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blanche

La revue n° 43 simple poème

simple poème

Fatigue

Je n’ai rien à échanger.

Ni somme d’argent, ni parole, ni regard.

Rien.

Je suis venu à bout de mes chimères. Je veux dire, je les ai épuisées.

Elles sont la peau de leur chagrin.

Il y a ce courant d’air qui me caresse la peau.

Je souris.

Je ne vais pas me mettre à pleurer.

Je l’entends le battement de mon cœur. Je l’entends jusqu’à l’autre bout de mes veines. Je n’ai rien à en dire de particulier.

Je ne sais pas combien d’épreuves on peut traverser. Je ne sais pas si c’est comptable ni à quel moment on reste à terre.

Je l’entends, c’est tout.

Je ne suis pas vraiment sûr qu’on lutte de toute façon.

Il se peut que la question ne se pose pas.

Il n’y a pas un moment précis où l’on peut dire : « je suis fatigué » ou « assez », ça court ces choses-là.

Et puis… Le mot « fatigue » est souvent prématuré.

Il arrive de présumer de ses faiblesses aussi.

Elle est drôle cette société où les gens n’ont plus qu’à retourner leurs forces contre eux-mêmes.

Il faut croire que c’est une lutte aussi, le désarroi.

Je suis venu à bout de mes chimères. Je regarde. J’écoute. Je ne dirais pas que je contemple. Ce que je vois n’est pas admirable.

Quand même.

Je ne vais pas me mettre à pleurer.

Je regarde, j’écoute. Je peux soutenir le regard. Je peux sourire aussi, parfois.

Je ne me sens pas menacé.

En partie parce que je trouve le déploiement d’efforts disproportionné.

Je souris parfois. Je ris.

Elle est drôle cette société.

Je n’ai pas dit que je comprenais.

Je l’entends le battement de mon cœur. Il n’est pas couvert par le bruit du déploiement.

Je ne vais pas me mettre à pleurer.

Je ne sais pas s’il serait couvert par le bruit de mes sanglots.


Il y a ce courant d’air qui me caresse la peau.

Il y a des choses qui me font croire au silence. Le vent par exemple.

Je n’ai pas de propension particulière à la croyance.

Je ne sais plus à quel moment j’ai arrêté de prendre les choses au sérieux.

On ne parle jamais assez du temps. On pourrait ne parler que de ça, comment on s’organise pour faire avec, la chaleur, le froid…

Je sais qu’on est encore couverts de la terre dont on jaillit.

Ce n’est pas vrai qu’on a besoin d’illusions pour se faire la vie douce. Il faut ne pas aimer la vie pour dire ça. C’est ignoble.

Il y a ce courant d’air qui me caresse la peau.

Je ne saurais pas dire à quel moment c’est déjà mon souffle.

Je n’ai pas de nostalgie particulière. J’oublie beaucoup.

A quel vitesse ce courant d’air m’emporterait-il ?

Pour aller où ?

Je ne sais pas si je serais emporté avec la terre dont je suis couvert. Je ne pense pas.

Je n’ai pas de peur particulière. Je prévois peu.

Je suis sûr qu’à ce moment, le vent ne me ferait plus croire au silence. Du tout.



Je ne me sens pas menacé.

Je ne sais plus à quel moment j’ai arrêté de prendre les choses au sérieux.

Ca me fatigue, écrire.

Le mot « fatigue » est souvent prématuré.

On peut être certain que la fatigue, personne n’en parlera jamais.

On ne parle plus quand on est fatigué.

 


Je n’ai pas de peur particulière. Je prévois peu.

Je ris beaucoup.

Je n’ai pas de propension particulière à la croyance.

Il peut arriver que la croyance me fasse vomir.


Claude Pérès