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AUTEUR-E-S - Index I

40 - Jean Colombes

Poème de Brest

Dans le monde second où vivent toutes nos ombres,

celles-ci se rassemblent-elles dans un grand soir ?


toi, 

tu as traversé les champs des fleurs jaunes des bougies

étoilées

(la grande mise du ciel toutes ces nuits)

visage de lune et noir smoking,

tu as traversé sans t'arrêter l'agitation des villes la nuit

ses milliers de verres d'alcool et le tintement des mots sur les lèvres 


A la gare hier, comme ta vie est passée vite

(partir était ta façon de refermer le couvercle de la ville pour enfin trouver la chère quiétude)

Et par la lucarne du train

tu as agité un mouchoir d'adieu (un mouchoir en coton comme la fleur)

(apercevant rien qu'un instant le visage de Rimbaud sur le quai

(pensant rien qu'un instant au poème-minute que tu écrirais)

Puis, à la lucarne du train

tu as fermé les rideaux blancs et moelleux dans lesquels les rayons de la lune

se reposeraient de leur longue course

Tu avais ton billet pour un voyage – tout juste d'un demi-siècle

à venir, une vie pleine de poèmes pommes-poires

le serveur t'as apporté un thé noir, une tasse, un crayon noir, pour écrire tu gommais au lait tout simplement

tu observais avec intérêt la plage de fine poussière 

posée sur les anciennes couchettes boisées du train


selon toi, 

le Louvres était trop grand pour y bien vivre

tu préférais de loin la côte, un château de sable-fleur 

Tu placerais deux lits dans ta chambre ainsi

tu te coucherais 

à l’Ouest 

et te lèverais 

à l'Est

repas de lune demi-croquée


Ta maman t'avait dit où était l'alarme du train

il fallait tirer le fil, et le cauchemar devenait un rêve

et puis tout irait bien

le train traversait lentement une forêt qui en donnait sa parole

de sa voix d'oiseaux et de craquements de bois mort


*


Tu as mis tes sentiments en Bretagne

Alors le temps a passé (les matins de septembre, les abeilles de juillet, les grelots d'octobre, les brugnons d'août), fontaine de sable de l'année

le vent jamais n'inspire, il soupirait le sable de la côte mêlé de pollen, 

sur la plage tu confondais les algues flottantes et les cheveux des sirènes

ongles les pieds dans le sable chaud et coquillages


Novembre fut différent, et notamment sa deuxième syllabe (du douze au quatorze novembre)

je crois qu'il était temps de s'en aller en ce mois de novembre

Pour t'en convaincre,

tu ramassais les derniers mots que la marée avait laissés sur la plage

et muni de la carte des champs de tulipes dans le monde, tu t'es mis en route

les fleurs levaient les yeux vers le ciel