La
page
blanche

La revue n° 44 poète de service

poète de service

Sarah Yer

L’INFINI


Je suis seule dans ce train bondé.
Mon arrêt est dans longtemps.
J’attends dans une ville qui n’est pas la mienne.
Ce train qui me ramènera vers toi.
Mon chez moi.
Je vais devoir marcher, je le sais.
C’est un défi isolé.

Relever ma peur de l’inconnu, de ce qui peut se passer.
C’est après l’arrêt Takoma.
Appréhension.
L’ endroit de la peur, où mes entrailles se remplissent d’une peur panique.
La gorge serrée, les membres tremblants.
J’escorte mon courage.

Est-ce tout ce que j’ai recollé va se rebriser ?




GAZON

C’est une fille qui se nomme Gazon.
Elle est blonde platine, les cheveux mousseux au carré.
Ses lèvres sont bien roses & charnues.
Son nez petit & raffiné.
Ses yeux gris, bleu piscine.
Elle a peint ses ongles, couleur vert citron.
Sa frange est négligée.
Elle tient un verre de lait, qu’elle boit sèchement.
Fumant une cigarette japonaise.
Elle porte une blouse bleue et contemple la mer, elle l’absorbe par son regard fixe, imperturbable.
Sève de rose.
Il est une saison délicate mais aussi la plus grisante.   




MADAME BUTTERFLY

Elle est allongée sur un canapé couleur nuit bleutée avec comme coussins des milliers de perles tombant à terre.
Elle s’est endormie, les jambes relevées.
Tel un papillon dans son cocon de soie.
Sa poitrine généreuse s’offre volontiers.




LA DAME DE SHANGHAI

Dans sa combinaison-Kimono en soie & corset-cage, la dame de Shanghai éternue.
Elle entrouvre son corset pour respirer, dévoilant sa poitrine restée ferme.
Elle porte un pendentif à son cou, une perle gourmande pastel.
Un noeud de diamant à son poignet.
Elle désire l’ éternelle jeunesse.
Quelques paillettes brillent dans le noir, puis tout sombre.




UNE HISTOIRE DE PLUIE

Il pleut, il mouille.

Je prête l’oreille.

J’écoute les gouttes tomber, ses pas réguliers tambourinent chaque objet puis le sol.

Je suis satisfait.

Comme une musique, elle nous raconte une histoire.
Mémoire du temps.
Une histoire de pluie.
Cette eau fragmentée régale la terre mais la ravage aussi.

Je te personnifie.
Aux extrêmes, tu es vivante, généreuse, dense, toi la force de la nature animée.
Mais tu nous tue par ta violence, ta furie, tes rafales de gouttes de pluie sauvages.
Pluie d’or
Pluie de mort

Il ne faut pas se mettre sous un arbre quand il pleut.
Mais qu’est-ce que j’adore le faire.
Je me sens en sécurité sous ce grand arbre, il me protège par son épais feuillage, filtre cette eau, à l’abri.
C’est traître.
Tu te fais bousiller ton circuit humain & tu meurs par un beau feu d’artifice, de foudre mon cul.

Atmosphère
Nuage
Dépression
Grêle
Grésil
Petite pluie douce
Crachin

Pluie diluvienne
Torrentielle
Démentielle
Bruine

Pluie, pluie, je te suis.
Je te touche, tu es si froide, sans sentiment.
Tu t’abats sur nous, c’est ce que tu sais faire de mieux.




ELLE HAIT LES POMMES

Cette petite pomme que tu hais
Denise, pourquoi tu hais les pommes ?
les petites ?
les rondes?
les acides?
les sucrées?
les fruitées?
les rouges?
les vertes?
les jaunes?
même les granits?
Tu me dis que ça te donnes envie de vomir
Tu me fais rire
C’est la première fois que j’entends ça
Tu me fais vraiment rire
Bah les pommes !
Say Hello! et la compote ?









je suis une femme
qui se fout de tout
de toi
de vous
et j’aime ne pas me soucier des tracas de la vie
je papillonne c’est ça que je préfère
je suis un homme je suis alcoolique
je bats ma femme
j’aime ma fille
je suis une femme j’aime les chiens surtout les petits
je suis une femme qui aime les femmes & surtout les blondes
je suis un petit garçon & j’aime le sport surtout nager
je suis une femme qui aime fumer des cigares
je suis un homme qui mange du chocolat aux noisettes

Sarah Yer