tout me donne envie de m’effondrer
La neige. La pluie. Le carton jaune du parking.

Et cet homme qui me regarde par la fenêtre en face de moi
Qui feint une indifférence qui me salue violemment
Il s’est assis sur le canapé blanc.
Le souvenir me gêne comme le dernier bruit des fouets.

Je suis étendue sur le canapé blanc.



Offrande   

Je l’ai rencontré dans la rue qui conduit au champ d’oeillets,
Je lui ai montré la carte des sèves.
Elle m’a dit que la liturgie s’était arrêtée à ce mot: désir.
Comme un culte rendu au vide,
Parmi ces autels d’une Thèbes perdue nulle part,
Aux parois d’épines et miel,
Cachée peut être, brisée jusqu’à la faille des masques.

Je m’agenouille dans cet amphithéâtre des cris,
Comédienne à un sou, déguisée comme un rêve,
Qui marche, qui hurle jusqu’à cette absence des mots,
Solitaire dans sa folie brute, héroïque dans son éblouissement.
Tragédie d’un cauchemar en plein air,
Bourreaux en attente avec leurs roses sans épines,
S’emparer des soleils, -surgissement d’une lumière inconnue, incomprise-.

Histoire d’une métaphore aux ailes de papillon,
Aux chaînes de sang, aux seuils épargnés aux méfaits.
Ta courbe de pureté, ta douceur sans refrain
Passagère et éternelle me cache à la nuit.
Regarder le ciel, jusqu’à l’aveuglement,
Les dieux ont tourné le regard
Insoutenable
À en mourir.

À s’oublier dans le pli de tes mains,
Le détachement d’un rêve,
La douceur nue de cette indifférence.
Embrassez-moi
Et que les cris se perdent
Avec cette offrande
En votre nom.



Taches détachées

Peut-on être envahi d’un regard ?
Peut-on chercher à s’enfuir d’une ombre ?
Se cacher derrière les silences des fouets, en vain.

Être à côté de l’autre, ne pas piétiner ses soleils,
Sur le seuil de ses illusions de bonheur   
    - la réclame d’un scandale décadent-
Ne pas déranger ses pensées
    - l’élan d’un martyr ivre-

Vouloir dévoiler l’autre,
Pour le comprendre, on dit.
Le méfait derrière le rire ?
Ses blessures ?    – pourquoi cette soif de sang ?-
Ses fantasmes ?    – pour les rivaliser?-
Son bonheur ?    – pour s’emparer de son secret ?-

L’histoire d’un être humain.
Si indécent, si mystérieuse pour nous à déchiffrer, sans se ridiculiser.
Comme un panneau blanc sur le balcon d’une maison vide.
La chaleur d’un après-midi, les yeux mi-clos d’un métis   
    - la caresse humaine-
L’humilité nous confondit devant l’incapacité de goûter la levure de son sperme
Nous aveugle     – on voit les clous dans la pierre-

Chaque bruit, chaque mot
Va se perdre dans ce purgatoire d’apathie,
    - Le lac de la disharmonie du système-

La nouvelle prophétie -refrain-   
(on peut blâmer le vent)

J’ai été envahie d’un regard.



Au cinquantième étage du ciel, on peut danser sur le triptyque des nuages

Comme une marionnette, je danse au cinquantième étage du ciel
Le carême des nuages, la petite plante de salade sur les toits,
Femmes qui ne participent pas au bal,
Minuscules univers de deuxième taille.
Ce qui reste des étoiles se confond avec les rires gutturaux
Des retraites en blouses à petits carreaux orange,
Les yeux étourdis par l’alcool et le rice pudding.

Tu me vois, moi Jocaste qui te prie de cacher la honte,
De s’être perdue parmi les jeux des hommes.
L’onanisme d’un mot qui se désacralise,
Qui se dissout à mesure que cette croix
Menace la veine de mon cou.
Petits bruits de révélations non faites.
Ce n’est pas nous, la ville

Le reste.

L’erreur des mots, ami,
C’est l’enjeu des kibboutz des orges entre cousins
Ce prie-dieu de fer-blanc pour un esclave affranchi
Dans cette cage au-dessus des petits humains
Comme un oiseau de proie qui ne revient pas.
Repeupler cette oasis, être deux mers.
Avancez-vous, beaux masques !

Emprisonnée aux Madelonnettes
Par les sermons frais de la nouvelle classe,
Qui rejette nos verses.
Mais le couvercle de mon yoni est un fer brûlant
Et ces hommes dans leur Fords
Ne nous empêcheront pas de déguiser notre cabale
Avec ma couverte de poupées déchirées.


Donne moi ton bréviaire (en haut, dans le coffre-fort où tu as caché mon portrait)…pour
que je retrouve…le mot.



Sylvia Stramenga