La
page
blanche

La revue n° 44 e-poésies

e-poésies

Sébastien Tillous

***


la parole n’émane que du feu
d’un courant non de pensée mais d’air
au cœur du silence rythmé
le grincement de son teint d’or

haleine secrète d’une gorge noire
d’une nuit hors d’état de nuire
un rire aux dires des chemins

elle se livre à la grâce des flammes
une seule voix pour un seul monde
un souffle de braise entre les dents du diable





***

Tu t’écartes
te découpes
te fends la gueule
tu t’éclates
en deux morceaux
deux parts
deux poumons
le tien puis l’autre
tu t’inventes
te relis
te récrée
puis t’oublies
te compromets
tu jures que tu n’y es pour rien
juste pour le vide
juste pour rire
te fendre la gueule
dans le sens de la hauteur
de l’équité
de la justice
tu tranches
partagé
tu feints de te moquer
de moi de toi
tu me fais rire
me tues de rire
à la force du rapport
en éclat de dire
tu m’étonnes de plus en plus
tu détonnes en ta paire
te délaves à ma face
tu me prends pour qui
tu te méprends pour quoi
tu t’échappes
t’éclipses
me fous le camp
tu te fous le quand
maintenant
L’HUMANITÉ TOUTE EN SON FRONCEMENT.


c’est une volée de cris dans la chasse
un sort jeté à la gueule des chiottes
par bribes de reculs contournés
qui croulent sous le poids des vielles

un large soleil enroué qui s’épanche
et crisse une meule à cran d’arènes
ce troisième œil que tu mets en joue
plus qu’un prisme tendu aux envies
tourne et veille

un lourd viol que cette lessive de nos gestes
fière bétonneuse qui désormais se serre
sans délai ni doute démontable un ciment
de nos vices en poudre d’ego dedans
et bien cuit

en ce cratère l’éveil incandescent
offre au baves des réductions de rouge
ça tasse encore en ta bile un jus de terre
et aux artères bridées des remords de falloir

fais monter aux fièvres brunes, aux auras
aux « sera », « pourra », gravats
et grabataires empoudrés dans les tubes
générés en gerbes jaillissantes
par bassines de restes entières
aux éviers nos orgueils ! aux éviers !
et que se dépompent en vain
les étriers de nos âmes en berne





***

à mesure que tu t’entêtes
à garder l’indicible
toutes ces gardes que tu montes
feront surgir des intrus

à mesure que tu t’entêtes
à nier l’évidence
c’est pas des danses plus légères
qui viendront prendre le pas sur toi

à mesure que tu t’entêtes
à ne vouloir que le bon
c’est seulement tous le reste
que tu attires en ton nom

à mesure que tu t’entêtes
à me cacher ton visage
tu ne sauras jamais qui
se cache derrière le mien




***

De quel berceau de quel hôte
par où que ça puisse enfin
d’où de part et comment
que tu luises d’une telle ombre

d’après quel comment qui
fusse enfin ma foi violée
que tu puisse tant tenir
cet éclat de noir

avoue autant que n’est-ce
par enfin percer l’opaque
à ma charité dressée
de tout l’encre de ta nuit





***

Le jour où je te prendrai dans les bras
les vautours mourront tous d’un désir harassé
et les renards et tous les chiens errant
verront leurs canines élevées au faîte de leur gloire

des arcanes de fraises nucléaires surgiront des argiles
transperceront des ozones subjugués
de vieux dieux désincarnés verront leurs chants
tour à tour pris par des hydres en flamme

pas d’orient non pour les traînées de poudre
mais des roches injectées de saints décerclés
prieront dans des rengaines tribales
la résurrection de tes braises impies
FÉMININ SURVIE


il faut surmourir
c’est une question de survie
surmourir à ses joies
à ses terres, ses fils
surmourir aux fils de l’autre
passer la rampe
surpasser l’autre et la rampe
au delà de soi
en avant d’eux-mêmes
outrepasser le seuil
outre-tomber le deuil
à la face égorrifiée, désenfantée, décuvée des assis sans socle
il faut mettre en cuve ceux qui suivent
tonneaux par tonneaux et les autres devant
par gueules entières
fronts et ventres vidés
il faut surmourir au delà des ventres
gracier la mère et ses filles
enorgueillir les orgues de combat
envoyer les gloires en première ligne toutes peaux dehors
sauter, avec leurs gorges lâches
et crépir nos rides immaternelles de leurs bouillie de marbre
il faut nourrir ses frères
décharner les hontes
et pisser ses envies par karchers défensifs
il faut surmourir pour sur-être
au devant
le cœur givré des frais élans
les dents plongées dans la faim


Sébastien Tillous