Le dépôt
Livres des autrices et auteurs Lpb - M
MARSAL Luc - Juste vivre - Ed. Donner à Voir - Encres de Nour Cadour - Juin 2023
Le poète Luc Marsal énonce ici ce qui le pousse au-devant de lui-même et des autres : géographies, lumières, couleurs, sensations, émotions, le temps et l’espace soudain accordés en un feu.
MAUBERT Jean-Michel
- Idiome (roman) – éditions Maurice Nadeau (janvier 2012).
"Thomas revient dans la maison de son enfance. Deux de ses soeurs, Esther et Alina avaient inventé entre elles une langue indéchiffrable dont le mystère ne cesse de le tourmenter. Après leur mort, Thomas retrouve d'elles un manuscrit. Des souvenirs à propos de ses sœurs se mêlent à ses errances dans une campagne désolée.
Sur une plage, Thomas rencontre un homme qui va lui proposer de traduire le texte. Cet homme, que Thomas nomme « l'intrus », semble chercher quelque chose. Une sorte d'amitié nait entre eux. Thomas se laisse hypnotiser par un discours inquiétant, aspiré qu'il est dans les méandres d'un monologue obsessionnel, tandis que d'autres voix surgissent, celles des sœurs disparues, celle de Lise, enfermée dans sa tête après un accident de voiture.
Ces voix racontent la tragique existence d'une famille détruite par des forces obscures. le récit en est cet « Idiome » que pratique Jean-Michel Maubert, auteur d'un roman envoûtant ».
- Limbes (suivi de) Ronces (récits/romans) – éditions Maurice Nadeau (mars 2016).
"Limbes décrit une ville tentaculaire, ravagée par la misère et le chômage. L'espace urbain s'est décomposé au fil du temps en friches industrielles. Les animaux du zoo central se sont échappés et errent dans les terrains vagues. C'est dans le quartier des abattoirs, qu'enfants, puis adolescents, Mona, Lucas et Samuel se sont connus et sont devenus inséparables. Même si Mona – "l'enfant-machine" – était minée par la maladie mentale, suscitant le rejet, la peur et la honte, elle devint le centre de l'existence de Lucas et Samuel. Par la force des choses le trio connaîtra la séparation, et pour chacun une forme d'exil. Incapable d'oublier l'étrange lumière qui traversa son enfance, Samuel essayera, des années plus tard, de recoller les fragments d'une histoire dominée par la figure intense et fascinante de Mona.
Ronces est une variation sur l'univers et la vie du poète Georg Trakl. Le récit se situe pendant la Première Guerre mondiale. Il ne cherche cependant pas à refléter une vérité factuelle ou historique. On sait la relation fusionnelle et torturée qui unissait Trakl à sa sœur Margarethe – Grete. Du fond d'un lit d'hôpital, dans une sorte de monologue halluciné, Grete s'adresse à son frère, l'imaginant cheminer vers elle dans un monde ravagé par la guerre, comme s'il pouvait les sauver du terrible destin qui fut le leur.
D'un texte à l'autre divers motifs entrent en résonance. Les êtres mélancoliques et inquiets – hommes et bêtes – qui traversent ces récits ont en commun une obscure patience, une obstination sauvage à aimer, au cœur même de ce que l'écrivain allemand W.G. sebald nommait la destruction. »
- Les cérémonies fanées (poèmes) – Grand Prix de Poésie Joseph Delteil 2017, édité par La Revue Souffles/Les écrivains Méditerranéens, avec une préface de Christophe Corp.
"Desceller ce qui est resté si longtemps muet.
Fragmentation. Contrastes. Rupture. Dissonance. Lyrisme cassé.
Voix intérieure. Écrire, dans la fidélité à ce quelque chose qui vibre et résonne en soi. Les mots, comme les matériaux d'une litanie enchevêtrée. Lisières. Du corps. De l'humain. Du langage. Lignes brisées de la temporalité. Se laisser traverser par ce qui blesse.
Ainsi, en est-il de l'image de la soeur. Une revenance. Fragile floraison, vital fantôme en surimpression d'images. Une voix figurant des paysages en fragments. Lignes de failles. Éclats. Anamorphoses d'un passé toujours présent. Le visible en suspend, en vibration, avec dans la tête, un fracas d'images.
Telle est la présence poétique et testamentaire du recueil Les cérémonies fanées (Grand Prix de Poésie Joseph DELTEIL, SOUFFLES / Les Écrivains Méditerranéens), un recueil au cheminement disloqué, phénoménologique, où le poète tente de recueillir, dans les mots posés sur la page, les traces, les surgissements, les éclats, les franchissements de seuil, les vies perdues, effacées, broyées, inaudibles, l'agonie et les douleurs sans nom des vivants, souvent sans voix. »
- Décombres (novellas) – éditions de L'abat-Jour, collection Lumen (novembre 2021).
"Avec BESTIAIRE, Jean-Michel Maubert dépeint un monde en ruine à l'onirisme noir. Kinn, mentor mutilé au coeur d'un théâtre d'ombres, veille sur des bêtes massives, fragiles, inquiétantes, dans un labyrinthe de nuit et de mémoire qui retient jusqu'aux rêves.
Autour d'Hannah, poétesse précoce rendue à l'errance, et Théodore, fascinant cinéaste de l'ineffable, s'agrègent les laissés-pour-compte de PÉNOMBRES. Dans le sillage d'un cirque fantôme, leurs parcours incertains se mêlent à d'indicibles films relégués à l'oubli.
Crues et violentes, l'horreur et la beauté se confondent dans ABATTOIR. S'y égarent des bêtes et des hommes, des spectres et des monstres, dans une ville écrasée sous le poids du ciel et des forêts profondes, où le jeune Nathan ramène à la vie les animaux suppliciés.
S'enfonçant dans les marges, ces trois récits étranges et envoûtants dessinent de lents dédales de poussière au sein desquels émergent des voix multiples, venant embrasser avec une vitalité forcenée figures de cendre et corps brisés pour leur restituer leur lumière. »
- Le sacrifice du Géomètre et autres textes (nouvelles) – éditions Sinope, collection Hors Sentier (décembre 2022).
"La variation est consubstantielle aux mythes. Les grecs de l’antiquité pensaient le discours mythique comme la dimension extrême de la raison (logos), une manière de donner forme à l'inconnu spatial ou temporel. On sait par ailleurs son enracinement dans une violence première, qu'il met en forme et s'efforce de conjurer.
Les sept textes rassemblés dans "Le sacrifice du géomètre" ouvrent de nouveaux chemins, narratifs et existentiels, à divers personnages issus des récits mythiques de la Grèce antique.
Réécriture de l'histoire d'Icare, imaginant qu'il a survécu à sa chute (Ikaros). Texte-constellation où de multiples voix se relayent pour raconter le cheminement souterrain d'un peuple hétéroclite (Les souterrains). Destinée tourmentée d'une jeune fille échappée de l'enfer des Gréés et qui va trouver le sens de son existence auprès de la déesse Artémis (La Dame des fauves). Vie quotidienne de l'intendant d'une insolite île des morts (Litophanie). Relecture de l'épisode des sirènes de l'Odyssée (Chants). Exploration biographique, spirituelle et politique de la figure du philosophe présocratique Empédocle (Sphairos). Parcours tourmenté d'un jeune homme cherchant à entrer dans une mystérieuse école d'architecture, spécialisée dans la construction des labyrinthes (Le sacrifice du géomètre).
En revisitant des histoires qui hantent notre imaginaire, les nouvelles composant ce livre développent à leur façon des virtualités, morales et poétiques, politiques et anthropologiques, qui résonnent avec notre époque, et tentent de répondre à l’injonction de René Char : «Ô Grèce, miroirs et corps trois fois martyrs, t'imaginer c'est te rétablir.» »
- Fragmentations –– d'un corps (poèmes), avec Sophie Patry, plasticienne et photographe – éditions de La page blanche.
"Fragmentations –– d'un corps cherche, par le poème, à s'approcher de la beauté hypnotique et spectrale des photographies de Sophie Patry. Dans ce livre, Jean-Michel Maubert casse, creuse la langue et la voix, pour tenter de dire un corps d'images en fragments. Dans ses auto-portraits, Sophie Patry construit, pas à pas, des figures anti-narcissiques, charnelles et fantomatiques, esquissant d'étranges devenirs et métamorphoses. De véritables apparitions, interrogeant les limites du visible, et dont la puissante intensité plastique ne pouvait qu'engendrer une langue brisée – en osmose avec les sensations que font naître les images. Textes et photographies invitent chacun à se perdre au sein d'un devenir-femme des plus singulier."
Solidité des lumières - Éditions Lpb.
L'intranquillité est le ressort de l'œuvre de J-M Maubert. Le poète fait de cette intranquillité datant de l’enfance – se trouvant dans la mémoire d’une enfance encore privée de parole – une force, une densité, un feu. La voix de l’écrivain, par moments rauque, durcie, sourde, devenant litanie, chant de la désolation, cherche pourtant une forme de lumière. Une lumière issue d'un désastre. Ainsi, dans la désolation des simples jours, brûle un feu de mots. Le poète se fait agneau ou âne, "brave cochon" qui "avale la nuit", fragments d'une plaine sous un soleil de boue, soldat errant, neige, fumées industrielles, pluie malsaine... Il se perd "dans la terre meuble des autres voix". Les autres voix : comme si l'auteur travaillait à faire imploser la langue, cheminant pas à pas vers une autre langue, qui laisserait respirer les altérités, animales et humaines, accueillant au fil des pages ceux qui ne trouvent pas leur place, idiot(e)s, fantômes, êtres hybrides, corps monstrueux, déchets de la grande Histoire. De fait, affleure dans les poèmes constituant ce livre une dimension narrative, mais soigneusement cassée, décousue, minée de l'intérieur, prise dans la déconstruction sauvage d'un poète fragmentant sa propre voix à coups de pioche.
MINOT Philippe - Censément, pièces charnelles - Christophe Chomant éditeur - Mai 23
MINOT Philippe - L'oeil à plumes - L'Altérité Editeur
https://www.lalterite.fr/images/Loeil_%C3%A0_plumes.pdf
MODOLO Patrick - Drôles de Nouvelles ! - Éditions Futurel - PL
Il s’agit d’un premier livre d’un jeune auteur prometteur, contenant une veine de fantaisie - paru en même temps qu'un autre livre, intitulé « À bien y réfléchir » , un recueil d’aphorismes.
Les "drôles de nouvelles" visitent les genres littéraires et les brassent
joyeusement. Patrick Modolo aime les mots et la littérature et joue avec les mots, et ce ressort comique alimente l’inventivité de l'auteur - parfois à peu de frais.
Quatre nouvelles brèves, peut-être parce qu’elles sonnent poétiquement, retiennent particulièrement mon attention : « La barbe à papa », « La princesse qui n’aimait pas les caresses », «Rue d’Ornano », et « Dolores ».
À la retraite dans un village à 20 kilomètres de Bordeaux, j'ai passé ma vie d'adulte dans la ville de Bordeaux, je suis sensibilisé aux pages du livre qui parlent de cette ancienne capitale provinciale française entourée de banlieues, à la face liftée il y a vingt ans, au corps en voie de bobofication, depuis son coeur, et de verdissement, bien vue par l’auteur
avec ses quartiers réservés au commerce du vin et de l'esclavage en aval du Port de la Lune, suivis en remontant la Garonne, fleuve majestueux comme le Danube, de quartiers réservés aux pauvres.
J’apprécie ainsi, dans ces onze brèves drôles et poétiques nouvelles (un genre littéraire moderne qui me plait bien), tels ou tels points de vue de l’auteur ainsi que ses idées originales qui sont la base même de ses écritures.
MODOLO Patrick - À bien y réfléchir - suivi de - Comme dirait l’autre et de - Dictionnaire des noms impropres - éd. Futurel - PL
"À bien y réfléchir" c’est ainsi que commencent ces aphorismes qui se lisent vite.
Ce sont, aux dires de l’auteur, des parodies de maximes d’inégale valeur,
certaines dérangées, certaines dérangeantes, certaines fines
certaines peu subtiles, lourdes ou légères, mais ces maximes provoquent la pousse de la réflexion jusqu’au bout du livre.
Pour toutes ces raisons ce n’est pas un livre à mettre entre toutes les mains. C’est un livre pour chercher querelle et en trouver. C’est un livre à ne distribuer qu’à des amis sûrs qui tolèreront l'automatisme mental de jeux de mots faciles, aussi faciles que des blagues à Toto en haut du
mot Dolo. Pourtant beau.
Ce sont des trouvailles presque toujours drôles, d’exemplaires truismes,
je cite de mémoire :
- ce n’est pas parce qu’elles ont des pieds que les tables marchent
- on dit souvent que l’herbe est plus verte ailleurs. totalement faux.
à Amsterdam par exemple, elle est juste meilleure.
- un bobo dans le baba c’est un peu con-con
- les nuits blanches tous les hommes sont gris
- si c’est pas demain la veille, c’est qu’aujourd’hui, c’est pas hier.
et pas la peine de chercher midi devant sa porte, car on est sûr de
ne pas le trouver avant 14 heures
- Hitler, il avait une voix un peu nasillarde, quand-même
- le penseur de Rodin a l’air psychorigide
- On ne dit pas hiérarchie mais Gérard défèque
- le sens de l’humour est souvent chez le flic qui vous arrête un sens interdit
- le premier avril, moi, je me sens comme un poisson dans l’eau
- si « je est un autre », alors tuez moi
- pour tuer le temps rien ne vaut la pointe d’un stylo
- Boris, c’est un bon écrivian
- je ne sais pas trop ce que je préfère entre mourir enfermé dans une ferme
et être emporté par une porte
- l’art d’aimer commence par l’art des mots
À suivre