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Librairie Lpb - Lettre P

PARRA Nicamor - Poèmes et antipoèmes - trad B. Pautrat - Ed du Seuil - PL


"Je veux faire du bruit avec les pieds

Et je veux que mon âme trouve son corps."


Né en 1914 au Chili, Nicanor Parra a été l'un des poètes de langue espagnole les plus importants du XXème siècle et du début du XXIème siècle. Il inventa les antipoèmes : des vers clairvoyants , humoristiques, dans un langage direct et quotidien. Parra est mort à 103 ans après avoir radicalement bouleversé la littérature latino-américaine . La modernité de Nicanor Para fera l'objet d'un zoom dans la revue Lpb.



Les vices du monde moderne



Les délinquants modernes

Sont autorisés à fréquenter tous les jours, les parcs et les jardins.

Munis de puissantes lunettes et de montres de poche, ils font

Irruption dans les kiosques favorisés par la mort

Et installent leurs laboratoires parmi les rosiers en fleurs. 

De là ils contrôlent photographes et mendiants, qui déambulent aux alentours,

Tentant d'élever un petit temple à la misère

Et si l'occasion se présente, ils arrivent à s'emparer d'un mélancolique cireur.

La police terrorisée fuit ses monstres

En direction du centre-ville

Où éclatent les grands incendies de fin d’année

Et un courageux à capuche fait mettre les mains en l'air à deux sœurs de charité.


Les vices du monde moderne :

L'automobile, le cinéma parlant,

Les discriminations raciales,

L'extermination des peaux-rouges,

Les astuces de la haute finance,

La catastrophe des vieillards,

La traite clandestine des blanches réalisée par des sodomites internationaux,

La fanfaronnade et la gloutonnerie,

Les pompes funèbres,

Les amis personnels de son excellence,

L'exaltation du folklore au rang de catégorie spirituelle,

L'abus des stupéfiants et de la philosophie,

Le ramollissement des hommes favorisé par la fortune,

L'autoérotisme et la cruauté sexuelle,

L'exaltation de l'onirique et du subconscient au détriment du sens commun,

La confiance exagérée dans les sérums et les vaccins,

La divinisation du phallus,

La politique internationale des jambes ouvertes patronnée par la presse réactionnaire,

L'appétit démesuré de pouvoir et de lucre,

La ruée vers l’or,

La fatidique danse des dollars,

La spéculation et l’avortement,

La destruction des idoles,

Le développement excessif de la diététique, de la psychologie pédagogique,

Le vice de la danse, de la cigarette, des jeux de hasard,

Les gouttes de sang qu'on trouve habituellement sous les draps des jeunes mariés,

La folie de la mer,

L'agoraphobie et la claustrophobie,

La désintégration de l’atome,

L'humour sanglant de la théorie de la relativité,

Le délire du retour au ventre maternel,

Le culte de l’exotique,

Les accidents aéronautiques,

Les incinérations, les purges de masse, la rétention des passeports,

Tout ça parce que,

Parce que ça donne le vertige,

L'interprétation des rêves

Et la diffusion de la radiomanie.


Comme on l'a démontré,

Le monde moderne se compose de fleurs artificielles

Qui se cultivent sous des cloches de verre qui ressemblent à la mort,

Il est formé de stars de cinéma,

Et de boxeurs sanglants qui se battent au clair de lune,

Il se compose d'hommes rossignols qui contrôlent la vie économique des pays,

Moyennant quelques mécanismes faciles à expliquer ;

Ils sont généralement en noir, comme les précurseurs de l’automne

Et s'alimentent de racines et d'herbes sauvages.

Pendant ce temps-là les savants, mangés par les rats, 

Pourrissent dans les caves des cathédrales,

Et les armes et les âmes nobles sont implacablement poursuivies par la police.

Le monde moderne est un grand cloaque :

Les grands restaurants sont pleins à craquer de cadavres digestifs

Et d'oiseaux qui volent dangereusement à basse altitude.

Et ce n'est pas tout : les hôpitaux sont plein d’imposteurs,

Sans parler des héritiers de l'esprit qui établissent leur colonie dans l'anus des récents opérés.


Les industriels modernes sont parfois affectés par l'atmosphère empoisonnée,

Près des métiers à tisser ils tombent généralement malades du redoutable mal du sommeil

Qui les transforme à la longue en espèces d’anges.

Ils nient l'existence du monde physique

Et se vantent d'être de pauvres enfants du sépulcre.

Pourtant, le monde a toujours été ainsi.

La vérité, comme la beauté, ne se crée ni ne perd.

Et la poésie réside dans les choses, où est simplement un mirage de l’esprit.

Je reconnais qu'un tremblement de terre bien conçu

Peux en finir en quelques secondes avec une ville riche en traditions

Et qu'un minutieux bombardement aérien

Peut abattre, arbres, chevaux, trônes, musique.

Mais qu'importe tout ça,

Si tandis que la plus grande danseuse du monde

Meurt pauvre et abandonnée dans un village du sud de la France

Le printemps rend à l'homme un peu des fleurs disparues.


Essayons d'être heureux, c'est ce que je conseille, en suçant la misérable côte humaine.

Extrayons-en le liquide rénovateur,

Chacun en accord avec ses inclinations personnelles.

Cramponnons-nous à ce déchet divin !

Haletants et épouvantables

Suçons ces lèvres qui nous rendent fous ;

Le sort en est jeté.

Aspirons, ce parfum énervant, destructeur,

Vivons un jour de plus de la vie des élus :

De ses aisselles, l'homme extrait la cire pour forger le visage de ses idoles.

Et du sexe de la femme la paille et la boue de ses temples.

Voilà pourquoi

Je cultive un pou dans ma cravate

Et souris aux imbéciles qui descendent des arbres.




PENNAC Daniel - Comme un roman - Folio Gallimard - PL


 J’ai lu en une ou deux heures d'une lecture soutenue le livre de Daniel Pennac intitulé Comme un roman. Cet essai est réjouissant.

Il met en avant son expérience d’enseignant de lettres en collège et 

donne envie d’avoir des professeurs comme lui… 

C’est un essai sur la lecture et l’amour de la lecture. Un écrivain simple, ouvert.





PESSOA Fernando - Le gardeur de troupeaux - Passage des heures p. 174 - 196 - Poésie Gallimard - I. P.


Je suis tellement bouleversée par ce que je suis en train de lire que je m’arrête de lire pour le dire.

  



PESSOA Fernando - Pourquoi rêver des autres ? - Ed. L'Orma - P.L.


Fini de lire ces lettres choisies de Fernando Pessoa et suis encore sous le coup de l’émotion. Je connais Pessoa depuis longtemps, je l’ai lu le long de ma vie et je n’ai pas fini de le lire…

 

Ces lettres sont émouvantes car elles vous font plonger au coeur de la personnalité de l’écrivain. Personnalité littéraire, personnalité tout court. À partir de ces précieuses lettres je peux maintenant tenter une synthèse de ce que j’avais cru comprendre de Fernando Pessoa. Pessoa aimait se regarder dans le miroir clinique de la psychiatrie. Comme tous les « autistes »* de son espèce. Ses lettres à sa dulcinée sont empreintes d’ambivalence selon quel païen Pessoaque les écrit, Fernando Pessoa lui-même ou Álvaro de Campos*. Ofélia Queirós, sa dulcinée, a probablement dû beaucoup souffrir du dédoublement de personnalité de F.P. Mais ses lecteurs, pas autant !

 

* parmi nous il y a des gens qui entendent des voix

* Alvaro de Campos est immodeste et très agressif envers Ofélia Queirós



POWYS Llowelyn - Peau pour peau - Ed Hatier - P.L


Cinq étoiles pour "Peau pour peau »... de Llewelyn Powys. (Livre préféré de Tristan Felix - Collection Terre Étrangère - Hatier) Les Powys sont une fratrie d’écrivains comme les Brontë, avec les mêmes drames dus à la tuberculose… Je ne pense pas qu’en France il y ait eu de telles fratries…

Chez Llewelyn Powys quelle clarté et quelle élégance aussi bien face à la mort que dans l’écriture !


"On ne sait trop ce qu’est l’amour de la vie. Peut-être une manière 

particulière de jouir des sens, de les pousser à émettre, comme un

chant d’oiseau, la note la plus parfaite, la plus longtemps tenue.

Ainsi Peau pour peau est à la fois le récit d’un combat contre la maladie 

et le cri perçant d’un faucon pour cette chose étrange : la lumière.

Haut tenu, le chant. Haut tenue, la langue : une somptueuse prose

anglaise.

Avec, au coin du bois, quelques aperçus embusqués sur une famille hors du commun: les Powys."

Patrick Remaux


PRICOP CONSTANTIN - Signes sur la page blanche - Ed. Lpb- à paraître - PL


Les lettres de Constantin sur la page blanche sont des chemins de sa pensée que je vous invite à suivre. Discours sur la poésie écrit au début du XXIème siècle sous forme d’articles je pense que ce livre apportera du profit à celles et ceux qui tomberont sur lui…(j’ai fait des corrections minimes et essayé qu’il soit présentable)…je ne me lasse pas de le relire depuis des années pour essayer de l’approfondir par coeur…il faut que j'ajoute un sommaire au début , ou une table à la fin : la liste des titres des articles, tous évocateurs. C’est assez rare de lire de la critique littéraire d'un tel niveau, avec une telle constance, une telle surface d’exploration, une telle régularité, en même temps avec l’émotion de la surprise , de l’étonnement, d’un épisode à l’autre de ces cinquante essais de trois pages en moyenne sur simplement ce que peut vouloir dire le mot poésie.…je peux dire que j’ai beaucoup appris sur la littérature auprès de C. et de sa culture…une sorte de mentor…et surtout une amitié simple et concrète, assez protectrice, presque quotidienne depuis plus d’une génération…quelqu’un à la fois réservé et attentif… maintenant il recommence à traduire son roman, qui lui aussi sera un livre à lire… tout se tient : le fait d’avoir ouvert La Page Blanche malgré sa réticence initiale, et le renouveau de Constantin : son nouvel élan depuis qu’il a compris ce qu’était devenu la revue Lpb arrivée au but, aussi bien depuis qu’il a compris le pourquoi de ses articles critiques, sa poésie, son roman...Je dirai pour finir 'vive sa belle personne’!, même s'il n’est pas seul à voir s'épanouir en lui de belles qualités humaines !… 


Les brefs essais réunis sous le titre «  Signes sur la Page Blanche », comme aujourd’hui les notes critiques de la revue La Page Blanche, sont des feuilles exemplaires de ce que peut-être la littérature de critique littéraire au sens sobre et élégant du terme, des exposés, des lettres de femmes et homme de lettres comme Constantin, en fin de compte des lettres précieuses, utiles, des lettres de la main à la main, des lettres qu'on fait passer, de la main à la main , passer.


TABLE


 LA POÉSIE PARESSEUSE p 7

 POÉSIE ET CULTURE LITTÉRAIRE p 11

 L’IDÉE DU VOYAGE COMME OEUVRE LITTÉRAIRE p 15

 LA DÉFINITION DE LA POÉSIE p 18

 CE QUE ‘‘DIT’’ LA POÉSIE p 22

 UN PEU DE PHILOSOPHIE POUR LA CRITIQUE LITTÉRAIRE p 27

 LA POÉSIE ET LA VIE AFFECTIVE p 31

 LE LYRISME DE LA POÉSIE ET LE LYRISME DE LA VIE… p 36

 LES AVANT-GARDES VS. LE POSTMODERNISME p 40

 LA LITTÉRATURE EN… VACANCES p 45

 L’EMPLOI DU TEMPS p 49

 LPB PAPIER P 54

 LE PERROQUET DE F. P 57

 NOTRE PLACE p 61

 UNE MISSION TRÈS RISQUÉE p 67

 LA LITTÉRATURE SUR LA LITTÉRATURE p 71

 ABSENCE p 75

 LITTÉRATURE ET CRITIQUE OU LITTÉRATURE VS. CRITIQUE I p 79

 LITTÉRATURE ET CRITIQUE OU LITTÉRATURE VS. CRITIQUE II p 83

 LITTÉRATURE ET CRITIQUE OU LITTÉRATURE VS. CRITIQUE III p 88

 UNE RENCONTRE AVEC LE RÉEL p 95

 LES CRITIQUES LITTÉRAIRES D’AUTREFOIS ET LEURS LIMITES D’AUJOURD’HUI p 100

 LA CHRYSALIDE ET LE PAPILLON p 111

 BRIBES p 118

 LA PRÉCISION DU LANGAGE p 122

 LE PROCHE ET L’ÉLOIGNÉ P 132

 LA LITTÉRATURE DES MANIFESTES P 136

 LE BILLET DU NUMÉRO 43 p 140

 UNE LITTÉRATURE UNIVERSELLE EST-ELLE POSSIBLE ? p 144

 PAPIER OU NUMÉRIQUE p 151

 LE POUVOIR DE LA LITTÉRATURE p 155

 L’ÂGE DES ÉCRIVAINS p 158

 LA LITTÉRATURE – DEMAIN p 162 

 LA COMMUNICATION DE L’INCOMMUNICABLE p 166