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INDEX DES AUTEUR-E-S

80 - Rémi Perronne

Poésie néoclassique

Le Cardinal des Ombres


 Il n’avait du Génie, que décrivent parfois

Les récits des biographes officiels,

Que ce regard perdu qui tutoyait le ciel,

Seule concession, aux emblèmes des rois.

 Derrière ces vitres, la persistante brume

Cachait de l’horizon l’alignement de rouille

De béton et d’acier, cette immense dépouille

D’un passé prospère que le présent inhume.

 De l’apocalypse, cette belle promesse

Ne restait qu’une masse à la forme imprécise,

Qu’un futur vaporeux où nul n’avait de prise,

Qu’une source tarie, aux anciennes richesses.

 Et lui, le Cardinal, avait trouvé refuge

Dans cette tour close à la lumière du monde.

Fuyant, telle une ombre, les pensées vagabondes.

Devenu majesté d'un peuple lucifuge.

 Luttant contre le temps, son plus vieil adversaire.

Prince d’une nuée de sujets scribouillards.

Lui qui rêvait, enfant, des gloires des Césars

Parvenu au sommet, gardait un goût amer

 De cette trahison aux idéaux passés.

Dans sa soif de pouvoir, il avait abdiqué

Son temps, sa liberté, toutes ses amitiés

Et s’était éloigné de la réalité.

 Alors capitaine d’un navire égaré

Sur l’impassible mer de l’inertie des masses,

Il était fatigué de contempler l’impasse

Érigée par la foule année après année.



        L’insidieuse victoire


 Des siècles précédents, infatigablement,

Les maîtres de ce monde imitaient les erreurs;

Nul pion n'admettait sa défaite au vainqueur

De cette partie d'échecs aux mats incessants.

 Chaque cour concourait d’apparat et d'audace,

Qui par jeu, qui par peur d'être discréditée

De quitter la partie, sans honneur ni fierté,

Sur un mat du lion et en perdant la face.

 Un simple affaissement et c'était la curée,

De chaque nation, se levaient des armées,

Si innombrables qu'elles dépeuplaient le monde.

 Ces egos insensés, luttant pour le pouvoir,

Chaque jour, convoitaient, la promise victoire,

Qui se moquait des rois, indomptée vagabonde.