La
page
blanche

La revue n° 46 e-poésie

e-poésie

Samuel Dudouit

Grâce complète

 

né cendres

j’ai grandi chien

roulé mes enfances dans la paume de ciels

où vacillaient des anges

né planche

j’ai vécu branche noisette ou feuille

déchiré mon attente

dans l’obscurité des voix

né roulé parachuté

immigré du néant

nombriliste manchot 

je cherche encore mon bras

la main gauche nécessaire

à toute révolution

les siècles à mains se suivent

et se ressemblent

dans l’incontinence sempiternelle de toutes les vanités

mais,

né tympan de l’autre côté du monde

né caillou singe hibou

innocent sans conviction

né funèbre et gai, déposé, apollo en vigie

né lancé, donc

j’erre et vague, déserte de biais

à intervalles bien enfouis

pour l’extérieur

et reprends place dans le troupeau

pas plus inquiet que ça

de la chute puisque de chute il n’y a

que ça

et qu’il n’est question que de résonner autrement

dans le mouvement

et s’évader en mots tout entier

avant le choc

qui toujours revient, treizième fatiguée,

sur la doublure de toutes les nuits surfées à l’encre

alors,

parole mise sur orbite dans la musique avec apollo huit en blason

et tout le sang de l’automne en procession dans mes silences

né capsule

j’ai voyagé ritournelle dans les ruelles

de mon crâne

laissé filer les noeuds des voix

sur leur train d’ondes

né blasé en apollon

étonné en douce perdu dans mes pantalons

rêvé de fond en comble

par des volumes de phrases

qui venaient d’on ne sait où en amont des mes atomes

né fâché contre tout

révolté et gymnaste contrapuntique

c’est-à-dire rien d’autre

que parfait catholique

né parti

je n’en suis jamais revenu

touché coulé fondu

jusqu’au fond jusqu’au cul

effaré de celui qui paraît

verrouillé entre les pages de ses papiers d’identité

né cuit et recuit

déjà jeté déjà

épongé effacé snipé

né passé dès le début

baptisé le jour des morts

je ne fais que revenir sans bouger

depuis le fond de plus en plus fermé espacé,

apparitions éteintes ou trouées de vide

glissant sans cesse comme par des portes

dérobées

à l’ennui maçonné à perpétuité

né double et prompt à doubler

aimant le mensonge pour la vie qu’il ouvre

j’ai beaucoup joué à m’inventer

naissances et rencontres souvenirs et tout un tas de phrases trouvées

à l’heure où le cerveau s’éveille

et double la ligne jaune d’un autoportrait :

né simple parfois simplet

né hilare à côté

légèrement paumé en société

né hébreu dans le français

possède sa propre musique

a toujours eu de grandes oreilles

et sait s’en servir

né miroir dans le son

hurlant dans les caleçons

sanglants

d’une vie qui se défait

né plus haut sous mon front

j’ai patiemment noté

la noyade romancée qui me tient lieu de vie

et dont il faudra descendre

né cendres

j’ai grandi chien

cherché mes traits à même le tain

inversé des années

longuement somnolé dans la boîte noire

vécu la passion de Pilate

et, narcisse noyé par écho,

et ne suis pas ressuscité des mots

 

 

Samuel Dudouit