Le dépôt
Poèmes
ISTANBUL ARTAUD
Point de départ le harem et le palais voraces du temps de l'autre empire où coupoles et arches se livrent à coup de bacchanales mosaïques Maintenant c’est la foule des visages du grand bazar d'humeur à m'étourdir les signes qu’agrippent tentures et épices M'extirper descendre la rue tout droit jusqu'à la Corne d'Or enjamber les poissons du Bosphore répondant par vagues à mon élan comme les mouettes au muezzin dans les hauteurs des minarets De là remonter le sillon foisonnant vers Taksim je retrouve la foule pusillanime qui m’affole avant d’englober son tourbillon urgence de l’esquive par la contre-allée Passer la porte d'une échoppe refuge de verre entre étoffes italiennes avec en offrande la main noire dans les oreilles qui apaise mes remparts Les frontières se diluent à l’abri du hasard quand Altuğ inattendu me parle d'Antonin Artaud ses mains, son sourire, sa voix croquent mes atermoiements Altuğ le magnifique rhapsode byzantin sur le chemin des mots que j’écouterai des heures.
LA NUIT
les bougies éclairent les oripeaux de la sphère le stupre exalte les parfums délétères c’est la nuit grande nuit où s’offrent les corps les arbres maudits où s’écrasent les joncs du paraître c’est la nuit longue nuit que blasphèment les vents et les êtres longtemps j’attends leur départ vibre l’ivraie aspire les espoirs au loin encore les gyrophares et puis plus rien enfin elle m’appartient
le rythme du sang tamponne mes tempes l’hiver est fini dévorant les clampes sur l’albâtre et le nu tendu sous la lune vaste étincelle l’évidence se déploie et défie l’ingénu j’inscris des traits des obliques dans une langue intemporelle que le futur sertira héroïque à moi le choix des ombres et des reflets à moi l’exclusive relique