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Librairie Lpb - Lettre M
MANDELSTAM Ossip - Le bruit du temps - Ed. Le bruit du temps - PL
« Quelle chance, j'ai eu de m'attacher, plutôt qu'à la flamme d'une lampe sacerdotale, au rouge tison de la rage littéraire. »
« Comment allez-vous, Ivan Ivanovitch ? - Oh, ça va, Piotr Piotrovitch, l'agonie continue. »
"Et, dans cette période hiémale de l'histoire russe, la littérature m'apparaît dans sa totalité, comme parée d'un je-ne-sais-quoi de seigneurial, qui me trouble : en tremblant, je soulève la pellicule de papier ciré qui couvre le bonnet de fourrure hivernal de l'écrivain. Il n'y a là nul coupable, et aucune raison d'avoir honte. La bête n'a pas à rougir de sa fourrure. La nuit l'a couverte d'une peau. L'hiver l'a vêtue. La littérature, c'est la bête. Le fourreur : nuit, hiver. »
Souvenirs d’enfance et de jeunesse. Écriture raffinée, style soutenu, humour, sensibilité rare et pénétrante.
critique littéraire de haut niveau. Aperçus lumineux sur La vie intellectuelle russe de son époque.
MAUBERT Jean-Michel - L’hypothèse Kafka et autres récits - À paraître aux editions LPB - PL
Hormis la première, il s'agit de brèves histoires. D'un ensemble de textes construit avec des briquettes, de courtes propositions indépendantes, comme si la respiration du conteur était haletante. Il faut dire que l’inspiration diverse de ces récits est proche de celle du cinéaste David Cronenberg. L’auteur de ces nouvelles est connu pour sa défense des animaux qu’il considère comme des personnes : "Je sens la douleur d’un ver de terre blessé coincé sous une pierre". L'ensemble des nouvelles exploite des sentiments de terreur, d’horreur, d’étrange, d’inquiétude, d’absurdité (cf la courte nouvelle intitulée ‘La route’ ), de catastrophe. L’écrivain fait découvrir au lecteur un autre monde, inimaginable pour lui, par un art troublant de la mise en scène et de la chute finale et, en plus, par l’impression de coller à la réalité et à la vérité grâce à l’élocution du texte, sa ponctuation, son rythme : "Des faces de pantins aux yeux cousus. Traits épais. Masques peints. Mains de bois. De fil de fer. Cheveux en ficelle. Noire. Jaune. Oui, ça crie."
Ce livre révèle la grande dimension de l’imagination et l’ implacable logique de l’écrivain Jean-Michel Maubert. On peut dire «l'immense écrivain de nouvelles brèves ». L’hypothèse Kafka est un livre invraisemblable à offrir à ses meilleurs amis, un livre que j’offrirai pour un grand moment de plaisir.
MAUBERT Jean-Michel - Solidité des lumières - Ed. Lpb - PL -JMM
L'intranquillité est le ressort de l'œuvre de J-M Maubert. Le poète fait de cette intranquillité datant de l’enfance – se trouvant dans la mémoire d’une enfance encore privée de parole – une force, une densité, un feu. La voix de l’écrivain, par moments rauque, durcie, sourde, devenant litanie, chant de la désolation, cherche pourtant une forme de lumière. Une lumière issue d'un désastre. Ainsi, dans la désolation des simples jours, brûle un feu de mots. Le poète se fait agneau ou âne, "brave cochon" qui "avale la nuit", fragments d'une plaine sous un soleil de boue, soldat errant, neige, fumées industrielles, pluie malsaine... Il se perd "dans la terre meuble des autres voix". Les autres voix : comme si l'auteur travaillait à faire imploser la langue, cheminant pas à pas vers une autre langue, qui laisserait respirer les altérités, animales et humaines, accueillant au fil des pages ceux qui ne trouvent pas leur place, idiot(e)s, fantômes, êtres hybrides, corps monstrueux, déchets de la grande Histoire. De fait, affleure dans les poèmes constituant ce livre une dimension narrative, mais soigneusement cassée, décousue, minée de l'intérieur, prise dans la déconstruction sauvage d'un poète fragmentant sa propre voix à coups de pioche.
MAUBERT Jean-Michel - Solidité des lumières - Ed. Lpb -SC
SOLIDITÉ DES LUMIÈRES : L'écrire chaosmos?
Comme si chaque poème du recueil proposait un agencement poético-syntaxique, où chaque pièce trouvait sa place, en se singularisant dans la dynamique créatrice de l'ensemble... La secrète architecture de la composition, ne donnerait-elle pas à laisser percer, à claire-voie, une suite de mises en formes porteuses de LA SOLIDITÉ DES LUMIÈRES, expression du poiën maubertien. Comme si chaque poème était un plateau deleuzien et que l'agencement morphologico-syntaxique de chaque pièce donnait à lire l'expression de la dynamique créatrice d'un plan, premier support d'un poème problème-résolution, porteur d'une géométrie organisationnelle qui trouverait son élucidation dans la puissance d'exister libérée par l'écriture. L'ensemble poétique, comme une puissance génératrice formant bloc-disjonctif, en lignes de fuite, structurant l'ensemble de toute la robustesse de leur fragilité.
SOLIDITÉ DES LUMIÈRES. Premier poème comme une soupe primitive.
Et si le pari était celui d'un zéro commencement ? Comme si l'écriture était rythmée par le blanc, comme si sa trouée était conjointement consolidation-respiration, celle d'un poème plateau-cosmogonico-perpétuel, celui d'un univers-flux roulant et s'agrégeant en se métamorphosant. Comme si les premiers et derniers mots du poème exprimaient l'énergie d'une immanence créatrice entre "l'embrasure entre les pins" et "un soleil éventé". La solidité du monde proviendrait-elle de sa faculté à générer ses propres trouées créatrices? Comme si sa lumière était vivante? Au fil du poème, s'opère la mise en vibrations d'un grand-tout sui generi. Non. Il n'y a pas de commencement parce que les LUMIÈRES engendrantes sont solides. Elles sont le produit dynamique, les émanations de la chair du grand-vivant-pourrissant-germinant en "âme-cafard près de l'os".
Puis, c'est une suite de poèmes, beaucoup plus complexe qu'un simple défilé se structurant en seuls échos. Les variantes scripturales, l'usage du blanc, du trait, du /, rythmant des écritures versifiées ou l'écriture se dévidant au fil de strophes non-versifiées, génèrent des fragments-formant-monde. Comme des puzzles tentaculaires. La tentation d'évoquer un néo-panthéisme est bien grande. Il semblerait qu'aucun des représentants du vivant ne soit oublié et plutôt associé à ce qui pourrait ne pas l'être, dans une refusion poétique, un reconditionnement créateur. L'écriture pourrait bien être une mise en poétisation du corps sans organe deleuzien, formant grand-réorganisme. Maubert, poète de la néosmose, de la démultiplication rhizomatique des forces soutenant le vivant. On pense à ce que Diderot, dans sa radicalité matérialiste, nommait la "fermentation" du vivant. Comme si le poète, au moyen de son écriture, disait cette fermentation fondatrice, dont les titres des poèmes sont emblématiques : "GERMES", "OSMOSE", "SOLEIL DE BOUE", "PARAGES", "AU FOND DE L'ÉTRANGE JARDIN", "COMME DES FLEURS DE MIGRAINE". L'ensemble ne se répète-t-il pas en se différenciant? Impossible de douter de la toute-puissance d'un verbe ontogénésique, pleinement conscient de l'exposition à la chute aux "poissons de pierre" de plusieurs tonnes. La force du poétique ne consisterait-elle pas à ouvrir son "parapluie mental"?
SOLIDITÉ DES LUMIÈRES ou la suprématie du vivant chantée par le poète respectueux de la réalité, apte à se montrer toujours plus forte dans ses hasards aux trajectoires aussi obliquement imprévisibles qu'une pluie de grêle formée de clinamens s'entrechoquant en déviations à l'indifférence créatrice. Comme si les mots du poète étaient aussi vrais qu'un fleuve intrinsèquement chargé de cadavres et de graines.
ÉLÉGIE. Dernier poème comme une pluie asséchante, séparatrice-du-monde.
Comme si au coeur du chaosmos, il ne restait plus au poète qu'une possibilité de vide, celui du trou sentimental. Celui exprimant la douleur de la perte dite dans l'ultime poème ÉLÉGIE dédié à Claudia. Comme si rien, malgré la prise au vacarme créateur du chaosmos, ne pouvait faire sortir du "silence" après la perte? Comme si notre conscience aimante en était réduite aux limites de l'être-usufruitier? Nos affects, aux plaintes de nos-trop-tard?... Notre silence, comme conséquence de l'irréparable intrinsèque à la séparation? La radicalité de sa sécheresse muette.
La SOLIDITÉ DES LUMIÈRES ?... Comme une perche entre toutes ? Le verbe poétique comme ultime ancrage au chaosmos ?
"Ainsi jamais les êtres ne cesseront de s'engendrer les uns les autres ; la vie n'est la propriété de personne, tous n'en n'ont que l'usufruit." Lucrèce, De la nature des choses.
Sandrine Cerruti
MAUBERT Jean-Michel - Décombres - Ed Lumen - PB
MAUBERT Jean Michel - Le sacrifice du Géomètre - Sinope Editions - PB
MAUBERT Jean-Michel - LIMBES suivie de RONCES - Ed. Maurice Nadeau - P.L.
LIMBES
Peinture lumineuse et sombre, réaliste et onirique, prosaïque et poétique, singulière et universelle. Musique des limbes, des marges grises, des franges froides. Magistrale, envoûtante.
RONCES
La mort d’une araignée (peut-être la mort du poète Georg Trackl ) racontée par Jean-Michel Maubert. Lente progression des personnages à travers ronces. Qui s’accélère au milieu du livre jusqu’à la fin. C’est un très vaste espace. Avec des scènes d'atrocités de la guerre.
Les phrases sont souvent faites de propositions incises séparées par des longs tirets. Ce qui donne un rendu -- un effet de flux .
… Un immense boeuf musqué - ou un Aurochs, peut-être - blanc et gris…
La boue, la pluie — l’ombre lointaine, verte et fraîche et brune, des forêts
Sur Limbes/Ronces voir aussi l'article Pascale Buisson :
MAUPASSANT Guy de - Le Horla - Ed. Pocket - PL
Force réaliste, présence du fantastique, pessimisme.
Ses oeuvres retiennent l'attention par leur maitrise stylistique et confèrent à l'auteur un renom de premier plan (1850 - 1893)..
MAYRÖCKER Friedericke - Voyage dans la nuit - traduit de l’allemand par Anne Kubler - Éditions Atelier de l’agneau - PL
« Je tombe à genoux, je tombe cependant à genoux, tombe par terre, éructe des prières d'action de grâce dès que j'ai réussi à taper une phrase à la machine, quelle vie – parfois des angoisses de mort m'envahissent, parfois je suis saisie d'épouvante, parfois je sens ma fin corporelle proche, et si je n'avais pas cette mienne écriture, ce mien travail d'écriture incessant qui me maintient en vie, j'aurais depuis longtemps laisser tomber, j'aurais laissé tomber ou j'aurais sombré dans la folie, j'écris mes livres comme je dois les écrire, m'écriai-je, dévêtue et démantelée : la vérité nue !, mais ce n'était pas une sinécure, mais il n'y a plus d'échappatoire, forme et contenu se conditionnent l'un l'autre, et caetera. »
Changements rapides d’associations, peur de la narration (attardée peu de temps et entrainée plus loin). Voir et écrire la vie. Roman choral sans chapitres où le flux de la pensée se démultiplie. Cette écriture donne l’illusion d’une maîtrise du temps dont le déroulement ne se mesure pas seulement en heures, jours, semaines et mois, mais se condense en une boule sphérique étincelante (il ne s’agit pas là d’une pédanterie chaotique, comme on en voit poindre de nos jours).
Voyage dans la nuit est un poème en prose long d’une centaine de pages. Livre un peu hors de la norme, d’aspect hirsute, allant vers l’audace - l’état sauvage. L’histoire d’une souffrance, d’un trouble, d’une désorientation, associée à un art de voler au-dessus de tout cela. « Comment se tenir là face au monde ? Ces changements en moi comment les nommer… »
Bref, des acclamations, on ne devrait pas en attendre pour un tel genre de prières…
« Sur le dos du chien, il y avait de la neige. Je ne sais plus je ne sais plus rien, j'ai perdu la mémoire, mon souffle forme instantanément des cristaux, mes cheveux se dressent contre le ciel, depuis longtemps je ne retrouve plus la focale, les stylos vert et rouge sur mon bureau, le rouge vire au vert et inversement, soudain l'état de sommeil qui paralyse, risque de tomber en avant, quand personne ne regarde, presque personne ne regarde. »
Friedericke Mayröcker - Voyage dans la nuit - traduit de l’allemand par Anne Kubler - Éditions Atelier de l'agneau
METZ Thierry - Lettres à la bien-aimée - Ed. L’Arpenteur. PL
Extraits
Qu’il n’y plus que quelques gestes.
Dans un grenier de chagrin.
…
Il y a forcément dans une rue un homme
qui parle tout seul.
Et qui nous regarde.
…
Ne dis rien. Je t’aime. Le reste n’est que
l’histoire d’un petit village au bord d’une
rivière. L’histoire d’un hibou qui nous connait.
Après tant de nuits.
…
J’ai vidé la page pour que tu puisses entrer.
Pour que tu t’habitues aux couleurs de chaque
mot.
Assieds-toi près du centre, à côté de ma main.
Demain je n’aurai pas fini.
…
Une pierre,
Un chiffon,
Un bout de bois suffisent à n’être plus seul
devant certains mots, à leur trouver un fond
ou une enfance.
Écrire n’est qu’un toucher.
Écrire est la petite pièce où je touche tes
mains, la petite pièce que je pose dans ta main.
…
Blanche. Toute blanche. Pour peu de temps.
J’aime cette page que tu traverses, où tu te
promènes avec l’enfant. Dans le bois, derrière
le cimetière.
Un sentier nous glisse entre les doigts mais
nous n’avons que nos mains à prendre. Nous nous
régalons d’une grappe de raisin.
Personne.
Même pas un chien.
L’enfant regarde un nuage, en rêvant.
Tout s’est déplacé, d’un coup, le temps que nous
passions, l’un contre l’autre.
…
Je ne dis rien, je te cueille un épi de lavande,
je prends ta main sous la pluie. On regarde ce
bout de jardin, les acacias de la colline. C’est tout.
De ton regard je ramène une constellation.
METZ Thierry - Le grainetier - Ed. Pierre Mainard - PL
" Je me réveillai, reposé comme au sortir d'un bain, entrant dans cette journée comme dans une étable chaude. Après le bol de café, je m'assis devant mon poème et lui parlai :
« Tu es poème, quelque chose d'infatigable, de robuste, un appui toujours en sève, un arbre. Ce que je mets dans ta voix, je le porte dans ma chair. Je suis l'homme que tu fais quand tu m'écris, quand se bouclent nos deux ombres. Poème jamais fini dans le sang de ma lecture. Quand je te vois, et dis : est-ce moi plus profondément ? Est-ce toi aussi simple qu'une graine devant un oiseau ? Nous sommes les fiancés de l'homme. »
Je lui posai un sourire dans sa paume et sortis.
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Le village était loin derrière nous. Nous étions au centre d'un visage en pleurs, gercé de ravines et de flaques. La bruine nous pouffait à la face sa jeunesse malicieuse, fraîche comme un mufle sauvage. Et nos pas se marquaient, l'espace d'un baiser, sur la boue du chemin où floquaient de grosses larmes. C'était piquant et bon, l'haleine fermentée du sous-bois m'envahissait comme une brassées de lavande. La lumière naissait à chaque instant des greffons de la pluie, là éparpillant ses grains, ici crevant comme un piment trop mûr. Même les couleurs désobéissaient, mouillant et tachant leurs robes sur l'humus détrempé. Le froid riait, prolongeant mon corps de sa joie.
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L'Homme , qui ne s'interroge plus sur l'Enjeu, se retrouve derrière une porte qu'il tient à bout de bras, qui avance avec lui et qui ne s'ouvre pas. "
MEYER Bernard - Liaison - auto-édition -P.L.
Liaison est un récit bien mené, au rythme soutenu, au lexique riche, aux phrases claires, aux images agréables et parfois surprenantes de finesse, fait de courts paragraphes qui s’enchaînent magistralement, et cette qualité architecturale de l’écriture est à souligner, qui entraine le lecteur en Amérique du Sud (Buenos Aires en Argentine, Rio au Brésil); Le narrateur s’appelle Bruno, 37 ans, son amant Oscar, 19 ans. De Bruno on ne sait que peu de choses, pas suffisamment à mon goût pour faire de ce récit un récit parfaitement équilibré et réussi. On sait juste que Bruno (son prénom n’est cité qu’une seule fois) est un français, bien élevé, cultivé, rien n’est vraiment dit sur sa profession, sur ses origines, son histoire, on apprend juste qu’il fait de temps en temps des conférences mais on ne saura pas de quoi, qu’il a des amis, mais l’auteur reste trop discret sur le personnage de Bruno pour que les deux protagonistes de cette histoire d’amour puissent être considérés par le lecteur à égalité de traitement. Oscar est un jeune homme qui travaille pour un maigre salaire. Au contact de son amant, en l’espace des quelques semaines que dure leur liaison, le lecteur sent l’influence positive qu’exerce Bruno sur Oscar et Oscar sur Bruno. C’est une belle histoire. Il manque à cette histoire, je le redis, d’étoffer le personnage de Bruno en lui donnant un passé, comme cela est fait pour le personnage d’Oscar.
Bernard Meyer n’a pas atteint encore le stade de la lecture en livre de poche d'un grand auteur mais Liaison mériterait d'être publié comme un grand roman, car c'est bien un récit romanesque, mené tambour battant, dans une grande maison d’édition à condition de faire un paragraphe ou du moins quelques phrases pour cerner mieux le personnage du grand Bruno.
"Pour moi, j'ai l'alcool gai. Quand il me pénètre, il agit comme le Saint-Esprit de l'hymne : il fléchit ce qui est rigide, relâche ce qui est contraint, réchauffe ce qui est de glace. Spleen, anxiété, découragement, tous les oiseaux de malheur s'envolent. Les tourments de l'existence prennent des proportions modestes. Une secrète assurance m'envahit. Je deviens disert, je brille, je vois dans le regard d'autrui le reflet de ma séduisante métamorphose. Et le miracle est là : j'aime la vie."
MEYER Michel - Qu’est-ce que le questionnement - ed Vrin - PL
La problématologie, ou étude du questionnement, est un concept philosophique du philosophe belge Michel Meyer qui dit dans son livre De la problématologie : langage, science et philosophie :
"de la science à la pensée commune, du langage à la littérature, le problématique nous oblige sans cesse à être un questionneur engagé »
Le livre de 128 pages Qu’est-ce que le questionnement ? donne un aperçu de la pensée de l'auteur sur ce sujet.
MIRON Gaston - L'homme rapaillé - Poésie Gallimard - P.L.
L'oeuvre poétique d'une vie, réunie en un recueil qui, à partir de la moitié du livre, devient d'une intense splendeur sans arrêt jusqu'à la fin.
NATURE VIVANTE
Le vent rend l'âme dans un amas d'ombres
les étoiles bourdonnent dans leur feu d'abeilles
et l'air est doux d'un passage d'écureuil
tu déjoues le monde qui assiège nos lieux secrets
tu es belle et belle comme des ruses de renard
Par le vieux silence animal de la plaine
lorsque fraîche et buvant les rosées d'envol
comme un ciel défaillant tu viens t'allonger
mes paumes te portent comme la mer
en un tourbillon du cœur dans le corps entier
Gaston Miron
L'homme rapaillé
Poésie Gallimard
MODIGLIANI - Collection paroles d'artiste - Fage éditions - SC
Je trouve les réalisations de Modigliani absolument fascinantes. Il est le maître de l'illisible- présence. Il donne à voir la présence de l'être, celle de la victoire donnée à l'inconnaissable, sur la violence du déchiffré. Bien souvent, le décryptage n'a d autre intention que servir nos petits intérêts domestiques. Ceux du moi sentimental ou sociétal. Accueillir sans chercher à saisir, à réduire, n'est pas chose commune. C est une fête. Oui. Une fête. Modigliani fête l'être. Il est l'héritier du portrait qui ne décrit pas. C est bien ça qui a fait le succès de la Joconde. N'est-ce-pas ? Tous les portraits de Modigliani sont des Jocondes. Inassignables.
J aime beaucoup le malaise, la panique interprétative que le mystère Modigliani peut provoquer chez certains. Dans chacun de ses portraits, l' être est présent, et nos tentatives pour le définir, coller les très réductrices étiquettes qui sont autant de fixités enfantines et illusoires, sont de cuisantes mises en échec.
https://www.fage-editions.com/collection/paroles-dartiste/
MODOLO Patrick - Drôles de Nouvelles ! - Éditions Futurel - PL
Il s’agit d’un premier livre d’un jeune auteur prometteur, contenant une veine de fantaisie - paru en même temps qu'un autre livre, intitulé « À bien y réfléchir » , un recueil d’aphorismes.
Les "drôles de nouvelles" visitent les genres littéraires et les brassent
joyeusement. Patrick Modolo aime les mots et la littérature et joue avec les mots, et ce ressort comique alimente l’inventivité de l'auteur - parfois à peu de frais.
Quatre nouvelles brèves, peut-être parce qu’elles sonnent poétiquement, retiennent particulièrement mon attention : « La barbe à papa », « La princesse qui n’aimait pas les caresses », «Rue d’Ornano », et « Dolores ».
À la retraite dans un village à 20 kilomètres de Bordeaux, j'ai passé ma vie d'adulte dans la ville de Bordeaux, je suis sensibilisé aux pages du livre qui parlent de cette ancienne capitale provinciale française entourée de banlieues, à la face liftée il y a vingt ans, au corps en voie de bobofication, depuis son coeur, et de verdissement, bien vue par l’auteur
avec ses quartiers réservés au commerce du vin et de l'esclavage en aval du Port de la Lune, suivis en remontant la Garonne, fleuve majestueux comme le Danube, de quartiers réservés aux pauvres.
J’apprécie ainsi, dans ces onze brèves drôles et poétiques nouvelles (un genre littéraire moderne qui me plait bien), tels ou tels points de vue de l’auteur ainsi que ses idées originales qui sont la base même de ses écritures.
MODOLO Patrick - À bien y réfléchir - suivi de - Comme dirait l’autre et de - Dictionnaire des noms impropres - éd. Futurel - PL
"À bien y réfléchir" c’est ainsi que commencent ces aphorismes qui se lisent vite.
Ce sont, aux dires de l’auteur, des parodies de maximes d’inégale valeur,
certaines dérangées, certaines dérangeantes, certaines fines
certaines peu subtiles, lourdes ou légères, mais ces maximes provoquent la pousse de la réflexion jusqu’au bout du livre.
Pour toutes ces raisons ce n’est pas un livre à mettre entre toutes les mains. C’est un livre pour chercher querelle et en trouver. C’est un livre à ne distribuer qu’à des amis sûrs qui tolèreront l'automatisme mental de jeux de mots faciles, aussi faciles que des blagues à Toto en haut du
mot Dolo. Pourtant beau.
Ce sont des trouvailles presque toujours drôles, d’exemplaires truismes,
je cite de mémoire :
- ce n’est pas parce qu’elles ont des pieds que les tables marchent
- on dit souvent que l’herbe est plus verte ailleurs. totalement faux.
à Amsterdam par exemple, elle est juste meilleure.
- un bobo dans le baba c’est un peu con-con
- les nuits blanches tous les hommes sont gris
- si c’est pas demain la veille, c’est qu’aujourd’hui, c’est pas hier.
et pas la peine de chercher midi devant sa porte, car on est sûr de
ne pas le trouver avant 14 heures
- Hitler, il avait une voix un peu nasillarde, quand-même
- le penseur de Rodin a l’air psychorigide
- On ne dit pas hiérarchie mais Gérard défèque
- le sens de l’humour est souvent chez le flic qui vous arrête un sens interdit
- le premier avril, moi, je me sens comme un poisson dans l’eau
- si « je est un autre », alors tuez moi
- pour tuer le temps rien ne vaut la pointe d’un stylo
- Boris, c’est un bon écrivian
- je ne sais pas trop ce que je préfère entre mourir enfermé dans une ferme
et être emporté par une porte
- l’art d’aimer commence par l’art des mots
À suivre
MUNCH Edvard - par Edvard Munch - Éditions Fage - PL
« On ne peut plus peindre des intérieurs avec des hommes qui lisent et des femmes qui tricotent.
On peindra des êtres vivants qui respirent et qui sentent, qui souffrent et qui aiment.
Je sens que je le ferai – que ce sera facile. Il faut que la chair prenne forme et que les couleurs vibrent. »
Edvard Munch (1863-1944) est l’un des plus célèbres peintres scandinaves et est reconnu comme le pionnier de l’expressionnisme. L’auteur du célèbre Cri est un peintre de l’âme et des émotions. Son pessimisme n’est guère éloigné des philosophie de Schopenhauer et de Nietzsche. Victime de troubles graves physiques et nerveux, il aborde dans ses œuvres, principalement des huiles sur toile et des gravures, les thèmes attachés à la mort, l’angoisse et la douleur, avec plus de lyrisme que de réalisme.
www.fage-editions.com/collection/paroles-dartiste