La
page
blanche

Les éditions Lpb

Quatre poèmes - Denis Heudré
Poche - 92 pages - 12 €
Paru le 1/4/2023 - EAN 9782958614355
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Quatre poèmes Denis Heudré

Bloqué devant ma page blanche. Partir tout au sud du sud, à l’austral de l’austral. M’aventurer seul en moi. Au plus profond du profond. A explorer la moindre parole enfouie. Au plus vif de mes obscurités. Ici, plonger dans la source noire. Dans la faille de mes insuffisances. Le volcan de mes aspirations.

À propos

Commentaire de Guénane

Novembre doux entre deux averses, le cerisier en fleurs me nargue, il fait un temps à lire Denis Heudré. La mélancolie pour moi est un mot abri, un mot ami, un mot ouvert, un mot arc-en-ciel.
Sur la couverture, la mélancolie fleurit, ses pétales tombent en demi-sourire, en croissant de lune, essaient de se recoudre pour recueillir les larmes noires d’un printemps prison.
Quatre Poèmes. Le petit livre blanc, écrit aux coconfins du confinement, imprimé avec économie d’encre, a besoin de lumière. Très vite je reconnais la marque Denis H, toujours à la lisière de l’enfance discrète et des coups à l’estomac.
Même nourris, les mots se bâillonnent, le fil du non oubli les retient, ils restent jeunes malgré les manques, les ronces, le poète étouffe tout en gardant l’équilibre. Denis H est un félin, il évite le remords ( d’ailleurs il ne lui met pas de s ), il n’a pas peur des ombres. Même s’il est tombé du nid, du lit, même si je, me, moi, cela fait beaucoup de monde en lui, s’il en perd un il en reste assez pour colorer ses rêves, prendre appui sur ses secrets et perturber l’étrange mécanique de la mélancolie.
Partir loin, sortir de sa peau sans bouger, impatient, il chausse des bottes de sept lieues pour faire le lien entre les lieux de ses navigations intimes. Il s’offre aussi de nouveaux yeux, en plein exil de confiné, il s’embarque pour les antipodes. Le Che - Guevara - avait des hormigas en el culo, Denis H a des fourmis dans les rêves. Il lui en faut pour entendre de la Bretagne gémir les glaciers fragiles et le souffle arctique de la solitude. Arctique signifie que là vivent des ours - contrairement à l’Antarctique, il le sait sans le savoir depuis le fond de sa mémoire têtue, ses aventures immobiles dans le silence du fond des âges.
Au détour d’une page, j’ai fini par rencontrer Denis H dans mes contrées, au-delà de la fin du monde, là où autrefois sur les portulans étaient écrit BROUILLARDS. Là où le vent indomptable jamais ne dort mais balaie même la mélancolie. En décembre, quand la nuit est introuvable, vous pouvez, dans la journée, siffler Les Quatre Saisons et la mélancolie s’aplatit, l’émoi se vit, Denis H l’imagine. Sans vouloir blesser ses confins, les vivants de la Tierra del Fuego se nomment Fueguinos et il vaut mieux rêver les révérences folles de l’albatros plutôt que le vol d’un goéland. Fabuler sur Puerto Toro laisse en lui un rai de lumière indélébile, la bile s’estompe.
Belles pages nomades pour aérer le temps présent. Les paradis n’existent plus mais pourquoi ne pas s’offrir le luxe intime de les frôler encore. Tous les confins imaginés sous toutes les latitudes par Denis H comblent un instant ses gouffres, ses discordances, les vibrations des angoisses coupantes. Envie de l’inciter à s’ envoler encore à tous les cardinaux, l’horizon infidèle est sans fin mais épure ses mots-maux et le poète toujours revient, la respiration rénovée, s’étendre auprès de ses jonquilles enfantines têtues.
Oui, pourquoi avoir toujours la tête sur les épaules ? ( Inadvertance, sur est écrit sure comme s’il n’était pas encore assez sûr de la réponse).
« La Poésie, oui, les poètes, non ! » m’a dit un jour quelqu’une en contemplant le marécage des égos. Bienvenue en interlude à la poésie sans poétention !
Épaulé-jeté, Denis H amène les mots et les jette, nous offre des petites explosions made in lui-même qui musclent notre sourire, il slame à contre tout avant de nous inviter à cueillir une primevère invisible oubliée dans un livre.
Salut talus, la primevère aime s’effacer pour mieux annoncer le printemps. Prima vera mais pas prima donna. Fleur d’enfance, fleur de lait, fleur timide mais libre sauvageonne. Fleur de sève adolescente où le poète trempe son encre. Cette fleur cabocharde ignore les idées barbelées, jaillit au pied du mur à la lisière du béton et il me plaît de lui sourire, avant d’affronter la Prima Nera ce laps où la jeunesse s’éloigne.
S’éloigner n’est pas s’effacer nous susurre la fleur de l’âge et le noir n’est jamais noir même si le cœur goudronne, si la chauve-souris s’accroche à nos cheveux. Saura-t-on jamais de quoi meurt une fleur ? De tourments ou de trop d’absence ? Le poids des larmes est-il égal au poids du chagrin ? Le poète interroge. Il peut écrire le noir et le cri avec son sang puisque le sang noircit en séchant. Il sait depuis l’enfance trouver abri sous les toits noirs de l’ardoise bretonne et apercevoir les reflets de brillance dans le noir du grand corbeau.
L’espoir du poète est toujours teinté d’un noir léger mais la moindre lueur perce le noir désespoir. Dans le livre de Denis Heudré, les mots finissent toujours par siffloter et donner un rythme à la mélancolie.

L'auteur(e)

D'une grande discrétion, doutant toujours de sa légitimité à proposer ses textes, Denis Heudré a fait confiance à Pierre Lamarque, cofondateur de la revue La Page Blanche, quand ce dernier lui a proposé de regrouper plusieurs anciens recueils auto-diffusés, avec un inédit, dans un ouvrage publié aux éditions Lpb.

D'une incapacité à dire la mélancolie, ces quatre poèmes visent à proposer le lire, les mots. Bien réfléchis. Bien ordonnés, bien agencés. Réécrits s'il le faut. Recueillis en groupes puis regroupés en recueil. Toujours dans la sincérité du sombre et l'espoir de la lumière.
La mécanique de la mélancolie, la quête de sens, le désir d'évasion, la réflexion sur le rôle de l'imaginaire et de la poésie dans la découverte de soi, le langage lui-même, tous ces sujets constituent le fil conducteur de ces quatre chapitres.

D'un style varié, allant du poème à la prose poétique, en passant par l'humour avec un rythme saccadé et une tension dans le texte, parsemé de références littéraires, des images fortes et l'utilisation d'une langue parfois inventive, cet ouvrage parvient à créer un paysage émotionnel profond.

Denis Heudré a déjà publié :
• intitulé titre, aux éditions La Porte, 2011 (poésie)
• Une couverture noire, aux éditions du Net, 2014 (poésie)
• Bleu naufrage, aux éditions La Sirène Etoilée, 2015 (poésie)
• sèmes semés, Les Éditions Sauvages, Prix Paul Quéré, 2016 (poésie)
• De terre, de mer et d'espoir, éditions Récits, 2021 (récit généalogique)