Le dépôt
Textes proposés à La Page Blanche depuis le 6 février 2023
... Dans cette page, on peut lire l'ensemble des textes reçus par le site de poésie Lpb au jour le jour depuis le 6 février 2023. Parmi ces textes certains sont retenus pour la revue par le comité de lecture de Lpb ...
PLIHIRJP
... C'est une belle, généreuse idée que ce nouveau dépôt. Une sorte d'humus plus ou moins laissé à lui-même, propre à engraisser l'éclat des pages. Et puis même si la valeur d'un poème reste parfois à désirer, laisse son goût inégal, il y a toujours le souffle derrière, une ligne propre à allumer par son éclair le stock intime ...
BGMLJD
Information de première nécessité poétique
Heureux de vous annoncer que La page blanche s'est lancée,
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Jeudi 23 mars 2023
François Audouy
RIEN
Il n’y a rien d’autre
rien d’autre
jamais qu’un enfant seul dans sa chambre
que les cisaillements du désir
nous n’aurons rien que nos morsures
quelques éclats de verre dans le pied
des ronronnements en sourdine entrecoupés de flonflons vagues,
de fêtes de villages qui perdurent
il n’y a rien eu d’autre jamais
pas d’ésotérisme, de mystique, de châteaux effilés, d’arrière-plans
la seule part d’angoisse et de soleil
notre faculté à le regarder jusqu’à s’en décoller les yeux
à le traquer dans les futurs à ne pas le laisser tomber
à calmer ses rayons moqueurs
qui mettent à jour nos voeux cachés
un soir en Cantabrie nous avons regardé sa descente sur une falaise près du camping
c’était une autre décennie visualise la scène souviens-toi
je t’avais trouvée -un peu tard- mais je t’avais trouvée
trente-deux années d’impatience se faisaient doucement la malle ce soir seul au Sénégal je me remémore les Asturies
la Galice et le Pays Basque
mon soleil quitte les Almadies
dépasse le phare des Mamelles
direction les côtes espagnoles
je veux qu’il se lève sur la Corogne parcourt les chemins de Saint-Jacques
dans le sens inverse des pèlerins
déambule dans le vieux Bilbao
et Saint-Jean de Luz qu’est-ce que c’est beau
par petites étapes regagne Saint-Denis sa place de la Basilique
le dix-huitième rue Damrémont
te caresse le front au réveil
il n’y a rien d’autre
jamais rien mais
ce sera l’unique rien qui vaille
IN GIRUM IMUS NOCTE
Comme on s’accroche à sa douleur
on finit par en tomber raide
lui trouver un charme pervers
des modulations de couleurs
la sacrer dans les interstices
reine mètre étalon de nos nerfs
nos aspirations esthétiques
nous naviguons en haute mer
dans une globale indifférence
aux oscillations de surface
restes de pensées parasitaires
issues de la fonte des glaces
épaves inégalitaires
pointant le bout de leurs carcasses
lors de risibles équinoxes
c’est la mer régénérescence
celle de tous les matins du monde
c’est le fleuve des poèmes nus
rougissant d’indélicatesse
des passages des évangiles
des joies et terreurs infantiles
des traductions de vers latins :
“nous tournons en rond dans la nuit”
des restes d’authenticité
témoignent des premiers naufrages
inlassables il faut recoller
ce que l’érosion endommage
on commence juste à goûter l’aube
sa vitalité effective
quand on sait que les jours mutilent
dans la glace nos gueules cassées
SURNUMÉRAIRES
Semi-provinciaux, grands banlieusards,
nous logions dans de vastes hangars
anonymes que nous n’habitions pas.
Nés confinés dans nos campagnes
avec une avance dérisoires,
nous errions en sous-préfectures
où aucun tram n’aboutirait,
perdant nos centres de gravité
à mesure que s’amenuise l’espoir.
Le dimanche, on va en forêt,
bon bol d’air entre deux autoroutes.
Comme chien en laisse, on pisse un coup,
rentre s’abrutir aux ondes hertziennes.
Quand on s’évade, il est trop tard,
cet exode est ancré en nous
et on apprend à composer
jusque dans nos moelles épinières.
Nous sommes des hordes de surnuméraires,
zonards, zombis, flous et hagards,
effacés des images d’archives,
rayés des registres, des radars.
On nous éduque à la patience,
à sagement faire nos devoirs ;
polis et muets comme des pierres,
nous ne nous berçons pas d’histoires.
Nous nous souviendrons d’Anaïs
qui au plaisir nous initia,
des émissions du samedi soir,
du mélange de pomme et de vodka,
des Noëls tristes et des oeufs de Pâques,
des parents faisant semblant d’y croire,
des vacances au bord de la mer
aux mêmes dates, aux mêmes endroits.
Il ne fallait pas monter le volume,
il fallait effacer nos traces ;
il fallait bander dans les clous,
ne surtout pas manger l’espace.
Comme l’unique cinéma clignote de ses blockbusters
face au bowling -zone commerciale-,
les témoignages de nos vies sur terre
doucement s’estompent dans l’air du soir.
Nataneli
** Pour cet autre (frontière) **
Qu’elles viennent ces créatures
en masques d’impostures
que viennent tous ces hommes
à pas de loup, croquer la pomme,
qu’ils viennent en meute grégaire
cercler nos pays de frontières
que viennent ces soldats,
qu’ils viennent jusque dans nos bras
aposter nos silences
de leurs cris d’indécences.
Vêtus de leurs manteaux de peurs
au col noir de rancœurs,
qu'ils viennent en groupes de chacals
déféquer leurs rites tribales,
qu’ils viennent huer comme des hyènes
à l’hallali et à la haine.
Qu’ils viennent comme la terreur,
qu’ils viennent comme la rumeur
qui serpente ainsi sous leurs lignes de bêcheurs,
qu’ils viennent jusque dans nos lits
où bruisse la vie,
à la lisière de nos rêves
à la lisière de nos trêves,
mais, qu’ils viennent, hurler à la mort,
pour qu’on se souvienne encore
qu’ils hurlent pour qu’on fasse semblant
d’avoir peur des autres vivants.
Qu’ils viennent là, jusqu’à nos portes éphémères
clouer leurs orgueils de serviles serfs,
que leurs maux s’abreuvent aux eaux claires
de nos gorges sincères,
à l’encre rouge de nos terres,
aux cascades d’éther,
comme assoiffés de vérités
qu’ils boivent au verbe aimer,
et que leurs vers acides
dévorés par les déicides,
Estompés de nuances
se délitent de tolérances .
Qu’ils viennent à nos rappels,
qu’ils viennent sous nos appels
déconstruire leurs murs d'idées ,
Déconstruire leurs barbelés,
et même à la lisière des choses
qui sur un pied d’égo se pose,
qu’ils approchent nos sourires
sans bouches à conquérir.
Que ces hyènes soient parmi nous
comme des symboles incrustés
sur l’écorce de nos mots,
que l'on pelle au couteau
qu’ils soient comptés et décomptés
aux reproches des vivants
aux prières des non-croyants
qui prient sans jugements,
visage face au rivage,
de l'autre côté du grillage
pour cet autre qui ne sait pas
qu’il est l’autre là-bas.
©️Nataneli
Mercredi 22 mars 2023
Jean-François Bardeligne
LES CORBEAUX D'ABONDANCE
Ils terminent bientôt d’éparpiller nos restes.
Ils nichaient dans le grand immeuble,
quand des lézardes pas si récentes
d’après les gens de la rue,
avaient attiré les flics et fait fuir les corbeaux.
Un petit flocon tout sale avant de toucher par terre,
flottait tant bien que mal parmi les grains de poussière.
À deux sur la même poubelle qu’ils s’y mettent
pour trouver du comestible.
Chassés dehors par des fissures menaçantes,
ils charognent moins qu’ils auraient voulu.
Sur le trottoir c’est le strict chaos.
L'un portait un vieux sac, trésors en bandoulière,
l'autre fier comme un cosaque dans son paletot d’hiver.
ANTIOCHE ET PUIS TOMBOUCTOU*
Au berceau d’une bise se penchèrent des fantômes,
qui par la mort, soumis aux courants du pertuis,
Rohan Duc de Soubise et fous de guerre à l’eau de rose,
emportèrent leurs épées aux confins du royaume.
Des mains d'œuvre iliennes seulement
sans glisser sur les paquets de mer
survivait à l’enrochement
la vase et les pièges de l’estuaire.
C’était les montagnes de roseaux
Un souffle coulant, désormais
dominant, qui ridait les eaux
du bassin versant saintongeais,
gagnait sa course contre le héron,
passait les canons de l’arsenal,
piquait au nord pour voir l’amont,
et caresser la nuque d’un drôle.
Il marche depuis ce matin,
et depuis Mauzé-sur-le-Mignon, orphelin.
Il marcherait encore : après la sieste,
dans le premier méandre, ce serait Rochefort.
Un bateau partirait pour le Sénégal,
loin de Mauzé, où sa mère est morte au lit,
loin de Rochefort, où son père est mort au bagne,
il embarquerait pour des terres vierges de mère qui pourrit dedans.
Alors avec plus rien de sang
pour lui circuler depuis les coudes
jusque dans le bout des phalanges,
immobile à cause des fourmis
qui vous forcent à secouer le bras
quand un sol bien trop dur vous ankylose la sieste,
il s’oblige à tout dormir le tout petit reste
de sommeil qu’il a dans le corps.
Dans les dunes, rien ne prouvait plus l'existence des caravaniers. Et encore, il doutait, de tout, des Maures et de Tombouctou.
Embourbé droit dans l'horizon, quand même il s’en retournait,
dans un autre trou de Saintonge,
il la retrouvait cette terre d’éponge, qui vous ankylose.
*Chez moi à Pont l’Abbé d’Arnoult, la petite école s’appelle René Caillé, du nom d’un gars de Saintonge qui quitta son village à pied quand il était petit pour aller prendre un bateau. Seize ans plus tard, il revenait vivant de Tombouctou, et il était le premier. Antioche, c'est le nom du pertuis entre les deux îles, c'était le chemin des croisades.
Jérôme Alix
CHOIX DE POEMES
La vie sur terre est un exil forcé, et les anges déchus regrettent le venin du paradis-scorpion.
SCENE DU CRIME
La scène du crime est une libellule
Et l'esprit du tueur est un diamant
Les yeux scintillent
Le silence luit
Le soleil de midi brille comme la nuit.
CHAMBRE X
Mélodie nue aux yeux qui brillent
Au milieu des beaux instruments
Jouant leur partition brûlante
Dans la chambre à musique
De l'hôtel de la nuit
Clavier délicat des caresses
Batterie rythme des va-et-vient
Basse fellation cordes profondes
Dans la chambre érotique
De l'hôtel de la nuit
Guitares sodomies électriques
Accords lascifs accords sauvages
Mélodie nue aux cris aigus
Dans la chambre à musique
Dans la chambre érotique
De l'hôtel de la nuit
Dans la chambre interdite
Dans la chambre sans murs
De l'hôtel étoilé
Comme le ciel.
ANALOGISMES
Tendre chronophilie Anna Love et ivresse
Le Soleil est un cri l'amour fou est musique
Les amants éperdus se font mourir de joie
Et leur crime horrifie les censeurs au cœur froid
Ô Lucie mon délice de chair et de sang
Au visage divin et au corps voluptueux
Comme un crime parfait
La jeunesse à l'éclat fragile est un losange
Les yeux de l'être aimé sont un profond silence
Et le sperme élancé est un flot de lumière
Eros Eden Fusion Eros Analogismes
Les amants éperdus s'entretuent tendrement
Et leur crime impuni est un outrage au Temps.
BALLADE DE LUCIE
J'aime les hommes-loups aux yeux caniculaires
Et aux longs crocs d’hiver
Les pulsions sont étranges
Et le plaisir aussi
Je marche dans la rue au milieu des désirs
Dont l'éclat m'éblouit
Les hommes sont étranges
Et l'amour l'est aussi
J'erre dans l'inconnu au milieu des énigmes
Aux longs crocs de folie
J'aime les hommes-loups aux yeux caniculaires
Et aux ongles de fer
Je marche sur la braise aux douceurs d'eau marine
J'aime les hommes-loups au sperme de lumière
Et nos baisers sont des murènes
Je nage dans la mer où les noyés revivent.
Lundi 20 mars 2023
JAMET Sylvain
+
Une élégie (1)
Jour pour moitié
fait d’ombre
pour moitié fait
de chants d’oiseaux
Et encore :
ombre pour moitié
faite d’ombre
le reste partagé en
lueurs diverses
formes diverses
divers chemins débouchant
sur du vide
trouée
entre deux hémisphères
+
Vent nord-nord-est
Nos corps parvinrent à dépasser la vingt-cinquième année
la vingt-sixième
vingt-sept, etc.
Une échelle tenue
en plein vent
Dans le noir le bouquet des branches s’agite
et fait trembler la lumière des fenêtres
puis les lumières s’éteignent
l’arbre s’éteint et la nuit tremble
et la maison et nous avec
+
Chute
Le paradis ? N’y croyez pas!
Nous
avons été chassé de
vivons loin
mourons hors
de ça
+
Départ
Nous fuirons
debout ou couchés
ou rivés à nos tables ou debout
devant la fenêtre
morts ou vivants devant la fenêtre
devant la nuit ouverte ou le jour clos
ou assis
couchés des nuits entières
nous fuirons
des heures entières
ou dormant
debout de dos ou de profil
ou nageant ou courant
fuyant hors de nos vies brûlées par un feu quelque part
ou bien fuyant
hors de nos vies intactes
+
Incendie
Nous sommes
dans une maison
un palais. Sommes assis
ou debout dans les pièces du palais. La maison
le palais n’en finissent pas de s’écrouler
Une année tombe dans l’autre
mais nous restons les mêmes
+
Une élégie (2)
Chants pour moitié
faits de silence
et pour moitié d’appels
plus une part donnée d’autres sons
et pour revenir au jour une partie de lumière
et pour revenir aux sons une proportion de vent
lundi 13 mars 2023
Rachel Allaoui
Vanités
Nul ne viendra verser des pleurs
Cendrillon s’est déchaussée
ses tibias
empilés parmi les tibias blonds
des esseulées
si loin
des jardins de Bagatelle
si loin des neiges innocentes
elle a laissé
son bouquet virginal sur le velours
défroissé des jours
trop longs
Il n’y avait plus d’étals
et les noues étaient sans fonds
dans la gueule des fleurs
les pétales glissent
à l’arrêt
Il n’y aura plus de bals
adieu les chansons adieu les roses
son crâne est blond dans la maison
posée sur les étagères de la nuit
Et les airs sans bruit s’éloignent
presque aussi pâles que l’ennui
Joueuses d’osselets
Dans la chapelle les Ursulines
agitent leur doigts blancs
dessous les voûtes sombres
elles montent les os
ivoires glanés dans les boites
en bois
doublées de velours rouge
Elles ont des mains
plus diaphanes encore
que les squelettes venus de Rome
Bruissements
Sous la châsse en verre
repose le mystère
rêveur combattant
à qui l’on donne des poses
vêtues d’or
Et les Capucines chuchotent quel nom
quelle histoire
Mystères
Les os ont traversé les Alpes
des catacombes à la neige
et de la neige aux secrètes églises
Montés à cheval les hommes armés
gardent les regards creux
tous consacrés aux mains polies
des sœurs de clôture
Inventaire
Pantoufles velours gemmes
et sur la tête une gaze légère
Sortis des nappes terreuses
pour dix-huit mois d‘un salaire moyen
Les os passent de l’ombre
à la lumière
pour s’habiller encore
de vanités
Pantoufles velours gemmes
pardessus en étoffe de France
et sur la tête une gaze légère
robe virginale fleurdelysée
poses de statues
Gestes cousus au fil d’or
et fémurs pris
dans la dentelle
Prenez celui d’un chat celui d’un chien
s’il manque un os
suturez les articulations de ficelle
remplissez d’ouate et de paille
tous les saintes et les saints Allons
assemblons les reliques
Pantoufles velours gemmes
et sur la tête une gaze légère
Alter ego
Ci-git un crâne jaune que mord l’azur de l’orbite
tout d’or installé
Et le corps dans la pénombre
enrobé de vertiges
descelle l’ombre des pèlerins qui le regardent
Les mains choisissent des phalanges
Quel nom donner
au saint qui s’échappe
de sous nos doigts - Ah
ce sera une sainte pour une fois
dans la soie lisse et damassée
Geneviève – je commence
Venue de l’Est elle était belle
dans les soirs et les soirs priant
Issant d’un dragon
elle s’en alla vers Compostelle
les mains rouges de sang
Aux pieds des festons d’épines
David Spailier
À la symétrie de nulle part (extrait)
À la symétrie de nulle
part, j'ai un dictaphone en
main Il y a des abeilles
Fréquences sonores Des
voisins-fantômes
J'entends leurs pas
Et ta respiration lente,
le souffle qui couve
les secrets Masaï
J'ai un dictaphone en
main Il est cassé
Le bouton PLAY est cassé
Le dictaphone tourne en boucle
Il y a celle-qui-tape-du-morse-avec-ses-
pieds-nus
Un voisin-fantôme
Je ne la comprends pas
Tu dors
J'appuie
sur le bouton
PLAY
Il est cassé
PLAY
Play. Flash back ultra violent. Une lumière aveuglante. Un carrelage blanc. Défoncé.
Tailladé. Fissuré. Traversé par des ramifications noires. Des veines sales de poussière.
Artères gorgées d'eau, éclairées par la lumière épileptique d’un néon à la chair de
plastique brûlée. Portes entrouvertes. Peinture écaillée. Blanche. Tachée d’insectes noir
de suie rampant à même son épiderme sec. Il y a une ballerine au milieu. Elle s’appelle
Avalynn. Elle fait des spectacles. Elle danse sur scène. Stop.
L'emprunte de mon index sur le bouton STOP
Mondes en gestations dans
ton ventre-nuit
J'avale ton souffle
Je suis ce fou, ce cercle
Tu es cette reine
Cette virgule au coin d'une bouche-offrande
PLAY
Play. Flash back. Avalynn passe les journées de bar en bar. D’appartement en
appartement. De cabaret en cabaret. Elle joue une comédie connue à force de répétition.
Il n’y a que le décors qui change. Les répliques sont identiques. Un film muet. Le son de
son corps exhibé. Les yeux tirés. Creusés. Ravagés. Une haleine de charogne. Le rouge
de ses lèvres sur un sourire absent. De la méta-amphétamine dans les veines et un flingue
dans la poche gauche. Aujourd’hui ne ressemblera à aucune journée. Stop.
À la symétrie de nulle part, il y
a un bourdonnement Fréquences sonore
Le tambour de Dieu
Et ton fantôme sur surface striée du
dictaphone
Tu dors sur l'anneau de Saturne
J'ai ta respiration en main
Je t'écoute
J'écoute les drônes de
vidéosurveillance
Le tambour-au-plafond-poussière-blanc
Le bruit
Le bourdonement
Les abeilles
Le réel qui cogne
Le son de ta respiration
Mondes en gestation sur
bande magnétique
Je suis nous
Deux sang un seul esprit
PLAY
Tout se passe dans un pays crucifié par un
génocide. Et ce soir Avalynn va faire une
putain de connerie. Une stripteaseuse
habillée en ballerine. Un 9mm dans les mains
et du plastique scotché au torce. Un jour de
plus sur terre. Stop.
J'appuie sur
le bouton
STOP
Nous sommes donc je suis le
cercle Nous sommes donc tu es
la virgule Respiration
De la
langue Et
du feu
À la symérie de nulle part, j'écoute ton silence
L'apocalypse n'a pas eu lieu cette nuit
Le jour se lève
Tes lèvres ont le goût
du désir
Tu me demande ce que
j'écoutais
Je te réponds que j'essayais
de ne pas t'oublier
Je pose le dictaphone
Tu me demandes ce que
j'écoutais vraiment Je te
parle du bruit de
celle-qui-tape-du-morse-
avec-ses-pieds-nus
Le message caché
Celui de la Structure
Des drônes
Des abeilles
De la surveillance
Tu me demande ce que
j’écoutais vraiment
Je te parle du silence
De ton absence, celle
des fantômes, du tiens,
Avalynn
Je te parle du dictaphone cassé
De ton passé
Stocké
Sur une machine cassée
Tu me regarde
Je te parle du réel
qui bourdonne dans
mes oreilles
Tu me dis être là
devant moi
Je te dis que tu n'existe pas
Je te dis que tu es un souvenir
enregistré
stocké
Je te dis que le dictaphone est
cassé
Je te dis que le bouton PLAY est
cassé
Je te dis que la bande-
magnétique
est cassée
Le monde est
cassé
Je te dis que ma tête est
cassée
Le présent est
enregistré,
stocké
dans une machine
cassée
Je te parle
Tu me demande
Je te réponds
Tu me sourie
Je t'embrasse
Tu n'existe pas
Saturne n'est pas loin
À la symétrie de nulle part,
j'écoute ton passé.
Tu me demande d'arrêter le
dictaphone
Je te dis qu'il est
cassé
Tu me demande de te
regarder
Je regarde le dictaphone
Tu te penches vers moi Je
te parle
des bruits,
des sons,
de l'insurection dans
le pays
La structure s'est réveillée Le
monstre avale
les courbes Recrache
des angles Les abeille
tournent, surveillent
Le pays est en
alerte 5
● ●●150mg
■10mg
• 5mg
Tu me demande de boire de
l’eau
J'avale le Silicium en fine
pellicule enrobée
SilenceSilen
ceSilenceSil
enceSilence
À la
symétrie de
nulle part, je
plonge dans
une paix
oubliée,
À la symétrie
de nulle part,
à la symétrie
de nulle part,
j'ai un gout
blanc clinique
en bouche, à la
symétrie de
nulle part, à
la symétrie
de nulle part,
à la symétrie de
nulle part
j'oublie les
lentilles
objectifs
caméras de
surveillance,
à la
symétrie de
nulle part, à la
symétrie
denulle
part je plonge
dans le son
de celle-qui-tape-du-
morse-avec -
ses-pieds-
nus je
comprends la structure
et le sommeil
d'une machine cassée
Vendredi 10 mars 2023
Ixa Solfia
LE CORPS COMME UNE MAIN
je bois le vin
de notre amour
j’entonne
l’espace
et le silence
SauVage
j’invente
des teintes
nouvelles
à la vie
sans limites
je ramifie
la femme
en feuilles
bouleversantes
mon corps
né de la main
du monde
exprimé
par le trait
des dieux
indomptables
et l’ombre
réchauffe
ma clarté
je suis une forme
en robe d’arbre
une fleur
aux épines d’air
un réel
aux contours
flous
j’imite la réalité
elle me tronc
et je la perce-neige
je jouis
d’inventer
des couleurs
qui n’existent pas
palpe
le vide
et le réveil des peintures
des mots dans mes jardins
des jardins dans mes mots
grisaille troublée
par les jouissances
Libres
des chants de blé
le corps comme une main
de poète
***
Le vent a soufflé sur les branches des forêts
Sa force a soulevé l'horizon et nos vêtements
Nous sommes nus blanchis par le ressac de la lune
Nos langages découverts et le poème aux corps étendu sur nos vers
Là dans les derniers instants obliques de l'abstraction
Nous marchons sur le sublime
Écho délicieux de nos formes d'oiseaux
Nos grammaires sonnent dans ce vent qui résonne
Je te reconnais
Là
Dans le néant exprimé du trouble du monde
Pas l'ombre d'une interruption à la fin de la strophe
Ta voix est bien la mienne
***
LA NUIT EN CORPS
La nuit m'est amie
La nuit me pénètre
Son parfum obscur
Sa masse froide et humide ---
La nuit m'est mère
M'est femme
M'est sœur
Je me couche
A la surface de sa douceur
Cyclique & Autre ---
Je tremble en ses lieux
Jusqu'au bout
J'y vais tard
Je cascade ses étoiles
J'y dévore sa lune
Et dans le creux du noir
De son fard si clair
Je montagne ses rêves
Me désaltère des brumes.
Audrey Gilles
Trois poèmes pour La Page blanche
Explo – sion – ration
les fonds oranges vifs et noirs
dans un coin
née pour être sauvage
il y avait des accents italiens
il y avait
hey baby
pas de jeux de mots
il faut
hey baby
il faut
entendre les voix basses décrypter
les murs
tu as entendu
parler de la bonne humeur
la bonne humeur c’est
les rires au comptoir et toi
qui paies tout
les bises sans lunettes qui s’entrechoquent
c’est
la Torpille frappadingue triple hot au bal de Tatanka
– qu’est-ce que j’ai l’air jeune –
c’est
le reflet sur les verres de quand
j’avais vingt ans
Dédé il est là
Dédé il est toujours là sinon
y a quelque chose qui manque
sa casquette de marin peut-être
et son nez aquilin de gars
qui aurait trop pris de coups
une autre bière encore
un autre coup quand
il fait chaud l’été ça cogne
la nuit est rousse dehors
les murs déteignent sur la rue
on est protégé de rien
ça tombe bien encore un coup
le piquant sur la langue les lèvres
le souvenir soudain de sa cuisse
pourquoi tu m’as laissé faire
et sur la sienne depuis combien de temps
ma main n’a plus senti le muscle
sur ta cuisse
à toi
pourquoi la colère a remplacé la tendresse
et le désir
pourquoi ne partages-tu plus mon lit
tous les anniversaires joyeux sont recouverts par l’harmonica
y avait un type un beau gars qui jouait ce blues
ce blues mélancolique
et j’attendais que la chanson me révèle quelque chose
puis il est parti
plus rien
plus rien entendu
et seule à la croisée des chemins dans cette ville-là
tchao ma puce
et le silence si le silence ici peut être mais le silence
quand même éphémère taillé fille
terminé bonne soirée
que voulez-vous
je pense à vous
ça nous rend fous
c’est possible qu’un lieu n’ait
comme seules odeurs
celles de ceux
qui le traversent
malgré ses murs vifs et noirs
ma jeunesse est partie mais reste
dans le regard des inconnus
quand j’avais douze ans j’avais l’habitude
de danser tu te souviens
il faisait si chaud dans cette rue
près de l’université
ton oncle avait refait l’église et tes cheveux
étaient ceux du chanteur sur la pochette du 33 tours
à douze ans je dansais
tu es libre tu es libre mon amour
on se dit quoi qu’on s’aime et qu’on se quitte
on se dit quoi
l’urgence de maintenant
comme tu peux le voir
il n’y a personne autour
je n’ai jamais rencontré une fille comme toi avant
Rhône
Ça se lève.
Je fais lever le brouillard
Vol d’étourneaux muets mouettes
Silhouettes silhouettes comme
Des bâtonnets sans visage sans
Vie révélée sans voix distincte
On peut aussi remonter
Jusqu’au cimetière puis prendre
Le petit chemin
A mes pieds
Comme une veille de Noël
Ensoleillée
L’eau du Rhône jamais assez bue
Je voudrais te dire la joie
Te dire allons-y
Les enfants Noël encore les
Rires sous les draps
Et rien ne sort
Prends soin de toi
Je ne veux plus qu’on me dise
Prends soin de toi
Je suis infirme je n’ai rien
Des seringues flottent sous le pont.
Un moment dans la nuit
il y a un moment dans la nuit
où rien ne nous ne sauvera de
la solitude
ni la main aimée endormie
sur le sein
ni le souffle régulier
ni le je t’aime murmuré et
emporté par le sommeil
il y a un moment dans la nuit
– et il faut l’éviter si l’on ne veut pas
succomber aux vieilles cloches
aux refrains anciens
aux tambours passé
aux ombres
aux cris qui se meuvent –
où la peine est plus aiguë
où elle se rappelle à nous
où on ne peut plus l’esquiver
il a dit
tu parles beaucoup
souvent
trop
il a dit
c’est une trahison
il a dit
un an un an un an
il a dit
c’est une constatation pas
un reproche
il a dit
moi j’entends
ne parle pas
ne parle pas trop ne parle plus
tais-toi
et moi j’entends
tu ne peux rien dire
comme
tu ne peux rien écrire
à qui parler
muette mouette
gorge nouée serrée tranchée
langue arrachée ligotée lourde
si à lui
si même à lui
plus rien ni personne
il y a un moment
dans la nuit où tu es seule
au plus près de la solitude
ton être changeant
l’heure d’avant bouche ouverte
sur les carreaux trempés
désormais ventre tordu yeux
grand ouverts fixes
dans le noir du lit
sur la voie lactée
dans les herbes sombres
et tu te dis
ne plus dire
ne plus parler
avale
avale langue couleuvre vie
avale
mens oublie défais oblitère
et tu dis
j’arrive pas à dormir
y a rien
sans doute
jamais rien
toujours bien
ça va
sourire tord-boyau vomi
éclaté écarlate lèvre tremblée
il y a un moment dans
la nuit
où le seul secours c’est
s’enfoncer dans les arbres
inconnus
frissonner sous un tee-shirt
emprunté
cul sur le sol
un peu froid un peu frais
il y a un moment dans la nuit
où il vaut mieux
ne pas te réveiller
dors
dors mon amour
ne te réveille pas
ne me demande pas ce
qu’il se passe
je ne dirai rien
que tu ne sais déjà
ou devine
il y a un moment dans la nuit
où tu ne me reconnaîtrais pas
où je ne me reconnaîtrais plus
où mon visage est de lumière absente
de fatigue et de ronces
ma voix de roc
froide froide comme tous
les fantômes de notre lit
où mon regard n’existe plus
biffé
il y a un moment dans la nuit
où je n’existe plus
où je ne suis que le souffle
long profond qui soulève
ma poitrine
appel
signe qui dit
viens
et
ne viens pas
il y a un moment
dans la nuit
où mon reflet n’existe plus
un moment dans la nuit
où le temps s’arrête
et où j’ai peur de me
rencontrer
Mercredi 8 mars 2023
Louis de Ducla, 5 poèmes
curiosité est un divin credo
j’ai été curieux d’une idée d’une peau d’un mot.
à la rédaction de La Page Blanche
! faim soif goût
à volée j’attrape de bouche-touche-main à corps-prend-l’or
alors mon rire dévale et je traîne là le les yeux qui font me voir en questions !
.bonjour
toi, je suis curieux de toi
? qu’est-ce que ça dit moi curieux de toi, où vas-tu Curieux ?
toi tu transformes mes sens,
! alors je tu on, plongeon. plongeon vers
Sentir toi moi on par ces questions
je flaire aux tripes et pour la le les ! je n’ai d’yeux que ce curieux
.je ne veux voir que curieux que directions
.curiosité est un divin credo.
mèche en bouche
accroche-cœur au bord d’un Everest, ! précipice
ta langue mâchouille des cheveux
une vallée de mots descend mes oreilles, la niak des voix en échos
c’est toi qui me parles.
. j’écoute
. j’observe . je savoure
tout à tout gesticule,
! alors ta bouche gamahuche encore cette mèche, voilà le festin au somment de mes yeux
mes oreilles,
précipice !
, j’observe
, j’écoute
, je savoure,
mèche en bouche sur ces montagnes de lèvres.
hôtel d’Alsace
dans cet hôtel froid et nu
aux murs d’un bleu
pâle turquoise avec vue sur la gare, l’eau y est froide
et la gare fait son bruit
à l’est, d’Alsace, l’hôtel
c’est notre prise de lune,
où l’ivresse et l’amour nous dénude.
les 3 places en 2 lits donnent à la nuit
des formes à nos cris
! une chaleur un espace l’appétit.
on s’endort et réveil, toi, tu train, il est l’heure, le matin,
je m’endors et merveille, je t’aime.
le dernier neutre
il faut qu’on en parle ensemble qu’on discute.
! on le dernier neutre ! c’est toi moi et
... un peu plus.
vainqueur conquérante,
on femme homme animal arbre ! on, vivant.
on le dernier nous.
.alors ensemble on parle discute
tisse
construit
! virus,
l’idée grossit quand elle circule.
l’idée c’est on. toi moi et
... le roi des sons.
c’est con une rue
tu as vu ce qui nous séparait maintenant, une rue.
! c'est con une rue
... c'est grand une rue.
? une rue c'est deux fenêtres des voitures des gens des paysages parfois.
! et aujourd’hui ça bouge circule la rue
ça s’apaise pas,
! passe passe ça bouge, puis ça disparaît.
alors on cherche la rue on trouve ! la rue ça regarde.
ça regarde quoi tu fais
? quoi t’es qui
? quoi tu veux ? toi ça va
la rue tu la regardais et tu m’as levé une main , puis j’ai traversé.
Jade Labbé
Danse sur mes pas
Danse, danse, danse sur mes pas.
Danse, danse, danse à travers mes draps.
Danse, danse, danse et secoue mes bas.
Danse sur le mont de mes douleurs, sur le haut de la famine, sur le saut de mes désolations.
Voltige toi. Éclate toi. Réjouis-toi.
Mes peines sont mes pierres. Mes précieuses pierres!
Mes fardeaux sont mes ressources.
Oui!
Demi vérité ou vérité à demi-mot.
Je l’ai compris. Sisyphe l’avait compris sur le chemin.
Moi, je l’ai compris, ce truisme de l’être.
Régale toi. Dandine toi. Danse sur mes pas.
Quand le soleil viendra, il arrachera tes allures, tes ardeurs et il frayera son chemin.
Et ce sera mon chemin.
It’s will my way.
My route
Ainsi tes traces se déblayent.
Danse, danse, go on dancing.
Danse sur la piste de ma vie, de mes douleurs.
Régale toi de tes danses.
Danses de fou. Danse azimuts. Danse de nuages.
Danse!
Le soleil viendra frayer son chemin.
Danse! Danse! Go on dancing!
Flamme émoussant
Sous les rayons d’une pause méridienne. L’absence de soleil ne fait plus Reine.
L’ombre d’un silence accouche la flamme d’une fièvre dormante.
Elle pousse un cri. Aigu et assourdissant.
Qui embrouille la paix infernale avec une sonorité inouïe. Hystérique?
L’ombre d’une parole étouffée surgit, remonte à la surface de vie.
Le silence trouvant du fond des abysses la trace des tubes.
Un passage se fraie, et les fils se rejoignent. Bout par petit bout.
Ils se nouent, renouent jusqu’aux traces de l’oxygène.
Le silence respirant trouve enfin la flamme émoussante de son image fastueuse
à travers les filtres d’un miroir égaré.
Silence et ombre se sont reconnus d’un regard profond, se sont embrassés d’une étreinte
vibrante.
L’être s’éprouve à travers son ombre, et le réveil se précipite vers un éveil enflammant.
De cet état d’éveil est née la rencontre d’un séisme parlant.
Qui parle d’une langue inconnue, volcanique, assurée, assumée et fière.
Une langue de sensations et de légèretés inédites se met soudain debout. Et s’élève de quelques mètres de haut.
La francheté -Franc-chier-taie- se parle et une migraine rageuse, chieuse et sauveuse cède le pas à un éboulement corporel.
Ce n’est plus un corps ici, une parole par là. C’est un corps qui parle. C’est une parole qui s’éprouve.
Orphelins de même père, de même mère. Ombre et silence se retrouvent sur le chemin d’une longue quête.
Ils se sont reconnus chacun dans un reflet de flamme moussante commun qui fraie un passage sous les tunnels d’un clair-obscur.
La lumière s’éprouve
Pieds et Poings liés
Rêve et réalité se dés-obscurcissent
Tête et cœur s’allient
Âme et esprit se dés-enclavent
Yeux et chemin s’harmonisent
Destin et hasard se des-obstinent
Doigts et droit se font complice
Maux et mots se réconcilient
Le soleil fraye son chemin, les brumes se dispersent à la vélocité d’un youpi. La grêle se désamorce en petites graines toutes fines abandonnant ses rafales d’émois. L’air devient sec, le froid se métamorphose en éclair.
Voilà l’ombre n’est plus maître, et la lumière s’éprouve.
Samedi 4 mars 2023
Noémie Allard
Vive les métaphores
Ma vie en oxymore.
Vivre des états forts
Devenir trompe-la-mort.
JeRaconteDesHistoires
Les insomnies sont le produit des émotions
Que l'on consomme et que l'on nie :
Plus on essaye de s'en soustraire,
Plus elles s'ajoutent dans la nuit.
JeRaconteDesHistoires
Tel un serpent je mue,
Je me tords de douleurs
Dans un mutisme ému
Au milieu de lambeaux sans couleurs
Me fraye un chemin méconnu
Vers de plus vertes lueurs
Loin des pommes mordues
Et des perfides persifleurs.
JeRaconteDesHistoires
26 Février 2023
Leîla Tov
Prière marine
Dis-moi, ô vaste beauté bleue !
Au corps infini enfoui sous les cieux,
Peut-être que de l'autre côté de l'horizon
Tu vois celui qui fait battre mon cœur, avec passion.
Son vaisseau blanc glisse sur ton flanc
Lui, heureux, libre, et frère du vent.
Protège-le de ton ire,
Lui tout entier me fait vivre.
Bénis-le, je te le confie.
De tes vagues, embrasse-le.
Comme j'ai envie de l'embrasser.
Il est ce que j'ai de plus précieux
Un diamant brut à la teinte basanée
Hélas, que je n'ai pas su faire briller.
Bouscule la rose des vents,
Va dire à ton armée de goélands,
Car lui ne m'entend plus,
Que quelque part, vers l'Ouest, à Fécamp
Une femme blême à la peau dorée,
Aux lèvres sèches, salées,
Et cheveux ébouriffés l'attend.
Et qu'elle n'aime que lui, éperdument.
Vénus de sel
Occupe mon corps,
Gravis ses monts cachés
Et ses collines inexplorées,
Ce nouveau Sodome et Gomorrhe.
Aux pêchers intenses, toi seul l’honores.
Je ne promets aucune résistance
Sur cet autel de plaisir,
Où les rivières de miel coulent en élixir,
Je fais sacrifice de bienséance,
T’offre mille orgasmes,
Mille jouissances et phantasmes,
Abreuve-moi de ta Mer Morte fertile,
Fais de moi une Vénus de sel servile !
Cambrée ou allongée, je serai ta soumise.
Délecte-toi de moi à ta guise.
Mais par pitié, aime-moi.
Comme je t’aime sans foi ni loi.
23 février 2023
Évelyne Charasse
Découpages
Et gribouillages
Mais
Où sont tous
Les nuages ?
_
Des merles
Courent
Sur le toit
En riant
Voleurs
De bleu
_
Dans
Les eaux sombres
Du miroir
Sommeille
Ton enfance
Tu lui souris
_
20 février 2023
romain frezzato
de parmi les barbares
et le décompte
des jours sur le calendrier mural. Le formica qui se disloque...Le ravalement de la façade et la déliquescence de la balancelle au bord de la terrasse…
Tu m’as donné ce droit d’accès : le nez les yeux l’iris la bouche ; même le dessin de tes sourcils, tu m’as offert : de témoigner de mon vivant de la réalité de ça : tes mâchoires tes dents ; jusqu’au détail des pommettes, jusqu’au rose des pigments – longueur des cils : ok ; l’arrondi de ça le vertigineux : auquel tu m’obliges, pupilles canines oreilles :
ok, la courbe des joues l’arc des paupières la déclivité générale de cette tête : d’accord ; d’accord aussi : la langue les lobes ; d’accord le front d’accord : la symétrie profil droit profil gauche et quand tu joins tout ça par la couture du nez : d’accord ; d’accord : le cou le menton les commissures les pores ; d’accord : tes lèvres qui s’écartent au passage de l’air de l’eau de moi ; d’accord : les veines sur tes tempes,
le sang derrière la boîte et tes pensées qui font : comme des vagues sous la peau ; l’hystérisation de tes clavicules, l’escalade sur ta colonne des paroles sans poignets, ok d’accord tes aréoles puis le bûcher ta poitrine, de ton pubis les poils qui te remontent jusqu’au nom du nombril, la brioche de ta panse (sertie, ta vulve en pente douce qui s’équilibre : dans l’idée de happer et le désir de bruire) ! Tu m’as donné accès à ça – aussi durable que l’évocation que j’en fais, aussi long que les mots : OK.
Quand je serai habitué : à la façon dont tes chevilles relient tes jambes à tes pieds ; quand j’aurai : perdu la coutume de ta danse sous la douche et de tes orteils qui me coupent la respiration, quand ça n’aura plus de mystère tes narines ta langue tes oreilles percées, tes ongles, gobés, tes bleus, le sang : au pourtour de ta vulve ;
quand les énigmes des morves ne seront plus mouchées et les pointes émoussées de tes poils, quand ne seront plus ravalées les salives du c’était quoi ÇA–?–çavenaitd’oùça–?– c’étaitsibien–?–etquandjemetrompais
sur ta personne, le nom de l’être qui dégouline à mesure que tu frappes
ton sexe, le périnée enduit d’un flux d’aucun homme craché, mes jambes écartées pour que passe du bas-texte le latex compact, mais bien évidemment il y a tes sphincters, et la surprise toujours intacte du chapeau prestigieux ;
quand j’aurai désappris les protocoles de rapprochement, la versatilité des indices corporels, quand il ne restera que les notifications d’une bouche ouverte au dis-moi quoi, alors seulement commencera l’amour et avec lui : les précipitations, l’intégrité de ta personne. Dessous : la paupière haute. Dessus : la paupière basse.
ma tête comme un tampon absorbe tes nutriments, ma race enfoncée joue de la flûte dans tes gamètes et tu acceptes que je macère dans ta matrice, mes dégénérescences tu ris de les voir fructifier. Je soutiens que mes rides participent de ton portrait. J’avance que mes amas singent ton ossature. Et tu te reconnais dans l’émancipation de mes particules. Tu glousses quand je m’englue. Dans le délabrement. Tu ris, tu sais que je me disperse dans la joie.
18 février 2023
Charles Louis
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Assez rêvé,
la nuit est bien réelle
Assez couru
C'est le temps du repos
Assez tenté
L'échec est douloureux
La chute blessante
La relève fragile
Assez punie, assez, assez
Rien ne restera intact
Après ce passage
D'ombres
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Honte
Fille de malheur,
voleuse,
Larronne,
Vicieuse
Vagabonde
Fille de rien
Catin
Putain
Se dévergonde
Fille de joie
Débauchée
Gourgandine
ribaude
Fille perdue
Grosse
enceinte,
expectante,
Féconde
fille mère,
Infanticide
avorteuse
Meurtrière
Mauvaise fille
Fille maudite
Honte
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Dans tous les coins de mon cachot
Je trouve des bouts de moi
L'œil au judas
Le pied dans la lucarne
Le cœur au bord de l'âme
L'esprit au plafond
Et ma carcasse sur la paillasse
Je leur hurle de revenir à mon corps
Lorsque les gaffes arrivent
Elles me rassemblent en camisole
Pour mon bien,
pour mon bien
C.L.
17 février 2023
Arnaud Rivière Kéraval
DÉPART
Espace fugue les délaissés de la terre
dans le froid les flaques de la cité
aux frontières verticales
paradent sous le rose des pavés
là où les feuilles le désert
par-delà les vitres
cultivent la déveine
force l’envie brutalise les départs
avec en bandoulière
le sacrifice de l’ankylose
remettre à demain le passé
Au loin au loin d’autres frontières
se dévoilent comme l’orage au premier bas-fond
mais nous les occultons
portant l’orgueil des ventres sourds
nous partirons quand même
allègre imaginaire
enfreindre leur désespoir
A.R.K.
16 février 2023
Bruno Giffard
Quelques hommes détachent leurs mots qui s’enroulent avec les bouffées de cigarette sur une courte distance avant de succomber à l’infini – éclosion du seuil.
Le serment rose du talon des femmes sarcle une certitude finie d’asphalte.
Jours pareils à du bois mort jeté dans la gueule du poêle
La bouche dégage ses rêves
jets filandreux sur la page
Je lance
l’étoffe noire
des mots
rien qu’une présence
qui n’ose partir
de peur que le reste
s’écroule :
les poutres
avec le dialogue
notre bouche médite
ce goût d’impuissance
sur des tronçons
de parole
un appel à l’aide
signerait
le départ du souffle
Tu te mêles à l’encre courante
par irréfragable espoir
de courir enfin
la veine du paysage
tes seins
prennent des airs de fleurs
dans le désert
sur un fil idyllique
de cerf-volant
mon immensité claque
à la dérive de toi
mémoire affabulée
je me rafistole
Je m’accoude
l’horizon fixe aujourd’hui
juste au bord du vide
mes pensées
Compter les étoiles
endormir la mort
Le miroir regarde
mon inquiétude au teint impersonnel
Souvent au milieu d’un terrain vague
debout, l’air de rien
cherchant à toucher au ciel
la forme du nuage
J’apprends encore à lire le recul, alors que s’arme mon hurlement.
Défense hystérique de peindre le paysage des doigts,
par la pulpe s’y enfoncer.
Magnifique désolation – cette grisaille larmoyante d’automne. La subsistance du vert tourne au brouillard. Des variations crépusculaires s’inoculent sous une plaque d’espace. Les branches nagent à travers charges d’air, et leurs feuillages frissonnent jusque derrière ton front.
La tête repose dans une maladie qui rend invisible le lit des idées. Une ville enserre avec un savoir psychiatrique l’horizon au fond duquel elle se dépose. Constante patience de mire précipitée.
Reste aux yeux à divaguer une mer d’espace – avec des fleurs lumineuses qui passent devant un amphithéâtre de cendres figées. Ouvertures en variations grimaçantes.
Au bord du monde la silhouette des songes tremble, à faire le guet – un carré de trottoir tient lieu d’île. Noués au ventre par des départements de froideur, mes poings dans leur quiétude colérique tracent un embryon de prière. Je pense alors à tes lèvres – ailes sur les degrés thoraciques.
Tes yeux par le détail me déraillent le cœur.
Mais à ton visage, l’immunité du rayonnement.
La qualité douloureuse du plaisir m’arrête devant des valeurs d’avant le fer. Alors que ma foudre fouille tes lamentations, touche par les entrailles au nid électrique des assises rocheuses.
B.G.
Textes extraits d’un recueil de poésie amoureuse à quatre mains
Aline Angoustures et Philippe Moron.
Fleur
1991
Leitmotiv, ma fleur d’éphémère, effarante, affolante douceur, dédale de chair parfumée, demi-ombre dans les lampes, réceptacle des corps traversés par des phrases que défont mes transports immobiles.
Leitmotiv, ma douleur dans laquelle ton visage attentionné puise sa limpidité, désir de cette fleur à tes côtés, affolante, effarante, éphémère douceur de l’éclosion incessamment renouvelée de celle que tu effleures.
2022
Leitmotiv, ma fleur de chair effarante, nécrophage, fleur de phrases perdues dans un dédale de silence, lèvres suppliantes de la douceur de tes mains et de ton visage améthyste, au parfum de nos sexes emmêlés.
Leitmotiv, ma fleur affolante de chair immobile, paroles et désirs assourdis, éphémère douleur de l’absence, attente de l’éclosion de l’obscurité dans ta demi- tombe où tu m’effleures toujours.
Souffle
1991
Je me suis laissée dériver sur ton souffle – tu exhales l’odeur des fleurs qui s’épanouissent – ton souffle retenu fait vibrer mon ventre.
J’ai déambulé dans ton attente infinie, me suis apaisée dans ton immobilité – tu te recueillais, rêveur, dans ces fossiles, pelotonné au cœur d’intimes spirales, enroulement toujours ouvert sur toi- même, conque immobile qui palpite et vibre, patience inconcevable, attente bord à bord.
2022
Je déambule dans le souvenir de mon attente intime, apaisée par la chaleur de ton regard posé sur ma joue – tu recueillais dans ma voix les fossiles tapis au cœur d’infinies spirales, l’enroulement ouvert pour toi de ma chair, la conque patiente, désireuse de l’inconcevable baiser.
Je laisse pénétrer en moi ton souffle léger, légère comme une respiration retenue ; les rues exhalent une odeur de fleurs flétries.
Citadelle
1991
Citadelle de mots, fusion de langages, tu tournes sans cesse en toi-même les phrases douces qui bercent l’enfant immobile.
Elles l’entourent, le protègent et l’encerclent, elles déroulent avec elles le silence qu’elles remplacent autour de l’enfant, de la femme.
Tes mots ont entrouverts mes bras et mes lèvres, je me suis enivrée d’une phrase sans fin, jour après jour, louange et blessure, déferlante infinie.
Les noms que tu essaies à nos désirs muets engendrent sous ton regard cette femme qu’ils désarment et pénètrent.
2022
Je suis la citadelle dont tu souffles les échos dans la fusion des temps, hier et aujourd’hui de nouveau réunis, aussitôt séparés.
Tu tournes en nous les phrases charnelles que j’enroule autour de mes lèvres, pour te protéger de la mort et m’encercler avec lui.
Tes paroles réveillent chaque jour la blessure que nous tenons secrète, il nous écoute gémir et nous enivrer de notre gémellité fausse.
Nous devenons une femme sous son regard et ses mains, toi l’enfant douce du silence et moi la femme attentive à la berceuse oubliée.
Affamée
1991
Je m’affame de nos silences, fausses jouissances où se perdent les mots.
L’absence hante les progrès du désir, mon ventre se creuse d’un nouveau murmure.
Puissance affamée, œuvre à la levée des mots dans notre gorge, érection douce de ton attente.
Ton sexe est attentif aux fleurs qu’il honore.
2022
Le ventre se creuse de solitude.
J’ai déployé autour de ma poitrine une nuit fulgurante, où je ne vois plus ta bouche.
Jouissance, jouissance, douce érection de l’attente au cœur des paroles nues restées dans ma gorge.
Je me suis affamée de notre silence.
Fleuve
1991
Efflorescence pourpre, brusque résurgence de l’idéale caresse
Retour de joies anciennes, ferveur rendue à l’océan de chairs
Fleuve détourné sans relâche, aux matins inaccessibles
Corps mariés sous le sable, sexes résignés à jouir violemment.
2022
Attente résignée, chaque soir, après le matin ténu
Impatience d'un partage des peaux, au cœur du bocage cerné de futaies hautes
Violence silencieuse d'une volupté, dispersée sur les eaux indifférentes
Langueur au seuil du ravissement, vain espoir d'une floraison tardive.
Jérôme Alix
Superstitions
Une Terre plate
Un Soleil carré
Une licorne volante
Un champignon reptile
Une élite politique
Une société libre.
LOUVE DU DESERT
Je suis la louve solitaire
Je suis la louve du désert
Errant sur le sable ou la neige
Des yeux inquiets me regardent passer
Un mouvement vif
Un coup de mâchoire
Un jet de sang au milieu de nulle part
Mes seuls amis
Les hommes-loups aux crocs de foudre
Je les rejoins parfois Orage de volupté
Puis je repars chasser
L'âme apaisée l'œil aux aguets
Etrange comme la mort
Je suis la louve d'or
Seule comme le silence
Au milieu du tonnerre
Errant sur le sable ou la neige
Je suis la louve du désert
Etrange comme un poème
Sur un mur de prison.
NOUVEAU MONDE
Au royaume de la pluie sèche
Filles et garçons jouent au croque-mort
Et enterrent leurs futurs enfants
Qui ne naîtront jamais
Au royaume de la mort lente
Une jeune mère décapitée
Donne le sein
A sa propre tête.
LOVERS
Dans la rue deux amants
Beaux comme un oxymore
Comme une étrange image
Dans un poème de la vie
Il est son antipode
Elle est son antithèse
Deux amants beaux comme une énigme
Dans le thriller sanglant des villes.
13 février 2023
Poèmes de Maria Borio traduits de l’italien par Lorenzo Foltran
I
Il peso si sente come i capelli sulle spalle
i pori che si stringono per non far passare l’acqua
l’attrito sempre quando capita una coincidenza.
Ma dicono che oggi il peso del tempo è irreale
assomiglia all’aria spostata dagli insetti
che si nutrono di sangue e muoiono a volte
sotto il palmo della mano.
II
La coscienza si stacca, sopra di noi è uno specchio
ci vede punti che galleggiano in una piscina
vede la pelle sporca del sangue di tanti compresso in una macchia –
i mobili flessi sono dita vegetali, il circuito elettrico sciolto
un pensiero di sottomissione, il pensiero puro di ridarsi al tempo.
III
Scompariamo nell’acqua. Le nostre case sono acqua
nascondono sul palmo la condensa di molti
l’idea che osservandola ci trasformiamo
in molti schiacciati in una macchia.
IV
Poi, per vedersi, la coscienza ha strappato un cavo
lo spezza coi denti, si scheggia le dita con il filo elettrico
sente la macchia di sangue aperta –
ha immerso il filo nell’acqua…
V
La coscienza separata dal corpo ha sentito il tempo pulirsi
nella casa come in una vasca una luce di fondale
mobili flessi sono dita vegetali, il circuito elettrico sciolto
una polvere, una prospettiva, un filo incandescente
il tempo che è coincidenza, la storia di tutti e uno
trasparente fuori dal baricentro nell’acqua
senza peso, vive e vede
I
On ressent le poids comme des cheveux sur les épaules
les pores qui se resserrent pour ne pas laisser passer l’eau
le frottement toujours lorsqu'une coïncidence se produit.
Mais ils disent qu'aujourd'hui le poids du temps est irréel
il ressemble à l'air siphonné par les insectes
qui se nourrissent de sang et parfois meurent
sous la paume de la main.
II
La conscience se détache, au-dessus de nous un miroir nous voit, traces, flotter dans une piscine
Il voit la peau sale du sang de tant de monde compressé dans une tache -
les meubles fléchis sont doigts végétaux, le circuit électrique dissous
une pensée de soumission, la pure pensée de se redonner au temps.
III
Nous disparaissons dans l'eau. Nos maisons sont de l'eau
elles cachent sur la paume le condensat des personnes
l'idée qu'en l'observant nous nous transformons
écrasés avec les autres dans une tache.
IV
Puis, pour se voir, la conscience a déchiré un câble
elle le brise avec ses dents, les doigts ébréchés par le fil électrique
elle ressent la tache de sang ouverte -
elle a trempé le fil dans l'eau...
V
La conscience séparée du corps a ressenti le temps se nettoyer
dans la maison comme dans une baignoire une lumière de fond
les meubles fléchis sont doigts végétaux, le circuit électrique dissous
une poussière, une perspective, un fil incandescent
le temps qui est coïncidence, l'histoire de tous et d'une personne
transparent hors du barycentre dans l'eau
sans poids, il vit et voit
È quasi pronto, sta per passare
la vita nell’aumento
della proprietà con un distacco, una ricompensa
fedele a sé, solo il giglio viola nel prato
non vale perché dura un giorno.
Potrebbero vederlo dalle finestre di notte,
se volesse potrebbe
consumarlo, raffilarlo la gente
come la punta di una matita.
Questo essere soli è essere di tutti,
il corpo ha odore, la proprietà ha odore,
l’affezione per una donna
che non ha odore, non ha proprietà
rientra nel cliché.
Lo descrivono come si racconta
la vita degli altri o si immagina
inesistente.
La storia dei prodotti
così viva nel minuto
che milioni cercano
la stessa parola, non lo sanno, lo fanno,
lui è il blog, il vlog, il tube
della proprietà isolata di sesso
maschile su cui appoggerebbe la testa
una donna di sesso femminile.
La casa senza io gli altri l’accumulo
degli anni e solo
la felicità del processo, non del fine.
Potrebbe vederlo la gente
nella stanza a volte con il suo odore
e anche lei
che gli è madre vicino
abitualmente avendo speso insieme
una vita.
Si dorme in due.
Si stava immaginando nelle case
degli altri.
C'est presque prêt, elle arrive,
la vie en hausse
de la propriété avec un écart, une récompense
fidèle à elle-même, seulement le lys violet dans le pré
ne vaut pas car il dure une journée.
Ils pourraient le voir des fenêtres la nuit,
s'il voulait il pourrait
se faire consommer, aiguiser par les gens
comme la pointe d'un crayon.
Être seul, être de tous,
le corps a une odeur, la propriété a une odeur,
l affection pour une femme
qui n'a pas d'odeur, n'a pas de propriété
s’inscrit dans le cliché.
Ils le décrivent comme on raconte
la vie des autres ou on l’imagine
inexistant.
L'histoire des produits
si vivante dans la minute
que des millions recherchent
le même mot, ils ne savent pas, ils le font,
lui il est le blog, le vlog, le tube
de la propriété isolée du sexe
masculin sur lequel une femme de sexe féminin reposerait sa tête.
La maison sans moi les autres le cumul
des années et seulement
le bonheur du processus et non de la fin.
Parfois, les gens pourraient le voir
dans la chambre avec son odeur
et elle aussi
qui, proche, lui est mère
d’habitude, en ayant passé ensemble
une vie.
On dort à deux.
Il était en train de s’imaginer dans les maisons
des autres.
I
Una volta dicevi che ero io
io, che tu eri tu, che camminando
fra un argine e un altro potevamo vedere.
Il fiume è lo spazio, i pesci bianchi si nascondono.
Una volta passavamo in equilibrio sui sassi
fino a che le nostre mani toccandosi si mordevano.
Una volta immaginando dalla punta della collina
le differenze vedevamo contorni netti
scomparire nell’erba. Lì e qui
portano un cosmo e noi fragili, indivisi
con i piedi nell’acqua bruciamo l’io
che può essere tu, il tu che può essere io.
II
Lo spazio è un vetro,
l’interno e l’esterno.
Io raccolgo il fiume freddo,
tu lo espandi in ologramma.
Tu sono io nello schermo, io è tutti.
IV
Tutto accade
un video ha imparato a riprodurlo.
Tutto accade
i pesci bianchi nel fango
uscivano, entravano.
Li inseguivi come cerchi
appaiono, scompaiono.
V
A volte tu, io
vediamo ovunque
i contorni della violenza.
Chi eri: nomi in codice. Chi sei:
io, tu, l’altro
a volte è bianco, nudo, perfetto.
Il pavimento come il fiume si increspa:
entravano e uscivano i pesci
sbiancando.
VIII
A volte tutto resiste in trasparenza:
esiste, muore?
Tu attorno a io
lucina improvvisa, contemporanea.
I
Jadis, tu disais que c'était moi
moi je disais que c’était toi que nous pouvions voir
en marchant entre une berge et l’autre
La rivière est l'espace, les poissons blancs se cachent.
Jadis, nous étions en équilibre sur les pierres
jusqu'à ce que nos mains se touchent, se mordent.
Jadis, en imaginant du sommet de la colline
les différences, nous voyions des contours nets
disparaître dans l'herbe. Là et ici
ils portent un cosmos et nous, fragiles, indivis,
les pieds dans l'eau, brulons le moi
qui peut être toi, le toi qui peut être moi.
II
L'espace est un verre,
l'intérieur et l'extérieur.
Moi je ramasse la rivière froide,
toi tu la développe en hologramme.
Toi c’est moi dans l’écran, moi c’est tous.
IV
Tout se passe
une vidéo a appris à le reproduire.
Tout se passe
les poissons blancs dans la boue
sortaient, entraient.
Tu les chassais comme des cercles
qui apparaissent, disparaissent.
V
Parfois toi, moi
nous voyons partout
les contours de la violence.
Qui tu étais : noms de code. Qui tu es :
moi, toi, l'autre
parfois c’est blanc, nu, parfait.
Le sol, comme la rivière, se ride :
les poissons entraient et sortaient,
en blanchissant.
VIII
Parfois tout résiste en transparence :
existe-t-il, meurt-il ?
Toi autour de moi
petite lumière soudaine et contemporaine.
note proposée par Calique
Debriefing
L’intelligence est morte ce matin à 6h32 (mais tout avait commencé il y a très longtemps), dans les décombres de l’esprit en ruines, sur une chaîne de télévision comme tant d’autres.
Monsieur Epiquebenêt est à la pointe de l’utilisation de son cerveau.
Il opère avec les mots une forme d’économie de gestion unanimement appréciée de son entourage, et des retournements de sens qui ravissent un auditoire friand de ces déjections raffinées.
L’auditoire est trié sur le volet.
En moyenne un à deux dangereux utopistes, aux intérêts, si possible, divergents, ou un extrémiste et un fac-similé, pour quatre personnes raisonnables, aux vues compatibles.
Monsieur Epiquebenêt ne profère pas de mensonge, il se situe au-delà, surplombant le réel, et s’il en invoque l’envers, c’est toujours à bon escient, mû par une sorte de scrupule, emporté par un débordement de zèle qui lui étreint la rate et le hisse, pantelant, aux cimes de la rhétorique.
Ses circonvolutions sont si étudiées, ses parades si bien huilées que nulle contradiction ne saurait en venir à bout.
Si la moindre scorie menaçait d’apparaître, Madame de la Roue du Paon prendrait le relais avec une vigueur toute neuve, vite relayée par le chorus des intervenants du plateau, noyant dans un brouhaha d’éclats salutaires les arguments les plus hérétiques.
Madame de la Roue du Paon n’est donc pas en reste, et son rutilant sourire, outre qu’il atteste d’une dentition irréprochable et d’un joyeux tempérament de prédateur, est le garant de l’indubitable discernement et de la bienpensance consommée qui vont avec, tout comme la savante perversité de ses remarques, judicieusement distillées, ou les rugueux pouffements de sa voix de gorge, si opportunément dédiés.
Prétendre à la véracité serait réellement faire preuve d’une puérile inconscience, voire d’une arrogance sans bornes, proche du cynisme.
De fait, toute vérité mal énoncée peut-être évincée, et toute opinion, revêtue de bienséance :
il n’est donc que des allégations, celles qu’il est opportun de proférer.
Forts de ce réalisme, et avec une bonne volonté jamais démentie, Monsieur Epiquebenêt et Madame De la Roue du Paon sculptent, cisèlent, fourbissent, policent de resplendissants consensus: limpides de clarté, parfaitement adaptés à leurs contextes, finement ajustés à la psychologie des masses.
Monsieur Epiquebenêt et Madame De la Roue du Paon ne sont plus des enfants et ne mordent pas la main qui les nourrit. Ce sont de vrais pédagogues.
Ils ne ménagent pas leurs efforts pour évangéliser ces consciences fragiles, ignorantes, si peu perméables, en fin de compte, à ce qui a été pensé pour eux .
Voilà comment l’intelligence est morte, une fois de plus, ce matin, foulée aux escarpins, asphyxiée de simulacres, encavée dans cette symétrie obtuse, ligotée d’évidences fabriquées, de logiques magnifiquement déferlantes.
Les maîtres de l’audimat l’ont assassinée de sang-froid, selon un rituel éprouvé, accompli avec tout le soin nécessaire, et un savoir-faire décuplé par l’habitude, qui s’autorise des amendements évolutifs.
Cependant, Monsieur Epiquebenêt et Madame de la Roue du Paon ne savent rien de leur état.
Ils ignorent tout de leur propre condition de modèles réduits expérimentaux.
(Le problème, avec l’intelligence artificielle, c’est qu’elle n’est pas issue d’un vécu, mais totalement plaquée, de l’extérieur, au moyen d’un process mécanisé, et n’est donc pas – et c’est là sa vertu majeure – susceptible d’ouverture à une quelconque psyché.)
Miniatures contrefaites, ils ne savent pas qu’ils sont enfermés dans une toute petite boîte, dupliquée à des millions d’exemplaires tous semblables de par le monde, artificiellement éclairée par deux filtres polarisant la lumière électrique, désespérément coincés entre un miroir et une dalle de verre, tributaires d’une danse d’électrons.
Une petite boîte dont ils ne sortiront jamais, et que l’on peut éteindre d’un doigt, à tout moment, aux quatre coins du monde, effaçant toute trace de leurs beaux visages de vainqueurs, répétés à l’infini.
A plus forte raison ignorent-ils que l’intelligence est un Phénix qui renaît, toujours plus vigoureux, de ses propres cendres.
10 février 2023
Matthieu Gaines
Trois poèmes d’entre-deux
Tout le corps immobile
tout le corps agacé une heure
tout
le corps en attente
une heure de plus
les yeux fermés dans le noir
les yeux ouverts dans le noir
respiration
la tête ailleurs où
ailleurs en tout cas pas
à sa place la tête pas dans le noir
les images fondues dans l’attente
de quoi les images
de plus en plus fondues
dans l’attente des phosphènes roses et verts du sommeil
le sang qui
bout la peau
qui gratte le drap qui pèse
l’attente
une heure qui coule gluante
poisseuse et noire
une heure coagulée
une
heure plus longue
que l’heure
la peau qui ronge
les
yeux
qui
tombent.
C’est parce qu’
il reste des coquilles cassées de nous
des photos sans ride
des numéros qui s’écoulent petit à petit de la mémoire
et parce que
s’attardent fondamentaux les riens qu’on n’a même pas jugés
déchets
rebuts bons à jeter
fussent-ils de papier ou de souvenir
que nous encore — un peu —
sans doute il y aura parfois
des soubresauts futurs des hoquets
rémanences un peu vaines espacées
des cailloux de petit Poucet
de plus en plus distrait.
Nu
c’est toujours comme ça que ça commence
nu sans rien rigoureusement à poil
et moins qu’un regard
au corps maigrelet dans le miroir
coup d’oeil myope qui
n’engrange plus rien de neuf
depuis longtemps
ensuite
seul comme on n’est jamais
retour au primitif
sous
l’eau
alors
la dissolution se fait
par strates
emportées une à une brisées en
petites coulées de moi boue incolore
je me pèle
je m’érode
je m’use jusqu’ à
n’être
plus qu’ être
un point un étr
ange sans corps étr
eint de mes propres
bras nus.
MG
8 février 2023
Mehdi Pérocheau
Note sur le dernier livre de Jérôme Orsoni
Un parfum d’apocalypse imprègne les derniers livres de Jérôme Orsoni. C’est sans équivoque depuis son roman inédit La Vie sociale dont un chapitre s’intitule « Paris, capitale de la fin du monde ». Une conclusion irrévocable qui contraste avec les contes fantastiques de sa trilogie initiale (Des Monstres littéraires, Pedro Mayr et Le Feu est la flamme du feu) dont une bonne part ne s’achèvent pas tout à fait. Mais les livres d’Orsoni se répondent ; ce qu’un ne dit pas, un autre le fait ; un sujet qu’un livre se plaît à sans cesse contourner, un autre l’affronte.
« Ménager les blancs pour ne pas donner l’illusion que la continuité, ce sont les notes qui la créent [...] Les silences font aussi partie de la continuité [...] Ce sont les blancs, les vides qui font les formes » dit le narrateur de La Vie sociale. Ce long roman à l’existence pour l’heure un peu fantomatique brasse les thèmes de la fuite, de la retraite érémitique, et de l’observation de la déliquescence d’une civilisation. Habitacles (que nous pourrions définir, avec la garantie de nous tromper, comme un court essai ou un poème en prose), édité il y a deux ans chez Abrüpt, parle de la même chose mais se dessine dans ses creux.
Chaque nouvelle publication jette ainsi un éclairage nouveau sur les précédentes. L’explicationdetelpassagelaisséeensuspensestsouventàtrouver dans un autre volume. Par exemple, nous pouvons autant nous réjouir que nous inquiéter quand nous lisons dans les Cahiers fantômes que Balzac est « capable de mal écrire pour bien écrire, de faire de mauvais romans à l’intérieur même de son roman pour que celui-ci se déploie » et nous cherchons fébrile à laquelle de ses pages attribuer ce procédé.
j’ai envie d’écrire 500000 poèmes quitte à ce qu’ils soient tous mauvais
trouvons-nous dans Et partout c’est la guerre, paru en novembre chez Abrüpt. Il s’agit d’un long poème en vers irréguliers non-rimés. Sa construction invite à le déclamer d’une traite pour en apprécier les mouvements et les variations d’intensité. Pourtant, nous ne le faisons pas et sommes interrompus çà et là par une ligne dont la référence nous frappe : les événements récents, une figure de la littérature, un autre texte d’Orsoni, un autre passage du poème, ou souvent tout à la fois. Ce système d’intertextualité produit une impression constante de va-et- vient ou de ressac, pour ne pas dire d’éternel retour. Le concept est récurent (cela va de soi) chez l’auteur, sous sa forme antique qui explique que le monde se délite et se recompose à l’identique un nombre infini de fois :
quel sens donner à l’éternel retour
si c’est la vérité des saisons ou la fable d’un charlatan
ou selon l’interprétation nietzschéenne qui engage à vivre son existence de façon à être prêt à la revivre éternellement :
il faudrait être fou ou surdieu pour imaginer un jour s’arrêter
Le concept de Nietzsche ne peut se défaire du paradoxe d’être toujours associée au moment précis et unique de sa révélation lors d’une marche dans les Alpes suisses à l’été 1881 :
je me souviens
d’une marche
que nous avions faite ensemble vers le sommet le monde en effet paraissait plus petit
au retour pourtant
rien n’avait changé
Le style d’Orsoni joue en effet du paradoxe et de l’opposition. De la même manière que nous ne pouvions lire le poème d’une traite quand bien même il aurait fallu, la typographie faite de lignes inégales sans majuscule et le ton saccadé évoquent une série de rafales que ne permettrait pas le Luger Parabellum de la couverture (l’arme semi-automatique ne tire qu’une balle à la fois). Nous finissons par être convaincus qu’une chose et son contraire peuvent être la même chose, comme dans l’antithèse « Si tu veux la paix, prépare la guerre (Si vis pacem, para bellum). »
Quelques exemples :
nous finirons pas nous défaire de ce partage
absurde et étroit
entre le sommeil et la veille
Plus loin :
effondrement à la fin de la ligne catastrophe
c’est-à-dire
non pour que tout s’achève encore plus triste
non
rien que tout le contraire
que quelque chose ait lieu
Ou encore :
la condition des visibles est de disparaître
un peu comme on dirait la condition des nuisibles est de persister
Comprenons qu’il n’y a pas de refuge, qu’il est inutile de fuir, pas moyen de se mettre à l’abri, que ce soit dans un palais ou une cabane. Mais le constat de bérézina, de déroute peut se lire comme son inverse. L’antiphrase prend le risque du malentendu mais offre tous les espoirs. Je suppose qu’il y a là une idée sous-jacente : celle qu’un livre d’un auteur implique toujours son contraire, qu’un livre sombre induit un livre lumineux, un livre court un livre long, un livre alambiqué un livre direct, un livre publié un livre inédit et qu’un bon livre a son pendant, et réciproquement.
MP
7 février 2023
Lazard Bornes
Cosme
Aiguille stoïque
Raide comme un épi
Derme percé
La terre tremble
Jaillit de sa couche
Brûlante une colère furieuse
Éruption cutanée
Au contrebas s’affole
Un amas de cellules
Fiévreuses
Bouillonnantes en tout sens :
C’est la mort synchronique
Sous la fumée des cendres
Se dégagent des tombes invisibles
Une opportunité
Pour la nouvelle Pompéi
De se construire
Au champ du vide
Une mauvaise herbe pousse
Et le voilà comblé
16 : 9
L’écran noir clape
Une ouverture en fondu
Sur plan large lumière progressive
Des paupières s’éveillent
Reviennent à la vie
Ce qui les heurte en premier lieu
Outre le silence
C’est ce noir et blanc
Avec ce grain
Assez épais pour se faire l’écho
De notre propre folie
Saturé et délicat
Le fond en mouvement a ses contours légèrement floutés
Mais ils restent bien nets quant au sujet statique
Cette mare d’ombres floues lui permet d’exister
Comme le christ au milieu de la cohue condamnée
Devant le temple de Jérusalem
Mais contrairement au messie
Il se fiche des spectres
Son regard est à la recherche d’un nuage qu’il pourrait chevaucher
Immobile donc
Le trait épais et blanc
Il brille
Et cherche un de ces stratus cambré
Lancinant
Tandis que le monde entier traverse le champ
Et le coupe en tout sens sans jamais le toucher
Comme s’il était une nuée d’oiseaux prête à s’éparpiller
Lorsqu’on s’en approche de trop près
Ne cherchant à rattraper ce que l’on ne peut précéder
Comme se plient à sans cesse essayer ces païens crédules
Il rayonne d’une absente présence
Et n’essaie pas d’être autre part que maintenant
Il sait que c’est une chimère
Toutes ces trajectoires qui se précèdent
A ses cotés n’ont pas l’air d’exister
C’est ce qui crée chez lui cette singularité
Cette solitude totale
Et le voilà qui se met à avancer
Il déambule au dégun
Sans détours ni écarts
Il suit sa vie sans tenter de la rattraper
Coupe
Même scène
Changement d’angle
Sujet de trois quarts
Travelling de sa lente marche
Où ce monde l’esquive lui et son rythme
Contre-temps déplaisant
Et seul souvenir du concert
Monte une trompette blues
A la Miles
Il évolue dans le champ en marchant à contre-courant
Vers la gauche de l’écran
Question d’esthétique personnelle
La caméra le précède légèrement
Son dos est hors-cadre
Nous sommes entre lui et la foule
Sans savoir sur quel pied danser
Impossible d’atteindre sa tranquillité
Au dessus d’un océan de glaise
Il navigue
Sur un radeau d’or
eura
Une bulle
De Buzzati
Éclate
Légère
Dans le désert
Kalahari
117
Le somnambule
Trouve une agate
Hécate
Tombe au boutis
Sous le pendule
Galate
La funambule
Se dévêtit
Les étoiles perverses
Sortent du lit
L’oeil dans le judas
LB
Adonis Brunet
Oh Sologne
Notre belle Sologne
Que l’on défigure
Que l’on rogne
À coup de piquets et de clôtures .
Stop à ce carnage
Que cet écrin de beauté
Retrouve son côté sauvage
Et ne soit plus dénaturé.
Ici la reine
Se nomme chanterelle
Elle n’est pas parisienne
Ne porte ni bijoux ni dentelle.
Ici le roi
Règne sans détours
Et il porte sa voix
Sans téléphone ni tambour.
Berceau de notre enfance
Douce et protectrice
Elle éveille tous nos sens
Sans fanfreluche ni artifice.
Alors viens, viens
Toi le citadin
Laisse tes escarpins
Ensemble changeons le destin.
Le 24 octobre 2021
Tam-tam
Le tam-tam hurlant du vent vient frapper à ma porte. Symphonie de l’extrême au loin dans la brume où l’écume blanchâtre se disperse aux quatre vents. Je suis là. Je remonte le temps. Figé je fixe le cadran de l’horloge. Plus rien ne sera comme avant…la tempête gronde et s’avance inexorablement vers les terres. Balayant tout sur son passage. L’écume des vagues déboule telle une avalanche qui ne laisse aucune chance et vient se briser sur les rochers imperturbables. Les vagues hurlent en se fracassant sur la côte. Dans ce vacarme assourdissant le bateau de pêche l’Espérance se raccroche au faisceau surpuissant du phare du Creac'h qui surplombe l’île d’Ouessant, espérant ainsi accoster le mieux possible. Mais dans une mer démontée de force 7 avec des creux de 4 mètres, l’opération semble bien périlleuse. L’équipage restera fier jusqu’à la fin…
AB
6 février 2023
Sandrine Davin
Chère Terre - Mère
Encore un matin où les planètes du ciel
Ont caressé mes rêves.
- Silence -
Je me suis réveillée, quelques grains de sable Au coin des yeux.
Chère Terre,
Chère Mère,
Un souffle de vie sur mes lèvres rosées. L’écorce
Ton écorce qui effleure
Ma chair à vif.
- Respiration -
Dans le murmure des branches
Le chant mystérieux des choses.
Chère Terre,
Chère Mère,
A la nuit le jour
L’effacement des ombres
Et l’apparition de l’être.
Frontière de peau
Trottoir gris
Bruit des bombes
En sourdine
Il est là seul
Ridé par les ans
Le froid
Les jours qui se répètent
Sans fin
Une seule idée
Fuir
S’exiler d’un pays
De son pays
De sa terre, sa patrie
Fuir
Il est là Lui et sa valise
Pour unique compagne
Regard à droite
Regard à gauche
Ne pas savoir où aller
Ne plus savoir où regarder
Et attendre encore
Attendre … attendre
Effleurement d’être
Dehors est-ce la nuit
- L’infini - Un ciel qui jette l’ancre
Aux vents blessés
Où le froid ronge
Les heures.
Au fond de l’âme
La mémoire s’effrite
Inexorablement.
- Entre silence et rêve
L’éphémère souvenir -
SD
Gaëlle Doutre
Orario
Hélas, je trimballe encore sans tactique,
Comme un sale tic,
La blessure organique,
Celle qui n’est jamais farouche.
Pourtant, je sais rendre grâce par grandes touches
A tout ce qui n’est pas moins que l’immensité.
Je sais aussi que rien n’insiste sous les paupières
Si le temps n’est pas donné.
J’ai croisé quelques spirituels.
J’ai dialogué jusqu’à satiété.
J’ai chéri quelques fantasques invétérés.
J’ai adoré tous les « curieux sans le faire exprès ».
J’ai chéri la douceur inévitable des vrais vertébrés.
J’ai reconnu la splendeur du temps habité.
Plus toujours sous réactivité amère,
Épargnée par l’autre altérité, épatée par l’autre altérité,
J’ai rayonné dans ce lieu où la colère rentrée perd sa verticalité.
J’ai croisé quelques chevaliers de l’intimité,
Épiphanies circonstancielles :
Je connais le paysage de la réalité incarnée.
Série « En bonne compagnie au musée», 47 ans MEP Paris, « Le fiancé » d’Hervé Guibert, 1982
Persona
Sans persona on the sofa,
Il ne me voit pas.
Sans persona on the sofa,
Je crois le voir à côté de moi.
Sans persona on the sofa,
Nos ratages
Sont nos ancrages.
Sans persona on the sofa,
Je ne saisis toujours pas,
Qu’en vain,
Je suis en lien.
Enthousiasme sans forteresse.
Je ne sais pas crier.
Texture, chambre d’écho :
J’essaye d’entendre la voix
De la joie partagée.
Ensemble sans persona on the sofa,
Ici l’entre deux est là mais
Il ne devrait pas.
J’ouvre les bras mais
Ne m’affirme pas.
L’alchimie n’est pas le lien,
Je ressens faux dans ce rien.
En vain, je suis en lien,
Oublieuse de la digne étreinte.
Ensemble sans persona on the sofa,
Frôlés, épopées partagées,
Corps à corps sans le cœur qui bat.
Apaisés mais pas comblés,
Apaisés mais pas aimés,
Affairés mais pas aimés.
Sans persona on the sofa effroi :
Camera obscura.
46 ans
Doutres
Trop souvent je doute de moi
De ma vie actuelle
De mes émois
De mon honneur
De mon désespoir irrationnel
Du regard de ces hommes sur moi
D’eux
De ma fidélité
D’exister vraiment
D’être autre chose qu’un objet
D’être unique
D’être pudique
Des sentiments d’autrui
De ma place ici
De mes cris
De mes larmes
De rechercher le bonheur.
C’est sans répit,
Que je doute,
De moi.
15 ans
GD
Karen Cayrat
les madrépores seront
nos souvenirs sous les eaux
- sédiments contre les vents
de l'oubli - archives
de douces cavales
///
La mer s’est plissée
Sous nos regards, elle étoffe
Les sentiments qui émaillent les revers
Adossés à nos rivages
(Poème extrait de la série de vidéopoèmes « Capsules » version multimedia disponible ici :
https://www.youtube.com/watch?v=dVJPssuPqgo
)
///
il reste l'écume
dans la gorge ouverte
des lendemains comme les
éclats d'aurores le long
de la lande qui s'oublie
KC
Laurence Lépine
3 POÈMES :
La beauté y passe comme par miracle
S’arrête ici à hauteur du genou
Plus loin
Fend son bois pour l’automne
Puis
Tout retourne
À plus haute floraison
Le temps devenu
Aussi clair que pelure
L’étui le voici si souple
Que grain d’acier s’y meurt
En terre nouvelle s’accroissaient les fougères
La ressemblance avec celles dont j’étais
À nouveau l’unique testamentaire
Les éléments écrasaient leurs doigts
Au fond des touches
J’avais mille ans
Me relevais d’une robe trop lourde
De deux anneaux tressés au bord des joues
LL
Jérémy Semet
Jalousie méta
Nuit agitée
A pirouetter dans mon lit
Repos en dents de scie
Ne rien projeter
Ni rien attendre
Mais le temps fût long
Avant de tomber de sommeil
Tu me diras
Que j'aurais pu l'attendre longtemps encore
Puisqu'il était déjà avec toi
Et de me demander alors
Si rejoindre les bras de Morphée
C'est tromper ?
Rendez-vous manqué
Aujourd'hui
J'avais envie d'écrire
Mais
Tout était dit
Dans mon poème d'hier
Alors j'ai laissé aller cette journée
Comme elle voulait
Je lui ai lâché la main
Je la regardais de loin
Pour qu'elle n'aille pas trop loin
J'ai fait ce que je devais
Laissant vaquer cette journée
Et puis
Une fois terminé
Elle m’a écrit un texto
Ça disait :
Je te donne rendez-vous
Dans ton poème de demain
Ho hisse !
Faire l'effort chaque matin
De laisser le merveilleux
Se glisser
Dans ses souliers
Pour avoir la chance
De marcher parmi les étoiles
Même rien qu'un peu
JS
Philippe Minot
Le ciel est à la traîne
étés, hivers, absences
le merle becquette
la drupe pulpeuse pourpre
le gourmand l'absout
***
les pies se chamaillent
au jardin évaporé
le cœur en chamade
***
source déversée
secrète au puits ruisselée
au pied des pourpiers
***
vigne frémissante
invisible au long du mur
le lérot gigote
***
virides durits
coiffées d’un prurit pourpre
verdeur des violettes
***
abeille affairée
à l’anémone propice
calice poivré
***
trille au soir violet
violon crypté de cristal
cri d'amour violent
***
glycine incendiée
tressée au for cyan du cèdre
retors virelangue
***
chenille abusée
rampant aux feuilles flétries
soupçon de l’envol
***
vigne toute en vrilles
prison longues tresses blondes
rossignol et trilles
***
verrière rouillée
la glycine bleue s’élance
aux aqueux azurs
***
claquants oriflammes
avivant le ciel flammé
l’éveil me réclame
***
cri de soleil rauque
l'aube m’écorche l'oreille
que salue le coq
***
à l’heure du berger
tu humais le frais des près
gisant au verger
***
le bonheur est mien
soleil pies piafs envolée
mais je n'en sais rien
***
le ciel à la traîne
nuages vestivelués
il pleure sur mon cœur
***
vente l'ouragan
chef blotti l'engoulevent
invente sa nuit
***
au pied du sapin
jouets dragées papiers jetés
et morte hellébore
***
visions embuées
ciel larmoyé yeux pluvieux
en pleurs on voit mieux
***
au prime frimas
il jette un oeil mort et froid
aux jonchées de bois
***
brumes de nivôse
l'œil frileux mélancolise
aux nuages gris rose
***
à flanc de montagne
mon cache-col m’accompagne
ne couvre le cœur
***
confus et fétide
le sous-bois croupi s’englue
putride berceau
***
ennui et grisaille
morosité hébétée
le chandail godaille
***
souvenirs en fouille
la mémoire fouine et mine
feugner les passés
***
pas outre le dur
marche plus haut que le mur
démarcher les nuages
***
gravir l’à pic
l’acéré porte au gravide
aspirer le vide
***
la pluie qui inonde
vents débarbouillant les cieux
le monde émondé
***
gaste épileptique
harmonie bannie du fief
en décrépitude
***
les traces persistent
pas en neige éclats au cœur
l’oubli résiste
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l'absence prend forme
déports départs déhiscences
le temps qu'il y faut
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dans la boîte à lettres
un coupon de réduction
promo sur la vie
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chant exalté fin
défunt emportement feint
faim de pacotille
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rendre à l'aigre ardent
astre de sanies aux dents
teindre au mordant tendre
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l’arrogant fat crâne
corps extrudé vers avides
vide coquillage
PM
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