Le dépôt
Poésie néoclassique
Le Cardinal des Ombres
Il n’avait du Génie, que décrivent parfois
Les récits des biographes officiels,
Que ce regard perdu qui tutoyait le ciel,
Seule concession, aux emblèmes des rois.
Derrière ces vitres, la persistante brume
Cachait de l’horizon l’alignement de rouille
De béton et d’acier, cette immense dépouille
D’un passé prospère que le présent inhume.
De l’apocalypse, cette belle promesse
Ne restait qu’une masse à la forme imprécise,
Qu’un futur vaporeux où nul n’avait de prise,
Qu’une source tarie, aux anciennes richesses.
Et lui, le Cardinal, avait trouvé refuge
Dans cette tour close à la lumière du monde.
Fuyant, telle une ombre, les pensées vagabondes.
Devenu majesté d'un peuple lucifuge.
Luttant contre le temps, son plus vieil adversaire.
Prince d’une nuée de sujets scribouillards.
Lui qui rêvait, enfant, des gloires des Césars
Parvenu au sommet, gardait un goût amer
De cette trahison aux idéaux passés.
Dans sa soif de pouvoir, il avait abdiqué
Son temps, sa liberté, toutes ses amitiés
Et s’était éloigné de la réalité.
Alors capitaine d’un navire égaré
Sur l’impassible mer de l’inertie des masses,
Il était fatigué de contempler l’impasse
Érigée par la foule année après année.
L’insidieuse victoire
Des siècles précédents, infatigablement,
Les maîtres de ce monde imitaient les erreurs;
Nul pion n'admettait sa défaite au vainqueur
De cette partie d'échecs aux mats incessants.
Chaque cour concourait d’apparat et d'audace,
Qui par jeu, qui par peur d'être discréditée
De quitter la partie, sans honneur ni fierté,
Sur un mat du lion et en perdant la face.
Un simple affaissement et c'était la curée,
De chaque nation, se levaient des armées,
Si innombrables qu'elles dépeuplaient le monde.
Ces egos insensés, luttant pour le pouvoir,
Chaque jour, convoitaient, la promise victoire,
Qui se moquait des rois, indomptée vagabonde.