La
page
blanche

Le dépôt

LA PAGE NOIRE

Docks

Textes proposés à La Page Blanche depuis le 6 février 2023



... Dans cette page, on peut lire l'ensemble des textes reçus par le site de poésie Lpb au jour le jour depuis le 6 février 2023. Parmi ces textes certains sont retenus pour la revue par le comité de lecture de Lpb ...


PLIHIRJP


... C'est une belle, généreuse idée que ce nouveau dépôt. Une sorte d'humus plus ou moins laissé à lui-même, propre à engraisser l'éclat des pages. Et puis même si la valeur d'un poème reste parfois à désirer, laisse son goût inégal, il y a toujours le souffle derrière, une ligne propre à allumer par son éclair le stock intime ...


BGMLJD


Information de première nécessité poétique


Heureux de vous annoncer que La page blanche s'est lancée, 

sous l'impulsion de Jérôme Fortin, dans l'édition. A ce jour, 

huit livres sont déjà au catalogue :

https://www.leslibraires.fr/editeur/les-editions-lpb/


Ces livres sont commandables dans toutes les librairies. 

N'hésitez pas à céder à la tentation et à ainsi promouvoir 

la poésie et les toutes nouvelles éditions Lpb.


N'hésitez pas à relayer le lien :

https://lapageblanche.com/le-depot/panneau-d-affichage


À partir d'avril 2023 la revue La Page Blanche sera disponible en librairie.


Pour soutenir l’association La Page Blanche, association loi

1901 à but non lucratif, il est possible de faire un don par chèque 

à l’ordre de La Page Blanche, 27 bis RN 113, 33640 Beautiran.



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Jeudi 23 mars 2023



François Audouy


RIEN


 Il n’y a rien d’autre

rien d’autre

jamais qu’un enfant seul dans sa chambre

que les cisaillements du désir 

nous n’aurons rien que nos morsures

quelques éclats de verre dans le pied

des ronronnements en sourdine entrecoupés de flonflons vagues,

de fêtes de villages qui perdurent

il n’y a rien eu d’autre jamais

pas d’ésotérisme, de mystique, de châteaux effilés, d’arrière-plans

la seule part d’angoisse et de soleil

notre faculté à le regarder jusqu’à s’en décoller les yeux

à le traquer dans les futurs à ne pas le laisser tomber

à calmer ses rayons moqueurs

qui mettent à jour nos voeux cachés

un soir en Cantabrie nous avons regardé sa descente sur une falaise près du camping

c’était une autre décennie visualise la scène souviens-toi

je t’avais trouvée -un peu tard- mais je t’avais trouvée

trente-deux années d’impatience se faisaient doucement la malle ce soir seul au Sénégal je me remémore les Asturies

la Galice et le Pays Basque

mon soleil quitte les Almadies

dépasse le phare des Mamelles

direction  les côtes espagnoles

 je veux qu’il se lève sur la Corogne parcourt les chemins de Saint-Jacques

dans le sens inverse des pèlerins

déambule dans le vieux Bilbao

et Saint-Jean de Luz qu’est-ce que c’est beau

par petites étapes regagne Saint-Denis sa place de la Basilique 

le dix-huitième rue Damrémont

te caresse le front au réveil

il n’y a rien d’autre

jamais rien mais

ce sera l’unique rien qui vaille





IN GIRUM IMUS NOCTE



Comme on s’accroche à sa douleur

on finit par en tomber raide

lui trouver un charme pervers

des modulations de couleurs

la sacrer dans les interstices

reine mètre étalon de nos nerfs 

nos aspirations esthétiques  


nous naviguons en haute mer 

dans une globale indifférence 

aux oscillations de surface  

restes de pensées parasitaires

issues de la fonte des glaces 

épaves inégalitaires

pointant le bout de leurs carcasses

lors de risibles équinoxes  


c’est la mer régénérescence

celle de tous les matins du monde

c’est le fleuve des poèmes nus

rougissant d’indélicatesse

des passages des évangiles

des joies et terreurs infantiles

des traductions de vers latins : 

“nous tournons en rond dans la nuit”

 

des restes d’authenticité

témoignent des premiers naufrages

inlassables il faut recoller

ce que l’érosion endommage

on commence juste à goûter l’aube

sa vitalité effective

quand on sait que les jours mutilent

dans la glace nos gueules cassées





SURNUMÉRAIRES


Semi-provinciaux, grands banlieusards,

nous logions dans de vastes hangars

anonymes que nous n’habitions pas.

Nés confinés dans nos campagnes

avec une avance dérisoires,

nous errions en sous-préfectures

où aucun tram n’aboutirait,

perdant nos centres de gravité

à mesure que s’amenuise l’espoir.


Le dimanche, on va en forêt,

bon bol d’air entre deux autoroutes.

Comme chien en laisse, on pisse un coup,

rentre s’abrutir aux ondes hertziennes.

Quand on s’évade, il est trop tard,

cet exode est ancré en nous

et on apprend à composer

jusque dans nos moelles épinières.


Nous sommes des hordes de surnuméraires,

zonards, zombis, flous et hagards,

effacés des images d’archives,

rayés des registres, des radars.

On nous éduque à la patience,

à sagement faire nos devoirs ;

polis et muets comme des pierres,

nous ne nous berçons pas d’histoires.


Nous nous souviendrons d’Anaïs 

qui au plaisir nous initia,

des émissions du samedi soir,

du mélange de pomme et de vodka,

des Noëls tristes et des oeufs de Pâques,

des parents faisant semblant d’y croire,

des vacances au bord de la mer

aux mêmes dates, aux mêmes endroits.


Il ne fallait pas monter le volume,

il fallait effacer nos traces ;

il fallait bander dans les clous,

ne surtout pas manger l’espace.

Comme l’unique cinéma clignote de ses blockbusters

face au bowling -zone commerciale-,

les témoignages de nos vies sur terre

doucement s’estompent dans l’air du soir.






Nataneli


** Pour cet autre (frontière) **


Qu’elles viennent ces créatures

en masques d’impostures

que viennent tous ces hommes

à pas de loup, croquer la pomme,

qu’ils viennent en meute grégaire 

cercler nos pays de frontières

que viennent ces soldats,

qu’ils viennent jusque dans nos bras

aposter nos silences

de leurs cris d’indécences.

Vêtus de leurs manteaux de peurs

au col noir de rancœurs,

qu'ils viennent en groupes de chacals

déféquer leurs rites tribales,

qu’ils viennent huer comme des hyènes

à l’hallali et à la haine.

Qu’ils viennent comme la terreur,

qu’ils viennent comme la rumeur

qui serpente ainsi sous leurs lignes de bêcheurs,

qu’ils viennent jusque dans nos lits

où bruisse la vie,

à la lisière de nos rêves

à la lisière de nos trêves,

mais, qu’ils viennent, hurler à la mort,

pour qu’on se souvienne encore

qu’ils hurlent pour qu’on fasse semblant

d’avoir peur des autres vivants.

Qu’ils viennent là, jusqu’à nos portes éphémères

clouer leurs orgueils de serviles serfs,

que leurs maux s’abreuvent aux eaux claires

de nos gorges sincères, 

à l’encre rouge de nos terres,

aux cascades d’éther,

comme assoiffés de vérités

qu’ils boivent au verbe aimer,

et que leurs vers acides

dévorés par les déicides,

Estompés de nuances 

se délitent de tolérances .

Qu’ils viennent à nos rappels,

qu’ils viennent sous nos appels

déconstruire leurs murs d'idées ,

Déconstruire leurs barbelés,

et même à la lisière des choses

qui sur un pied d’égo se pose,

qu’ils approchent nos sourires

sans bouches à conquérir.

Que ces hyènes soient parmi nous

comme des symboles incrustés

sur l’écorce de nos mots,

que l'on pelle au couteau

qu’ils soient comptés et décomptés 

aux reproches des vivants

aux prières des non-croyants

qui prient sans jugements,

visage face au rivage,

de l'autre côté du grillage 

pour cet autre qui ne sait pas

qu’il est l’autre là-bas. 

©️Nataneli






Mercredi 22 mars 2023




Jean-François Bardeligne



LES CORBEAUX D'ABONDANCE


Ils terminent bientôt d’éparpiller nos restes.

Ils nichaient dans le grand immeuble,

quand des lézardes pas si récentes

d’après les gens de la rue,

avaient attiré les flics et fait fuir les corbeaux.


Un petit flocon tout sale avant de toucher par terre,

flottait tant bien que mal parmi les grains de poussière.


À deux sur la même poubelle qu’ils s’y mettent

pour trouver du comestible.

Chassés dehors par des fissures menaçantes,

ils charognent moins qu’ils auraient voulu.

Sur le trottoir c’est le strict chaos.


L'un portait un vieux sac, trésors en bandoulière,

l'autre fier comme un cosaque dans son paletot d’hiver.



ANTIOCHE ET PUIS TOMBOUCTOU*


Au berceau d’une bise se penchèrent des fantômes,

qui par la mort, soumis aux courants du pertuis,

Rohan Duc de Soubise et fous de guerre à l’eau de rose,

emportèrent leurs épées aux confins du royaume.


Des mains d'œuvre iliennes seulement

sans glisser sur les paquets de mer

survivait à l’enrochement

la vase et les pièges de l’estuaire.


C’était les montagnes de roseaux

Un souffle coulant, désormais

dominant, qui ridait les eaux

du bassin versant saintongeais,

gagnait sa course contre le héron,

passait les canons de l’arsenal,

piquait au nord pour voir l’amont,

et caresser la nuque d’un drôle.


Il marche depuis ce matin,

et depuis Mauzé-sur-le-Mignon, orphelin.

Il marcherait encore : après la sieste,

dans le premier méandre, ce serait Rochefort.


Un bateau partirait pour le Sénégal,

loin de Mauzé, où sa mère est morte au lit,

loin de Rochefort, où son père est mort au bagne,

il embarquerait pour des terres vierges de mère qui pourrit dedans.


Alors avec plus rien de sang

pour lui circuler depuis les coudes

jusque dans le bout des phalanges,

immobile à cause des fourmis

qui vous forcent à secouer le bras

quand un sol bien trop dur vous ankylose la sieste,

il s’oblige à tout dormir le tout petit reste

de sommeil qu’il a dans le corps.


Dans les dunes, rien ne prouvait plus l'existence des caravaniers. Et encore, il doutait, de tout, des Maures et de Tombouctou.

Embourbé droit dans l'horizon, quand même il s’en retournait,

dans un autre trou de Saintonge,


il la retrouvait cette terre d’éponge, qui vous ankylose.



*Chez moi à Pont l’Abbé d’Arnoult, la petite école s’appelle René Caillé, du nom d’un gars de Saintonge qui quitta son village à pied quand il était petit pour aller prendre un bateau. Seize ans plus tard, il revenait vivant de Tombouctou, et il était le premier. Antioche, c'est le nom du pertuis entre les deux îles, c'était le chemin des croisades.



Jérôme Alix


                      CHOIX DE POEMES

                                                        



La vie sur terre est un exil forcé, et les anges déchus regrettent le venin du paradis-scorpion.




SCENE DU CRIME 

                                                                     

La scène du crime est une libellule                          

Et l'esprit du tueur est un diamant

                         

Les yeux scintillent

Le silence luit

Le soleil de midi brille comme la nuit.


                                                                                                                                                                            CHAMBRE X


       Mélodie nue aux yeux qui brillent

            Au milieu des beaux instruments

            Jouant leur partition brûlante


            Dans la chambre à musique

            De l'hôtel de la nuit


       Clavier délicat des caresses

            Batterie rythme des va-et-vient

            Basse fellation cordes profondes


            Dans la chambre érotique

            De l'hôtel de la nuit



       Guitares sodomies électriques

            Accords lascifs accords sauvages

            Mélodie nue aux cris aigus


            Dans la chambre à musique

            Dans la chambre érotique

            De l'hôtel de la nuit


            Dans la chambre interdite

            Dans la chambre sans murs

            De l'hôtel étoilé

            Comme le ciel.                      




ANALOGISMES



      Tendre chronophilie Anna Love et ivresse

      Le Soleil est un cri l'amour fou est musique

      Les amants éperdus se font mourir de joie

      Et leur crime horrifie les censeurs au cœur froid


      Ô Lucie mon délice de chair et de sang             

      Au visage divin et au corps voluptueux

      Comme un crime parfait


      La jeunesse à l'éclat fragile est un losange

      Les yeux de l'être aimé sont un profond silence

      Et le sperme élancé est un flot de lumière

      Eros Eden Fusion Eros Analogismes


      Les amants éperdus s'entretuent tendrement

      Et leur crime impuni est un outrage au Temps.

                                                                                                     



 BALLADE DE LUCIE


      J'aime les hommes-loups aux yeux caniculaires

      Et aux longs crocs d’hiver 

                  

      Les pulsions sont étranges

      Et le plaisir aussi

      Je marche dans la rue au milieu des désirs

      Dont l'éclat m'éblouit

      Les hommes sont étranges

      Et l'amour l'est aussi

      J'erre dans l'inconnu au milieu des énigmes

      Aux longs crocs de folie


      J'aime les hommes-loups aux yeux caniculaires

      Et aux ongles de fer

      Je marche sur la braise aux douceurs d'eau marine


      J'aime les hommes-loups au sperme de lumière

      Et nos baisers sont des murènes

      Je nage dans la mer où les noyés revivent.                                                          




Lundi 20 mars 2023



JAMET Sylvain


+


Une élégie (1)


Jour pour moitié 

fait d’ombre

pour moitié fait

de chants d’oiseaux


Et encore :

ombre pour moitié 

faite d’ombre

le reste partagé en 

lueurs diverses 

formes diverses


divers chemins débouchant 

sur du vide


trouée

entre deux hémisphères


+

Vent nord-nord-est


Nos corps parvinrent à dépasser la vingt-cinquième année 

la vingt-sixième

     vingt-sept, etc.


Une échelle tenue 

en plein vent


Dans le noir le bouquet des branches s’agite 

et fait trembler la lumière des fenêtres


puis les lumières s’éteignent 

l’arbre s’éteint et la nuit tremble 

et la maison et nous avec


+

Chute


Le paradis ? N’y croyez pas! 

Nous


avons été chassé de 

vivons loin 

mourons hors

           de ça


+

Départ



Nous fuirons

debout ou couchés

ou rivés à nos tables ou debout

devant la fenêtre

morts ou vivants devant la fenêtre

devant la nuit ouverte ou le jour clos

ou assis

couchés des nuits entières

nous fuirons

des heures entières

ou dormant

debout de dos ou de profil

ou nageant ou courant

fuyant hors de nos vies brûlées par un feu quelque part 

ou bien fuyant

hors de nos vies intactes


+

Incendie


Nous sommes

dans une maison

un palais. Sommes assis


ou debout dans les pièces du palais. La maison 

le palais n’en finissent pas de s’écrouler

Une année tombe dans l’autre


mais nous restons les mêmes



+

Une élégie (2)


Chants pour moitié 

faits de silence

et pour moitié d’appels


plus une part donnée d’autres sons


et pour revenir au jour une partie de lumière

et pour revenir aux sons une proportion de vent




lundi 13 mars 2023


Rachel Allaoui


Vanités


 

 

 

Nul ne viendra verser des pleurs

 

Cendrillon s’est déchaussée

ses tibias 

empilés parmi les tibias blonds 

des esseulées

si loin 

des jardins de Bagatelle

si loin des neiges innocentes

 

elle a laissé 

son bouquet virginal sur le velours 

défroissé des jours 

trop longs

Il n’y avait plus d’étals

et les noues étaient sans fonds


dans la gueule des fleurs 

les pétales glissent 

à l’arrêt


Il n’y aura plus de bals

adieu les chansons adieu les roses

son crâne est blond dans la maison

posée sur les étagères de la nuit

Et les airs sans bruit s’éloignent

presque aussi pâles que l’ennui 


 

 

 

 

 

Joueuses d’osselets  

 

Dans la chapelle les Ursulines 

agitent leur doigts blancs

 

dessous les voûtes sombres

elles montent les os

ivoires glanés dans les boites 

en bois 

doublées de velours rouge

 

Elles ont des mains 

plus diaphanes encore

que les squelettes venus de Rome

 


 

 

 

Bruissements

 

Sous la châsse en verre

repose le mystère

 

rêveur combattant

à qui l’on donne des poses 

vêtues d’or

 

Et les Capucines chuchotent quel nom

quelle histoire


 

 

Mystères

 

Les os ont traversé les Alpes

des catacombes à la neige

et de la neige aux secrètes églises

 

Montés à cheval les hommes armés

gardent les regards creux

tous consacrés aux mains polies

des sœurs de clôture


 

 

Inventaire 

 

Pantoufles velours gemmes

et sur la tête une gaze légère 

Sortis des nappes terreuses

pour dix-huit mois d‘un salaire moyen

Les os passent de l’ombre

à la lumière

pour s’habiller encore 

de vanités

 

Pantoufles velours gemmes

pardessus en étoffe de France 

et sur la tête une gaze légère 

robe virginale fleurdelysée

poses de statues

Gestes cousus au fil d’or 

et fémurs pris 

dans la dentelle

 

Prenez celui d’un chat celui d’un chien

s’il manque un os

suturez les articulations de ficelle

remplissez d’ouate et de paille

tous les saintes et les saints Allons

assemblons les reliques

 

Pantoufles velours gemmes

et sur la tête une gaze légère 

 

  

 

Alter ego

 

Ci-git un crâne jaune que mord l’azur de l’orbite

tout d’or installé

 

Et le corps dans la pénombre

enrobé de vertiges

descelle l’ombre des pèlerins qui le regardent

 

Les mains choisissent des phalanges

Quel nom donner

au saint qui s’échappe

de sous nos doigts - Ah

ce sera une sainte pour une fois

dans la soie lisse et damassée 

Geneviève – je commence

Venue de l’Est elle était belle

dans les soirs et les soirs priant

Issant d’un dragon

elle s’en alla vers Compostelle

les mains rouges de sang

Aux pieds des festons d’épines






David Spailier



À la symétrie de nulle part (extrait)



À  la symétrie de nulle 

part, j'ai un dictaphone en 

main Il y a des abeilles 

Fréquences sonores Des 

voisins-fantômes 

J'entends leurs pas

Et ta respiration lente, 

le souffle qui couve 

les secrets Masaï

J'ai un dictaphone en 

main Il est cassé

Le bouton PLAY est cassé

Le dictaphone tourne en boucle

Il y a celle-qui-tape-du-morse-avec-ses-

pieds-nus

Un voisin-fantôme

Je ne la comprends pas

Tu dors


 J'appuie

 sur le bouton

 PLAY


 Il est cassé


 PLAY


Play. Flash back ultra violent. Une lumière aveuglante. Un carrelage blanc. Défoncé. 

Tailladé. Fissuré. Traversé par des ramifications noires. Des veines sales de poussière. 

Artères gorgées d'eau, éclairées par la lumière épileptique d’un néon à la chair de 

plastique brûlée. Portes entrouvertes. Peinture écaillée. Blanche. Tachée d’insectes noir 

de suie rampant à même son épiderme sec. Il y a une ballerine au milieu. Elle s’appelle 

Avalynn. Elle fait des spectacles. Elle danse sur scène. Stop.


L'emprunte de mon index sur le bouton STOP


Mondes en gestations dans

ton ventre-nuit

J'avale ton souffle

Je suis ce fou, ce cercle

Tu es cette reine

Cette virgule au coin d'une bouche-offrande



PLAY


Play. Flash back. Avalynn passe les journées de bar en bar. D’appartement en 

appartement. De cabaret en cabaret. Elle joue une comédie connue à force de répétition. 

Il n’y a que le décors qui change. Les répliques sont identiques. Un film muet. Le son de 

son corps exhibé. Les yeux tirés. Creusés. Ravagés. Une haleine de charogne. Le rouge 

de ses lèvres sur un sourire absent. De la méta-amphétamine dans les veines et un flingue 

dans la poche gauche. Aujourd’hui ne ressemblera à aucune journée. Stop.


À la symétrie de nulle part, il y 

a un bourdonnement Fréquences sonore

Le tambour de Dieu

Et ton fantôme sur surface striée du 

dictaphone

Tu dors sur l'anneau de Saturne 

J'ai ta respiration en main


Je t'écoute

J'écoute les drônes de

vidéosurveillance

Le tambour-au-plafond-poussière-blanc

Le bruit

Le bourdonement

Les abeilles

Le réel qui cogne

Le son de ta respiration

Mondes en gestation sur

bande magnétique

Je suis nous

Deux sang un seul esprit


 PLAY


Tout se passe dans un pays crucifié par un 

génocide. Et ce soir Avalynn va faire une 

putain de connerie. Une stripteaseuse 

habillée en ballerine. Un 9mm dans les mains 

et du plastique scotché au torce. Un jour de 

plus sur terre. Stop.


J'appuie sur

le  bouton

STOP


Nous sommes donc je suis le

cercle Nous sommes donc tu es

la virgule Respiration

 De    la

 langue    Et

 du feu


À la symérie de nulle part, j'écoute ton silence

L'apocalypse n'a pas eu lieu cette nuit

Le jour se lève

Tes lèvres ont le goût

du désir

Tu me demande ce que

j'écoutais

Je te réponds que j'essayais

de ne pas t'oublier

Je pose le dictaphone

Tu me demandes ce que

j'écoutais vraiment Je te

parle du bruit de

celle-qui-tape-du-morse-

avec-ses-pieds-nus

Le message caché

Celui de la Structure

Des drônes

Des abeilles

De la surveillance


Tu me demande ce que 

j’écoutais vraiment

Je te parle du silence

De ton absence, celle

des fantômes, du tiens,

Avalynn

Je te parle du dictaphone cassé

De ton passé

Stocké

Sur une machine cassée

Tu me regarde

Je te parle du réel

qui bourdonne dans

mes oreilles

Tu me dis être là

devant moi

Je te dis que tu n'existe pas

Je te dis que tu es un souvenir

enregistré

stocké


Je te dis que le dictaphone est

cassé

Je te dis que le bouton PLAY est

cassé

Je te dis que la bande-

magnétique

est cassée

Le monde est

cassé

Je te dis que ma tête est

cassée

Le présent est

enregistré,

stocké

dans une machine

cassée


Je te parle

Tu me demande

Je te réponds

Tu me sourie

Je t'embrasse

Tu n'existe pas

Saturne n'est pas loin


À  la symétrie de nulle part, 

j'écoute ton passé.

Tu me demande d'arrêter le 

dictaphone

Je te dis qu'il est 

cassé

Tu me demande de te 

regarder

Je regarde le dictaphone 

Tu te penches vers moi Je 

te parle

des bruits, 

des sons,

de l'insurection dans 

le pays

La structure s'est réveillée Le 

monstre avale

les courbes Recrache 

des angles Les abeille 

tournent, surveillent

Le pays est en 

alerte 5



●  ●●150mg 

■10mg

• 5mg


Tu me demande de boire de

l’eau


J'avale le Silicium en fine

pellicule enrobée


SilenceSilen

ceSilenceSil

enceSilence


 À   la 

symétrie  de 

nulle part, je 

plonge dans 

une paix 

oubliée,


À la symétrie 

de nulle part, 

à la symétrie

de nulle part, 

j'ai un gout 

blanc clinique 

en bouche, à la 

symétrie de 

nulle part, à 

la symétrie

de nulle part, 

à la symétrie de 

nulle part 

j'oublie les 

lentilles 

objectifs 

caméras de 

surveillance,

 à    la 

symétrie de 

nulle part, à la 

symétrie

denulle

part je plonge 

dans le son 

de celle-qui-tape-du-

morse-avec -

ses-pieds-

nus je 

comprends la structure

et le sommeil

d'une machine cassée






Vendredi 10 mars 2023



Ixa Solfia


LE CORPS COMME UNE MAIN 


je bois le vin

 de notre amour

j’entonne

l’espace

et le silence

SauVage

j’invente

des teintes

nouvelles

à la vie

sans limites

je ramifie

la femme

en feuilles

bouleversantes

mon corps

né de la main

du monde

exprimé

par le trait

des dieux

indomptables

et l’ombre

réchauffe

ma clarté

je suis une forme

en robe d’arbre

une fleur

aux épines d’air

un réel

aux contours

flous

j’imite la réalité

elle me tronc

et je la perce-neige

je jouis

d’inventer

des couleurs

qui n’existent pas

palpe

le vide

et le réveil des peintures

des mots dans mes jardins

des jardins dans mes mots

grisaille troublée

par les jouissances

Libres

des chants de blé

le corps comme une main

de poète




***


Le vent a soufflé sur les branches des forêts

Sa force a soulevé l'horizon et nos vêtements

Nous sommes nus blanchis par le ressac de la lune 

Nos langages découverts et le poème aux corps étendu sur nos vers 

Là dans les derniers instants obliques de l'abstraction 

Nous marchons sur le sublime

Écho délicieux de nos formes d'oiseaux

Nos grammaires sonnent dans ce vent qui résonne

Je te reconnais 

Dans le néant exprimé du trouble du monde 

Pas l'ombre d'une interruption à la fin de la strophe

Ta voix est bien la mienne



***


LA NUIT EN CORPS


La nuit m'est amie 

La nuit me pénètre

Son parfum obscur

Sa masse froide et humide --- 

La nuit m'est mère

M'est femme 

M'est sœur

Je me couche

A la surface de sa douceur

Cyclique & Autre ---

Je tremble en ses lieux 

Jusqu'au bout 

J'y vais tard 

Je cascade ses étoiles 

J'y dévore sa lune 

Et dans le creux du noir 

De son fard si clair 

Je montagne ses rêves 

Me désaltère des brumes.





Audrey Gilles


Trois poèmes pour La Page blanche



  Explo – sion – ration


 les fonds oranges vifs et noirs

dans un coin

née pour être sauvage

il y avait des accents italiens

il y avait

            hey baby

pas de jeux de mots

il faut

            hey baby

il faut

entendre les voix basses décrypter

les murs

 tu as entendu

 parler de la bonne humeur

la bonne humeur c’est

les rires au comptoir et toi

qui paies tout

les bises sans lunettes qui s’entrechoquent

            c’est

la Torpille frappadingue triple hot au bal de Tatanka

– qu’est-ce que j’ai l’air jeune –

            c’est

le reflet sur les verres de quand

 j’avais vingt ans

 Dédé il est là

Dédé il est toujours là sinon

y a quelque chose qui manque

sa casquette de marin peut-être

et son nez aquilin de gars

qui aurait trop pris de coups

une autre bière encore

un autre coup quand

il fait chaud l’été ça cogne

la nuit est rousse dehors

les murs déteignent sur la rue

on est protégé de rien

ça tombe bien             encore un coup

le piquant sur la langue les lèvres

 le souvenir soudain de sa cuisse

pourquoi tu m’as laissé faire

et sur la sienne depuis combien de temps

ma main n’a plus senti le muscle

sur ta cuisse

à toi

pourquoi la colère a remplacé la tendresse

et le désir

pourquoi ne partages-tu plus mon lit

 tous les anniversaires joyeux sont recouverts par l’harmonica

 y avait un type un beau gars qui jouait ce blues

ce blues mélancolique

et j’attendais que la chanson me révèle quelque chose

puis il est parti

plus rien

plus rien entendu

et seule à la croisée des chemins dans cette ville-là

 tchao ma puce

 et le silence si le silence ici peut être mais le silence

quand même éphémère          taillé fille

terminé bonne soirée

que voulez-vous

je pense à vous

ça nous rend fous

 c’est possible qu’un lieu n’ait

comme seules odeurs

celles de ceux

qui le traversent

malgré ses murs vifs et noirs

ma jeunesse est partie mais    reste

dans le regard des inconnus

 quand j’avais douze ans j’avais l’habitude

 de danser tu te souviens

il faisait si chaud dans cette rue

près de l’université

ton oncle avait refait l’église et tes cheveux

étaient ceux du chanteur sur la pochette du 33 tours

à douze ans je dansais

 tu es libre tu es libre mon amour

 on se dit quoi qu’on s’aime et qu’on se quitte

on se dit quoi

l’urgence de maintenant

comme tu peux le voir

il n’y a personne autour

je n’ai jamais rencontré une fille comme toi avant



Rhône


 Ça se lève.

 Je fais lever le brouillard

Vol d’étourneaux muets mouettes

Silhouettes silhouettes comme

Des bâtonnets sans visage sans

Vie révélée sans voix distincte

On peut aussi remonter

Jusqu’au cimetière puis prendre

Le petit chemin

A mes pieds

Comme une veille de Noël

Ensoleillée

L’eau du Rhône jamais assez bue

Je voudrais te dire la joie

Te dire allons-y

Les enfants Noël encore les

Rires sous les draps

Et rien ne sort

Prends soin de toi

Je ne veux plus qu’on me dise

Prends soin de toi

Je suis infirme je n’ai rien

 Des seringues flottent sous le pont.



Un moment dans la nuit


 il y a un moment dans la nuit

où rien ne nous ne sauvera de

la solitude

ni la main aimée endormie

sur le sein

ni le souffle régulier

ni le je t’aime murmuré et

emporté par le sommeil

 il y a un moment dans la nuit

– et il faut l’éviter si l’on ne veut pas

succomber aux vieilles cloches

aux refrains anciens

aux tambours passé

aux ombres

aux cris qui se meuvent –

où la peine est plus aiguë

où elle se rappelle à nous

où on ne peut plus l’esquiver

il a dit

            tu parles beaucoup

                                   souvent

                                   trop

il a dit

            c’est une trahison

il a dit

            un an un an un an

il a dit

            c’est une constatation pas

            un reproche

il a dit

moi j’entends

            ne parle pas

            ne parle pas trop                     ne parle plus

            tais-toi

et moi j’entends

            tu ne peux rien dire

            comme

            tu ne peux rien écrire

à qui parler

muette mouette

gorge nouée serrée tranchée

langue arrachée ligotée lourde

si à lui

si même à lui

plus rien ni personne

 il y a un moment

dans la nuit où tu es seule

au plus près de la solitude

ton être changeant

l’heure d’avant bouche ouverte

sur les carreaux trempés

désormais ventre tordu yeux

grand ouverts fixes

dans le noir du lit

sur la voie lactée

dans les herbes sombres

et tu te dis

            ne plus dire

            ne plus parler

            avale

            avale               langue couleuvre vie

            avale

            mens oublie défais oblitère

et tu dis

            j’arrive pas à dormir

            y a rien

            sans doute

            jamais rien

            toujours bien

            ça va

sourire tord-boyau vomi

            éclaté écarlate lèvre tremblée

 il y a un moment dans

la nuit

où le seul secours c’est

s’enfoncer dans les arbres

inconnus

frissonner sous un tee-shirt

emprunté

cul sur le sol

un peu froid un peu frais

 il y a un moment dans la nuit

où il vaut mieux

ne pas te réveiller

dors

dors mon amour

ne te réveille pas

ne me demande pas ce

qu’il se passe

je ne dirai rien

            que tu ne sais déjà

ou devine

 il y a un moment dans la nuit

où tu ne me reconnaîtrais pas

où je ne me reconnaîtrais plus

où mon visage est de lumière absente

de fatigue et de ronces

ma voix de roc

froide froide comme tous

les fantômes de notre lit

où mon regard n’existe plus

            biffé

 il y a un moment dans la nuit

où je n’existe plus

où je ne suis que le souffle

long profond qui soulève

ma poitrine

appel

signe qui dit

            viens

et

            ne viens pas

 il y a un moment

dans la nuit

où mon reflet n’existe plus

un moment dans la nuit

où le temps s’arrête

et où j’ai peur de me

rencontrer












Mercredi 8 mars 2023




Louis de Ducla, 5 poèmes



curiosité est un divin credo


j’ai été curieux d’une idée d’une peau d’un mot.

à la rédaction de La Page Blanche

! faim soif goût

à volée j’attrape de bouche-touche-main à corps-prend-l’or

alors mon rire dévale et je traîne là le les yeux qui font me voir en questions !

.bonjour

toi, je suis curieux de toi

? qu’est-ce que ça dit moi curieux de toi, où vas-tu Curieux ?

toi tu transformes mes sens,

! alors je tu on, plongeon. plongeon vers

Sentir toi moi on par ces questions

je flaire aux tripes et pour la le les ! je n’ai d’yeux que ce curieux

.je ne veux voir que curieux que directions

.curiosité est un divin credo.




mèche en bouche


accroche-cœur au bord d’un Everest, ! précipice

ta langue mâchouille des cheveux

une vallée de mots descend mes oreilles, la niak des voix en échos

c’est toi qui me parles.

. j’écoute

. j’observe . je savoure

tout à tout gesticule,

! alors ta bouche gamahuche encore cette mèche, voilà le festin au somment de mes yeux

mes oreilles,

précipice !

, j’observe

, j’écoute

, je savoure,

mèche en bouche sur ces montagnes de lèvres.




hôtel d’Alsace



dans cet hôtel froid et nu

aux murs d’un bleu

pâle turquoise avec vue sur la gare, l’eau y est froide

et la gare fait son bruit

à l’est, d’Alsace, l’hôtel

c’est notre prise de lune,

où l’ivresse et l’amour nous dénude.

les 3 places en 2 lits donnent à la nuit

des formes à nos cris

! une chaleur un espace l’appétit.

on s’endort et réveil, toi, tu train, il est l’heure, le matin,

je m’endors et merveille, je t’aime.



le dernier neutre


il faut qu’on en parle ensemble qu’on discute.

! on le dernier neutre ! c’est toi moi et

... un peu plus.

vainqueur conquérante,

on femme homme animal arbre ! on, vivant.

on le dernier nous.

.alors ensemble on parle discute

tisse

construit

! virus,

l’idée grossit quand elle circule.

l’idée c’est on. toi moi et

... le roi des sons.



c’est con une rue


tu as vu ce qui nous séparait maintenant, une rue.

! c'est con une rue

... c'est grand une rue.

? une rue c'est deux fenêtres des voitures des gens des paysages parfois.

! et aujourd’hui ça bouge circule la rue

ça s’apaise pas,

! passe passe ça bouge, puis ça disparaît.

alors on cherche la rue on trouve ! la rue ça regarde.

ça regarde quoi tu fais

? quoi t’es qui

? quoi tu veux ? toi ça va

la rue tu la regardais et tu m’as levé une main , puis j’ai traversé.



Jade Labbé


Danse sur mes pas


Danse, danse, danse sur mes pas. 

Danse, danse, danse à travers mes draps. 

Danse, danse, danse et secoue mes bas.


Danse sur le mont de mes douleurs, sur le haut de la famine, sur le saut de mes désolations. 

Voltige toi. Éclate toi. Réjouis-toi.

Mes peines sont mes pierres. Mes précieuses pierres!

Mes fardeaux sont mes ressources.

Oui!

Demi vérité ou vérité à demi-mot.

Je l’ai compris. Sisyphe l’avait compris sur le chemin.

Moi, je l’ai compris, ce truisme de l’être.

Régale toi. Dandine toi. Danse sur mes pas.

Quand le soleil viendra, il arrachera tes allures, tes ardeurs et il frayera son chemin. 

Et ce sera mon chemin.

It’s will my way.

My route

Ainsi tes traces se déblayent.



Danse, danse, go on dancing.

Danse sur la piste de ma vie, de mes douleurs. 

Régale toi de tes danses.

Danses de fou. Danse azimuts. Danse de nuages. 

Danse!

Le soleil viendra frayer son chemin.

Danse! Danse! Go on dancing!




Flamme émoussant



Sous les rayons d’une pause méridienne. L’absence de soleil ne fait plus Reine. 

L’ombre d’un silence accouche la flamme d’une fièvre dormante.

Elle pousse un cri. Aigu et assourdissant.

Qui embrouille la paix infernale avec une sonorité inouïe. Hystérique?

L’ombre d’une parole étouffée surgit, remonte à la surface de vie. 

Le silence trouvant du fond des abysses la trace des tubes.

Un passage se fraie, et les fils se rejoignent. Bout par petit bout. 

Ils se nouent, renouent jusqu’aux traces de l’oxygène.

Le silence respirant trouve enfin la flamme émoussante de son image fastueuse

à travers les filtres d’un miroir égaré.

Silence et ombre se sont reconnus d’un regard profond, se sont embrassés d’une étreinte 

vibrante.

L’être s’éprouve à travers son ombre, et le réveil se précipite vers un éveil enflammant.

De cet état d’éveil est née la rencontre d’un séisme parlant.

Qui parle d’une langue inconnue, volcanique, assurée, assumée et fière.

Une langue de sensations et de légèretés inédites se met soudain debout. Et s’élève de quelques mètres de haut.

La francheté -Franc-chier-taie- se parle et une migraine rageuse, chieuse et sauveuse cède le pas à un éboulement corporel.

Ce n’est plus un corps ici, une parole par là. C’est un corps qui parle. C’est une parole qui s’éprouve.

Orphelins de même père, de même mère. Ombre et silence se retrouvent sur le chemin d’une longue quête.

Ils se sont reconnus chacun dans un reflet de flamme moussante commun qui fraie un passage sous les tunnels d’un clair-obscur.





La lumière s’éprouve


Pieds et Poings liés

Rêve et réalité se dés-obscurcissent


Tête et cœur s’allient 

Âme et esprit se dés-enclavent


Yeux et chemin s’harmonisent 

Destin et hasard se des-obstinent


Doigts et droit se font complice 

Maux et mots se réconcilient



Le soleil fraye son chemin, les brumes se dispersent à la vélocité d’un youpi. La grêle se désamorce en petites graines toutes fines abandonnant ses rafales d’émois. L’air devient sec, le froid se métamorphose en éclair.

Voilà l’ombre n’est plus maître, et la lumière s’éprouve.




Samedi 4 mars 2023



Noémie Allard


 

Vive les métaphores

Ma vie en oxymore.

Vivre des états forts 

Devenir trompe-la-mort.



JeRaconteDesHistoires


 Les insomnies sont le produit des émotions

Que l'on consomme et que l'on nie :

Plus on essaye de s'en soustraire,

Plus elles s'ajoutent dans la nuit.


JeRaconteDesHistoires


  Tel un serpent je mue, 

Je me tords de douleurs 

Dans un mutisme ému

Au milieu de lambeaux sans couleurs

Me fraye un chemin méconnu

Vers de plus vertes lueurs

Loin des pommes mordues

Et des perfides persifleurs.


JeRaconteDesHistoires




26 Février 2023




Leîla Tov


Prière marine


Dis-moi, ô vaste beauté bleue !

Au corps infini enfoui sous les cieux,

Peut-être que de l'autre côté de l'horizon

Tu vois celui qui fait battre mon cœur, avec passion.


Son vaisseau blanc glisse sur ton flanc

Lui, heureux, libre, et frère du vent.

Protège-le de ton ire,

Lui tout entier me fait vivre.

Bénis-le, je te le confie.

De tes vagues, embrasse-le.

Comme j'ai envie de l'embrasser.

Il est ce que j'ai de plus précieux

Un diamant brut à la teinte basanée 

Hélas, que je n'ai pas su faire briller.


Bouscule la rose des vents,

Va dire à ton armée de goélands, 

Car lui ne m'entend plus,

Que quelque part, vers l'Ouest, à Fécamp 

Une femme blême à la peau dorée,

Aux lèvres sèches, salées,

Et cheveux ébouriffés l'attend.

Et qu'elle n'aime que lui, éperdument.


Vénus de sel



Occupe mon corps,

Gravis ses monts cachés

Et ses collines inexplorées,

Ce nouveau Sodome et Gomorrhe.

Aux pêchers intenses, toi seul l’honores. 


Je ne promets aucune résistance

Sur cet autel de plaisir,

Où les rivières de miel coulent en élixir, 

Je fais sacrifice de bienséance,

T’offre mille orgasmes,

Mille jouissances et phantasmes,

Abreuve-moi de ta Mer Morte fertile, 

Fais de moi une Vénus de sel servile !

Cambrée ou allongée, je serai ta soumise.

Délecte-toi de moi à ta guise. 

Mais par pitié, aime-moi.

Comme je t’aime sans foi ni loi. 




23 février 2023


Évelyne Charasse



Découpages

Et gribouillages

Mais

Où sont tous

Les nuages ? 

_


Des merles

Courent

Sur le toit

En riant

Voleurs

De bleu 

_


Dans

Les eaux sombres

Du miroir

Sommeille

Ton enfance

Tu lui souris 

_


20 février 2023


romain frezzato


de parmi les barbares


et le décompte


des jours sur le calendrier mural. Le formica qui se disloque...Le ravalement de la façade et la déliquescence de la balancelle au bord de la terrasse…


Tu m’as donné ce droit d’accès : le nez les yeux l’iris la bouche ; même le dessin de tes sourcils, tu m’as offert : de témoigner de mon vivant de la réalité de ça : tes mâchoires tes dents ; jusqu’au détail des pommettes, jusqu’au rose des pigments – longueur des cils : ok ; l’arrondi de ça le vertigineux : auquel tu m’obliges, pupilles canines oreilles :


ok, la courbe des joues l’arc des paupières la déclivité générale de cette tête : d’accord ; d’accord aussi : la langue les lobes ; d’accord le front d’accord : la symétrie profil droit profil gauche et quand tu joins tout ça par la couture du nez : d’accord ; d’accord : le cou le menton les commissures les pores ; d’accord : tes lèvres qui s’écartent au passage de l’air de l’eau de moi ; d’accord : les veines sur tes tempes,


le sang derrière la boîte et tes pensées qui font : comme des vagues sous la peau ; l’hystérisation de tes clavicules, l’escalade sur ta colonne des paroles sans poignets, ok d’accord tes aréoles puis le bûcher ta poitrine, de ton pubis les poils qui te remontent jusqu’au nom du nombril, la brioche de ta panse (sertie, ta vulve en pente douce qui s’équilibre : dans l’idée de happer et le désir de bruire) ! Tu m’as donné accès à ça – aussi durable que l’évocation que j’en fais, aussi long que les mots : OK.



Quand je serai habitué : à la façon dont tes chevilles relient tes jambes à tes pieds ; quand j’aurai : perdu la coutume de ta danse sous la douche et de tes orteils qui me coupent la respiration, quand ça n’aura plus de mystère tes narines ta langue tes oreilles percées, tes ongles, gobés, tes bleus, le sang : au pourtour de ta vulve ;


quand les énigmes des morves ne seront plus mouchées et les pointes émoussées de tes poils, quand ne seront plus ravalées les salives du c’était quoi ÇA–?–çavenaitd’oùça–?– c’étaitsibien–?–etquandjemetrompais

sur ta personne, le nom de l’être qui dégouline à mesure que tu frappes


ton sexe, le périnée enduit d’un flux d’aucun homme craché, mes jambes écartées pour que passe du bas-texte le latex compact, mais bien évidemment il y a tes sphincters, et la surprise toujours intacte du chapeau prestigieux ;


quand j’aurai désappris les protocoles de rapprochement, la versatilité des indices corporels, quand il ne restera que les notifications d’une bouche ouverte au dis-moi quoi, alors seulement commencera l’amour et avec lui : les précipitations, l’intégrité de ta personne. Dessous : la paupière haute. Dessus : la paupière basse.


ma tête comme un tampon absorbe tes nutriments, ma race enfoncée joue de la flûte dans tes gamètes et tu acceptes que je macère dans ta matrice, mes dégénérescences tu ris de les voir fructifier. Je soutiens que mes rides participent de ton portrait. J’avance que mes amas singent ton ossature. Et tu te reconnais dans l’émancipation de mes particules. Tu glousses quand je m’englue. Dans le délabrement. Tu ris, tu sais que je me disperse dans la joie.






18 février 2023


Charles Louis


----

Assez rêvé, 

la nuit est bien réelle

Assez couru 

C'est le temps du repos

Assez tenté 

L'échec est douloureux

La chute blessante 

La relève fragile

Assez punie, assez, assez

Rien ne restera intact 

Après ce passage

D'ombres

----

Honte

Fille de malheur, 

voleuse, 

Larronne,

Vicieuse 

Vagabonde 

Fille de rien

Catin 

Putain

Se dévergonde

Fille de joie

Débauchée

Gourgandine

ribaude

Fille perdue 

Grosse 

enceinte, 

expectante,

Féconde 

fille mère,

Infanticide

avorteuse

Meurtrière 

Mauvaise fille

Fille maudite

Honte

----

Dans tous les coins de mon cachot

Je trouve des bouts de moi

L'œil au judas

Le pied dans la lucarne

Le cœur au bord de l'âme 

L'esprit au plafond 

Et ma carcasse sur la paillasse

Je leur hurle de revenir à mon corps

Lorsque les gaffes arrivent 

Elles me rassemblent en camisole

Pour mon bien, 

pour mon bien


C.L.


17 février 2023


Arnaud Rivière Kéraval


DÉPART


 Espace fugue les délaissés de la terre

dans le froid les flaques de la cité 

aux frontières verticales

paradent sous le rose des pavés 

là où les feuilles le désert 

par-delà les vitres 

cultivent la déveine

force l’envie brutalise les départs

avec en bandoulière 

le sacrifice de l’ankylose 

remettre à demain le passé

Au loin au loin d’autres frontières 

se dévoilent comme l’orage au  premier bas-fond 

mais nous les occultons 

portant l’orgueil des ventres sourds

nous partirons quand même 

allègre imaginaire 

enfreindre leur désespoir


A.R.K.






16 février 2023


Bruno Giffard



Quelques hommes détachent leurs mots qui s’enroulent avec les bouffées de cigarette sur une courte distance avant de succomber à l’infini – éclosion du seuil.



Le serment rose du talon des femmes sarcle une certitude finie d’asphalte. 




Jours pareils à du bois mort jeté dans la gueule du poêle



La bouche dégage ses rêves

jets filandreux sur la page


Je lance

l’étoffe noire

des mots


rien qu’une présence

qui n’ose partir

de peur que le reste

s’écroule :

les poutres

avec le dialogue



notre bouche médite

ce goût d’impuissance

sur des tronçons

de parole



un appel à l’aide

signerait

le départ du souffle






Tu te mêles à l’encre courante

 par irréfragable espoir

de courir enfin

la veine du paysage






tes seins

prennent des airs de fleurs

dans le désert


sur un fil idyllique

de cerf-volant

mon immensité claque


à la dérive de toi

mémoire affabulée

je me rafistole


Je m’accoude

l’horizon fixe aujourd’hui

juste au bord du vide

mes pensées


Compter les étoiles

endormir la mort


Le miroir regarde

mon inquiétude au teint impersonnel






Souvent au milieu d’un terrain vague

debout, l’air de rien

cherchant à toucher au ciel    

la forme du nuage


J’apprends encore à lire le recul, alors que s’arme mon hurlement. 

Défense hystérique de peindre le paysage des doigts, 

par la pulpe s’y enfoncer.






Magnifique désolation – cette grisaille larmoyante d’automne. La subsistance du vert tourne au brouillard. Des variations crépusculaires s’inoculent sous une plaque d’espace. Les branches nagent à travers charges d’air, et leurs feuillages frissonnent jusque derrière ton front.



La tête repose dans une maladie qui rend invisible le lit des idées. Une ville enserre avec un savoir psychiatrique l’horizon au fond duquel elle se dépose. Constante patience de mire précipitée.

Reste aux yeux à divaguer une mer d’espace – avec des fleurs lumineuses qui passent devant un amphithéâtre de cendres figées. Ouvertures en variations grimaçantes.

Au bord du monde la silhouette des songes tremble, à faire le guet – un carré de trottoir tient lieu d’île. Noués au ventre par des départements de froideur, mes poings dans leur quiétude colérique tracent un embryon de prière. Je pense alors à tes lèvres – ailes sur les degrés thoraciques.



Tes yeux par le détail me déraillent le cœur.

Mais à ton visage, l’immunité du rayonnement.

La qualité douloureuse du plaisir m’arrête devant des valeurs d’avant le fer. Alors que ma foudre fouille tes lamentations, touche par les entrailles au nid électrique des assises rocheuses.


B.G.




Textes extraits d’un recueil de poésie amoureuse à quatre mains 

Aline Angoustures et Philippe Moron.




Fleur



1991


Leitmotiv, ma fleur d’éphémère, effarante, affolante douceur, dédale de chair parfumée, demi-ombre dans les lampes, réceptacle des corps traversés par des phrases que défont mes transports immobiles.


Leitmotiv, ma douleur dans laquelle ton visage attentionné puise sa limpidité, désir de cette fleur à tes côtés, affolante, effarante, éphémère douceur de l’éclosion incessamment renouvelée de celle que tu effleures.



2022


Leitmotiv, ma fleur de chair effarante, nécrophage, fleur de phrases perdues dans un dédale de silence, lèvres suppliantes de la douceur de tes mains et de ton visage améthyste, au parfum de nos sexes emmêlés.


Leitmotiv, ma fleur affolante de chair immobile, paroles et désirs assourdis, éphémère douleur de l’absence, attente de l’éclosion de l’obscurité dans ta demi- tombe où tu m’effleures toujours.




Souffle


1991


Je me suis laissée dériver sur ton souffle – tu exhales l’odeur des fleurs qui s’épanouissent – ton souffle retenu fait vibrer mon ventre.


J’ai déambulé dans ton attente infinie, me suis apaisée dans ton immobilité – tu te recueillais, rêveur, dans ces fossiles, pelotonné au cœur d’intimes spirales, enroulement toujours ouvert sur toi- même, conque immobile qui palpite et vibre, patience inconcevable, attente bord à bord.


2022


Je déambule dans le souvenir de mon attente intime, apaisée par la chaleur de ton regard posé sur ma joue – tu recueillais dans ma voix les fossiles tapis au cœur d’infinies spirales, l’enroulement ouvert pour toi de ma chair, la conque patiente, désireuse de l’inconcevable baiser.


Je laisse pénétrer en moi ton souffle léger, légère comme une respiration retenue ; les rues exhalent une odeur de fleurs flétries.



Citadelle


1991


Citadelle de mots, fusion de langages, tu tournes sans cesse en toi-même les phrases douces qui bercent l’enfant immobile.


Elles l’entourent, le protègent et l’encerclent, elles déroulent avec elles le silence qu’elles remplacent autour de l’enfant, de la femme.


Tes mots ont entrouverts mes bras et mes lèvres, je me suis enivrée d’une phrase sans fin, jour après jour, louange et blessure, déferlante infinie.


Les noms que tu essaies à nos désirs muets engendrent sous ton regard cette femme qu’ils désarment et pénètrent.


2022


Je suis la citadelle dont tu souffles les échos dans la fusion des temps, hier et aujourd’hui de nouveau réunis, aussitôt séparés.


Tu tournes en nous les phrases charnelles que j’enroule autour de mes lèvres, pour te protéger de la mort et m’encercler avec lui.

 

Tes paroles réveillent chaque jour la blessure que nous tenons secrète, il nous écoute gémir et nous enivrer de notre gémellité fausse.   

  

Nous devenons une femme sous son regard et ses mains, toi l’enfant douce du silence et moi la femme attentive à la berceuse oubliée.




Affamée


1991


Je m’affame de nos silences, fausses jouissances où se perdent les mots.


L’absence hante les progrès du désir, mon ventre se creuse d’un nouveau murmure.


Puissance affamée, œuvre à la levée des mots dans notre gorge, érection douce de ton attente.


Ton sexe est attentif aux fleurs qu’il honore.


2022


Le ventre se creuse de solitude.


J’ai déployé autour de ma poitrine une nuit fulgurante, où je ne vois plus ta bouche.


Jouissance, jouissance, douce érection de l’attente au cœur des paroles nues restées dans ma gorge.


Je me suis affamée de notre silence.



Fleuve


1991


Efflorescence pourpre, brusque résurgence de l’idéale caresse


Retour de joies anciennes, ferveur rendue à l’océan de chairs


Fleuve détourné sans relâche, aux matins inaccessibles


Corps mariés sous le sable, sexes résignés à jouir violemment.    


2022


Attente résignée, chaque soir, après le matin ténu    


Impatience d'un partage des peaux, au cœur du bocage cerné de futaies hautes 


Violence silencieuse d'une volupté, dispersée sur les eaux indifférentes


Langueur au seuil du ravissement, vain espoir d'une floraison tardive.



Jérôme Alix



Superstitions



Une Terre plate

Un Soleil carré

            Une licorne volante

            Un champignon reptile

            Une élite politique

            Une société libre.




LOUVE DU DESERT


Je suis la louve solitaire                     

Je suis la louve du désert

Errant sur le sable ou la neige

                                               

Des yeux inquiets me regardent passer

Un mouvement vif                 

Un coup de mâchoire

            Un jet de sang au milieu de nulle part                       

Mes seuls amis

Les hommes-loups aux crocs de foudre

Je les rejoins parfois Orage de volupté

Puis je repars chasser

L'âme apaisée l'œil aux aguets


Etrange comme la mort

Je suis la louve d'or

Seule comme le silence

           Au milieu du tonnerre

Errant sur le sable ou la neige

Je suis la louve du désert

Etrange comme un poème

           Sur un mur de prison.



NOUVEAU MONDE


Au royaume de la pluie sèche                       

Filles et garçons jouent au croque-mort                                            

Et enterrent leurs futurs enfants                                            

Qui ne naîtront jamais


Au royaume de la mort lente

Une jeune mère décapitée

Donne le sein

            A sa propre tête. 





LOVERS


Dans la rue deux amants

Beaux comme un oxymore

Comme une étrange image

Dans un poème de la vie


Il est son antipode

Elle est son antithèse

Deux amants beaux comme une énigme

Dans le thriller sanglant des villes.

 


















13 février 2023



Poèmes de Maria Borio traduits de l’italien par Lorenzo Foltran



I

Il peso si sente come i capelli sulle spalle

i pori che si stringono per non far passare l’acqua


 l’attrito sempre quando capita una coincidenza.


 Ma dicono che oggi il peso del tempo è irreale

assomiglia all’aria spostata dagli insetti


 che si nutrono di sangue e muoiono a volte

sotto il palmo della mano.


 II

La coscienza si stacca, sopra di noi è uno specchio

ci vede punti che galleggiano in una piscina


 vede la pelle sporca del sangue di tanti compresso in una macchia –

i mobili flessi sono dita vegetali, il circuito elettrico sciolto


un pensiero di sottomissione, il pensiero puro di ridarsi al tempo.


 III

Scompariamo nell’acqua. Le nostre case sono acqua

nascondono sul palmo la condensa di molti


 l’idea che osservandola ci trasformiamo

in molti schiacciati in una macchia.


 IV

Poi, per vedersi, la coscienza ha strappato un cavo

lo spezza coi denti, si scheggia le dita con il filo elettrico


 sente la macchia di sangue aperta –

ha immerso il filo nell’acqua…


 V

La coscienza separata dal corpo ha sentito il tempo pulirsi

nella casa come in una vasca una luce di fondale

mobili flessi sono dita vegetali, il circuito elettrico sciolto

una polvere, una prospettiva, un filo incandescente


 il tempo che è coincidenza, la storia di tutti e uno

trasparente fuori dal baricentro nell’acqua


 senza peso, vive e vede



I     

On ressent le poids comme des cheveux sur les épaules

les pores qui se resserrent pour ne pas laisser passer l’eau


 le frottement toujours lorsqu'une coïncidence se produit.


 Mais ils disent qu'aujourd'hui le poids du temps est irréel

il ressemble à l'air siphonné par les insectes


 qui se nourrissent de sang et parfois meurent

sous la paume de la main.


 II

La conscience se détache, au-dessus de nous un miroir nous voit, traces, flotter dans une piscine


 Il voit la peau sale du sang de tant de monde compressé dans une tache -

les meubles fléchis sont doigts végétaux, le circuit électrique dissous

une pensée de soumission, la pure pensée de se redonner au temps.


 III

Nous disparaissons dans l'eau. Nos maisons sont de l'eau

elles cachent sur la paume le condensat des personnes  


l'idée qu'en l'observant nous nous transformons

écrasés avec les autres dans une tache.


  IV

Puis, pour se voir, la conscience a déchiré un câble

elle le brise avec ses dents, les doigts ébréchés par le fil électrique


 elle ressent la tache de sang ouverte -

elle a trempé le fil dans l'eau...


 V

La conscience séparée du corps a ressenti le temps se nettoyer

dans la maison comme dans une baignoire une lumière de fond

les meubles fléchis sont doigts végétaux, le circuit électrique dissous

une poussière, une perspective, un fil incandescent


 le temps qui est coïncidence, l'histoire de tous et d'une personne

transparent hors du barycentre dans l'eau


 sans poids, il vit et voit





         È quasi pronto, sta per passare

la vita nell’aumento

della proprietà con un distacco, una ricompensa

fedele a sé, solo il giglio viola nel prato

non vale perché dura un giorno.

Potrebbero vederlo dalle finestre di notte,

se volesse potrebbe

consumarlo, raffilarlo la gente

come la punta di una matita.

Questo essere soli è essere di tutti,

il corpo ha odore, la proprietà ha odore,

l’affezione per una donna

che non ha odore, non ha proprietà

rientra nel cliché.

Lo descrivono come si racconta

la vita degli altri o si immagina

inesistente.

La storia dei prodotti

così viva nel minuto

che milioni cercano

la stessa parola, non lo sanno, lo fanno,

lui è il blog, il vlog, il tube

della proprietà isolata di sesso

maschile su cui appoggerebbe la testa

una donna di sesso femminile.

La casa senza io gli altri l’accumulo

degli anni e solo

la felicità del processo, non del fine.


 Potrebbe vederlo la gente

nella stanza a volte con il suo odore

e anche lei

che gli è madre vicino

abitualmente avendo speso insieme

una vita.

Si dorme in due.

Si stava immaginando nelle case

degli altri.




                     C'est presque prêt, elle arrive,

la vie en hausse

de la propriété avec un écart, une récompense

fidèle à elle-même, seulement le lys violet dans le pré

ne vaut pas car il dure une journée.

Ils pourraient le voir des fenêtres la nuit,

s'il voulait il pourrait

se faire consommer, aiguiser par les gens

comme la pointe d'un crayon.

Être seul, être de tous,

le corps a une odeur, la propriété a une odeur,

l affection pour une femme

qui n'a pas d'odeur, n'a pas de propriété

s’inscrit dans le cliché.

Ils le décrivent comme on raconte

la vie des autres ou on l’imagine

inexistant.

L'histoire des produits

si vivante dans la minute

que des millions recherchent

le même mot, ils ne savent pas, ils le font,

lui il est le blog, le vlog, le tube

de la propriété isolée du sexe

masculin sur lequel une femme de sexe féminin reposerait sa tête.

La maison sans moi les autres le cumul

des années et seulement

le bonheur du processus et non de la fin.

 Parfois, les gens pourraient le voir

dans la chambre avec son odeur

et elle aussi

qui, proche, lui est mère

d’habitude, en ayant passé ensemble

une vie.

On dort à deux.

Il était en train de s’imaginer dans les maisons

des autres.



I                     

Una volta dicevi che ero io

io, che tu eri tu, che camminando

fra un argine e un altro potevamo vedere.


 Il fiume è lo spazio, i pesci bianchi si nascondono.

Una volta passavamo in equilibrio sui sassi

fino a che le nostre mani toccandosi si mordevano.


 Una volta immaginando dalla punta della collina

le differenze vedevamo contorni netti

scomparire nell’erba. Lì e qui


 portano un cosmo e noi fragili, indivisi

con i piedi nell’acqua bruciamo l’io

che può essere tu, il tu che può essere io.


 II

Lo spazio è un vetro,

l’interno e l’esterno.


 Io raccolgo il fiume freddo,

tu lo espandi in ologramma.


 Tu sono io nello schermo, io è tutti.


 IV

Tutto accade

un video ha imparato a riprodurlo.


 Tutto accade

i pesci bianchi nel fango

uscivano, entravano.


 Li inseguivi come cerchi

appaiono, scompaiono.


 V

A volte tu, io

vediamo ovunque

i contorni della violenza.


 Chi eri: nomi in codice. Chi sei:

io, tu, l’altro

a volte è bianco, nudo, perfetto.


 Il pavimento come il fiume si increspa:

entravano e uscivano i pesci

sbiancando.


 VIII

A volte tutto resiste in trasparenza:

esiste, muore?


 Tu attorno a io

lucina improvvisa, contemporanea.



I

Jadis, tu disais que c'était moi

moi je disais que c’était toi que nous pouvions voir 

en marchant entre une berge et l’autre


 La rivière est l'espace, les poissons blancs se cachent.

Jadis, nous étions en équilibre sur les pierres

jusqu'à ce que nos mains se touchent, se mordent.


 Jadis, en imaginant du sommet de la colline

les différences, nous voyions des contours nets

disparaître dans l'herbe. Là et ici


 ils portent un cosmos et nous, fragiles, indivis,

les pieds dans l'eau, brulons le moi

qui peut être toi, le toi qui peut être moi.


 II

L'espace est un verre,

l'intérieur et l'extérieur.


 Moi je ramasse la rivière froide,

toi tu la développe en hologramme.


 Toi c’est moi dans l’écran, moi c’est tous.


 IV

Tout se passe

une vidéo a appris à le reproduire.


 Tout se passe

les poissons blancs dans la boue

sortaient, entraient.


 Tu les chassais comme des cercles

qui apparaissent, disparaissent.


 V

Parfois toi, moi

nous voyons partout

les contours de la violence.


 Qui tu étais : noms de code. Qui tu es :

moi, toi, l'autre

parfois c’est blanc, nu, parfait.


 Le sol, comme la rivière, se ride :

les poissons entraient et sortaient,

en blanchissant.


 VIII

Parfois tout résiste en transparence :

existe-t-il, meurt-il ?


 Toi autour de moi

petite lumière soudaine et contemporaine.




note proposée par Calique



Debriefing



L’intelligence est morte ce matin à 6h32 (mais tout avait commencé il y a très longtemps), dans les décombres de l’esprit en ruines, sur une chaîne de télévision comme tant d’autres.



Monsieur Epiquebenêt est à la pointe de l’utilisation de son cerveau.

Il opère avec les mots une forme d’économie de gestion unanimement appréciée de son entourage, et des retournements de sens qui ravissent un auditoire friand de ces déjections raffinées.

L’auditoire est trié sur le volet.

En moyenne un à deux dangereux utopistes, aux intérêts, si possible, divergents, ou un extrémiste et un fac-similé, pour quatre personnes raisonnables, aux vues compatibles.


Monsieur Epiquebenêt ne profère pas de mensonge, il se situe au-delà, surplombant le réel, et s’il en invoque l’envers, c’est toujours à bon escient, mû par une sorte de scrupule, emporté par un débordement de zèle qui lui étreint la rate et le hisse, pantelant, aux cimes de la rhétorique.

Ses circonvolutions sont si étudiées, ses parades si bien huilées que nulle contradiction ne saurait en venir à bout.

Si la moindre scorie menaçait d’apparaître, Madame de la Roue du Paon prendrait le relais avec une vigueur toute neuve, vite relayée par le chorus des intervenants du plateau, noyant dans un brouhaha d’éclats salutaires les arguments les plus hérétiques.


Madame de la Roue du Paon n’est donc pas en reste, et son rutilant sourire, outre qu’il atteste d’une dentition irréprochable et d’un joyeux tempérament de prédateur, est le garant de l’indubitable discernement et de la bienpensance consommée qui vont avec, tout comme la savante perversité de ses remarques, judicieusement distillées, ou les rugueux pouffements de sa voix de gorge, si opportunément dédiés.


Prétendre à la véracité serait réellement faire preuve d’une puérile inconscience, voire d’une arrogance sans bornes, proche du cynisme.

De fait, toute vérité mal énoncée peut-être évincée, et toute opinion, revêtue de bienséance : 

il n’est donc que des allégations, celles qu’il est opportun de proférer.


Forts de ce réalisme, et avec une bonne volonté jamais démentie, Monsieur Epiquebenêt et Madame De la Roue du Paon sculptent, cisèlent, fourbissent, policent de resplendissants consensus: limpides de clarté, parfaitement adaptés à leurs contextes, finement ajustés à la psychologie des masses.

Monsieur Epiquebenêt et Madame De la Roue du Paon ne sont plus des enfants et ne mordent pas la main qui les nourrit. Ce sont de vrais pédagogues.

Ils ne ménagent pas leurs efforts pour évangéliser ces consciences fragiles, ignorantes, si peu perméables, en fin de compte, à ce qui a été pensé pour eux .


Voilà comment l’intelligence est morte, une fois de plus, ce matin, foulée aux escarpins, asphyxiée de simulacres, encavée dans cette symétrie obtuse, ligotée d’évidences fabriquées, de logiques magnifiquement déferlantes.

Les maîtres de l’audimat l’ont assassinée de sang-froid, selon un rituel éprouvé, accompli avec tout le soin nécessaire, et un savoir-faire décuplé par l’habitude, qui s’autorise des amendements évolutifs.


Cependant, Monsieur Epiquebenêt et Madame de la Roue du Paon ne savent rien de leur état.

Ils ignorent tout de leur propre condition de modèles réduits expérimentaux.

(Le problème, avec l’intelligence artificielle, c’est qu’elle n’est pas issue d’un vécu, mais totalement plaquée, de l’extérieur, au moyen d’un process mécanisé, et n’est donc pas – et c’est là sa vertu majeure – susceptible d’ouverture à une quelconque psyché.)


Miniatures contrefaites, ils ne savent pas qu’ils sont enfermés dans une toute petite boîte, dupliquée à des millions d’exemplaires tous semblables de par le monde, artificiellement éclairée par deux filtres polarisant la lumière électrique, désespérément coincés entre un miroir et une dalle de verre, tributaires d’une danse d’électrons.

Une petite boîte dont ils ne sortiront jamais, et que l’on peut éteindre d’un doigt, à tout moment, aux quatre coins du monde, effaçant toute trace de leurs beaux visages de vainqueurs, répétés à l’infini.


A plus forte raison ignorent-ils que l’intelligence est un Phénix qui renaît, toujours plus vigoureux, de ses propres cendres.



10 février 2023



Matthieu Gaines


Trois poèmes d’entre-deux



     Tout le corps immobile

tout le corps agacé    une heure

            tout

le corps en attente

                        une heure       de plus

                                   les yeux fermés          dans le noir

                                   les yeux ouverts         dans le noir

                                               respiration

 la tête ailleurs             où

ailleurs en tout cas     pas

à sa place la tête        pas      dans le noir

            les images fondues    dans l’attente

                        de quoi                       les images

                        de                    plus en plus    fondues

                                   dans l’attente des phosphènes roses et verts du sommeil

le sang            qui

bout la             peau

qui gratte        le         drap     qui pèse

            l’attente

                        une heure       qui coule gluante

                                   poisseuse et noire

                                   une heure coagulée

            une

            heure plus longue

                         que l’heure

                                    la peau                       qui ronge

                                   les

                                               yeux

                                               qui

                                                                                  tombent.



  

 C’est parce qu’

il reste des coquilles cassées de nous

des photos sans ride

des numéros qui s’écoulent                                                             petit à petit de la mémoire

 et parce que

s’attardent       fondamentaux            les riens qu’on n’a même pas jugés

                                                           déchets

                                                           rebuts bons à jeter

                                                           fussent-ils de papier ou de souvenir

 que nous         encore             — un peu —

 sans doute il y aura parfois

des soubresauts futurs          des hoquets

                                               rémanences un peu vaines   espacées

 des cailloux de petit Poucet

de plus en plus distrait.




  

 Nu

 c’est toujours comme ça que ça commence

nu        sans rien         rigoureusement à poil

et moins qu’un regard

au corps maigrelet dans le miroir

            coup d’oeil myope      qui

            n’engrange plus rien de neuf

            depuis                         longtemps

 ensuite

seul comme on n’est jamais

retour au primitif

sous

                         l’eau

                         alors

la dissolution se fait

par strates

emportées une à une brisées en

petites coulées de moi boue incolore

je me pèle

je m’érode

je m’use          jusqu’  à

                                   n’être

plus qu’                       être

un point un                 étr

ange sans corps        étr

eint de mes     propres

                        bras nus.


MG



8 février 2023



Mehdi Pérocheau



Note sur le dernier livre de Jérôme Orsoni




Un parfum d’apocalypse imprègne les derniers livres de Jérôme Orsoni. C’est sans équivoque depuis son roman inédit La Vie sociale dont un chapitre s’intitule « Paris, capitale de la fin du monde ». Une conclusion irrévocable qui contraste avec les contes fantastiques de sa trilogie initiale (Des Monstres littéraires, Pedro Mayr et Le Feu est la flamme du feu) dont une bonne part ne s’achèvent pas tout à fait. Mais les livres d’Orsoni se répondent ; ce qu’un ne dit pas, un autre le fait ; un sujet qu’un livre se plaît à sans cesse contourner, un autre l’affronte.

« Ménager les blancs pour ne pas donner l’illusion que la continuité, ce sont les notes qui la créent [...] Les silences font aussi partie de la continuité [...] Ce sont les blancs, les vides qui font les formes » dit le narrateur de La Vie sociale. Ce long roman à l’existence pour l’heure un peu fantomatique brasse les thèmes de la fuite, de la retraite érémitique, et de l’observation de la déliquescence d’une civilisation. Habitacles (que nous pourrions définir, avec la garantie de nous tromper, comme un court essai ou un poème en prose), édité il y a deux ans chez Abrüpt, parle de la même chose mais se dessine dans ses creux.

Chaque nouvelle publication jette ainsi un éclairage nouveau sur les précédentes. L’explicationdetelpassagelaisséeensuspensestsouventàtrouver dans un autre volume. Par exemple, nous pouvons autant nous réjouir que nous inquiéter quand nous lisons dans les Cahiers fantômes que Balzac est « capable de mal écrire pour bien écrire, de faire de mauvais romans à l’intérieur même de son roman pour que celui-ci se déploie » et nous cherchons fébrile à laquelle de ses pages attribuer ce procédé.

j’ai envie d’écrire 500000 poèmes quitte à ce qu’ils soient tous mauvais

trouvons-nous dans Et partout c’est la guerre, paru en novembre chez Abrüpt. Il s’agit d’un long poème en vers irréguliers non-rimés. Sa construction invite à le déclamer d’une traite pour en apprécier les mouvements et les variations d’intensité. Pourtant, nous ne le faisons pas et sommes interrompus çà et là par une ligne dont la référence nous frappe : les événements récents, une figure de la littérature, un autre texte d’Orsoni, un autre passage du poème, ou souvent tout à la fois. Ce système d’intertextualité produit une impression constante de va-et- vient ou de ressac, pour ne pas dire d’éternel retour. Le concept est récurent (cela va de soi) chez l’auteur, sous sa forme antique qui explique que le monde se délite et se recompose à l’identique un nombre infini de fois :

quel sens donner à l’éternel retour

si c’est la vérité des saisons ou la fable d’un charlatan

ou selon l’interprétation nietzschéenne qui engage à vivre son existence de façon à être prêt à la revivre éternellement :

il faudrait être fou ou surdieu pour imaginer un jour s’arrêter

Le concept de Nietzsche ne peut se défaire du paradoxe d’être toujours associée au moment précis et unique de sa révélation lors d’une marche dans les Alpes suisses à l’été 1881 :

je me souviens

d’une marche

que nous avions faite ensemble vers le sommet le monde en effet paraissait plus petit

au retour pourtant

rien n’avait changé

Le style d’Orsoni joue en effet du paradoxe et de l’opposition. De la même manière que nous ne pouvions lire le poème d’une traite quand bien même il aurait fallu, la typographie faite de lignes inégales sans majuscule et le ton saccadé évoquent une série de rafales que ne permettrait pas le Luger Parabellum de la couverture (l’arme semi-automatique ne tire qu’une balle à la fois). Nous finissons par être convaincus qu’une chose et son contraire peuvent être la même chose, comme dans l’antithèse « Si tu veux la paix, prépare la guerre (Si vis pacem, para bellum). »

Quelques exemples :

nous finirons pas nous défaire de ce partage

absurde et étroit

entre le sommeil et la veille

Plus loin :

effondrement à la fin de la ligne catastrophe

c’est-à-dire

non pour que tout s’achève encore plus triste

non

rien que tout le contraire

que quelque chose ait lieu

Ou encore :

la condition des visibles est de disparaître

un peu comme on dirait la condition des nuisibles est de persister

Comprenons qu’il n’y a pas de refuge, qu’il est inutile de fuir, pas moyen de se mettre à l’abri, que ce soit dans un palais ou une cabane. Mais le constat de bérézina, de déroute peut se lire comme son inverse. L’antiphrase prend le risque du malentendu mais offre tous les espoirs. Je suppose qu’il y a là une idée sous-jacente : celle qu’un livre d’un auteur implique toujours son contraire, qu’un livre sombre induit un livre lumineux, un livre court un livre long, un livre alambiqué un livre direct, un livre publié un livre inédit et qu’un bon livre a son pendant, et réciproquement.


MP





7 février 2023




Lazard Bornes




Cosme



 Aiguille stoïque

Raide comme un épi

Derme percé

La terre tremble

Jaillit de sa couche

Brûlante une colère furieuse

Éruption cutanée

Au contrebas s’affole

Un amas de cellules

Fiévreuses

Bouillonnantes en tout sens :

C’est la mort synchronique

 Sous la fumée des cendres

Se dégagent des tombes invisibles

Une opportunité

Pour la nouvelle Pompéi

De se construire

Au champ du vide

Une mauvaise herbe pousse

Et le voilà comblé




  16 : 9




 L’écran noir clape

Une ouverture en fondu

Sur plan large lumière progressive

Des paupières s’éveillent

Reviennent à la vie

Ce qui les heurte en premier lieu

Outre le silence

C’est ce noir et blanc

Avec ce grain

Assez épais pour se faire l’écho

De notre propre folie

 Saturé et délicat

Le fond en mouvement a ses contours légèrement floutés

Mais ils restent bien nets quant au sujet statique

Cette mare d’ombres floues lui permet d’exister

Comme le christ au milieu de la cohue condamnée

Devant le temple de Jérusalem

Mais contrairement au messie

Il se fiche des spectres

Son regard est à la recherche d’un nuage qu’il pourrait chevaucher

 Immobile donc

Le trait épais et blanc

Il brille

Et cherche un de ces stratus cambré

Lancinant

Tandis que le monde entier traverse le champ

Et le coupe en tout sens sans jamais le toucher

Comme s’il était une nuée d’oiseaux prête à s’éparpiller

Lorsqu’on s’en approche de trop près

Ne cherchant à rattraper ce que l’on ne peut précéder

Comme se plient à sans cesse essayer ces païens crédules

Il rayonne d’une absente présence

Et n’essaie pas d’être autre part que maintenant

Il sait que c’est une chimère

Toutes ces trajectoires qui se précèdent

A ses cotés n’ont pas l’air d’exister

C’est ce qui crée chez lui cette singularité

Cette solitude totale

Et le voilà qui se met à avancer

Il déambule au dégun

Sans détours ni écarts

Il suit sa vie sans tenter de la rattraper

Coupe

 Même scène

Changement d’angle

Sujet de trois quarts

Travelling de sa lente marche

Où ce monde l’esquive lui et son rythme

Contre-temps déplaisant

Et seul souvenir du concert

Monte une trompette blues

A la Miles

Il évolue dans le champ en marchant à contre-courant

Vers la gauche de l’écran

Question d’esthétique personnelle

La caméra le précède légèrement

Son dos est hors-cadre

Nous sommes entre lui et la foule

Sans savoir sur quel pied danser

Impossible d’atteindre sa tranquillité

Au dessus d’un océan de glaise

Il navigue

Sur un radeau d’or



 

 eura



 Une bulle

De Buzzati

Éclate

Légère

Dans le désert

Kalahari

117

Le somnambule

Trouve une agate

Hécate

Tombe au boutis

Sous le pendule

Galate

La funambule

Se dévêtit

Les étoiles perverses

Sortent du lit

L’oeil dans le judas


LB




Adonis Brunet 


Oh Sologne 


Notre belle Sologne 

Que l’on défigure 

Que l’on rogne 

À coup de piquets et de clôtures .

Stop à ce carnage 

Que cet écrin de beauté 

Retrouve son côté sauvage 

Et ne soit plus dénaturé. 

Ici la reine 

Se nomme chanterelle 

Elle n’est pas parisienne 

Ne porte ni bijoux ni dentelle. 

Ici le roi 

Règne sans détours 

Et il porte sa voix 

Sans téléphone ni tambour. 

Berceau de notre enfance 

Douce et protectrice 

Elle éveille tous nos sens 

Sans fanfreluche ni artifice. 

Alors viens, viens 


Toi le citadin


Laisse tes escarpins 


Ensemble changeons le destin. 



Le 24 octobre 2021





Tam-tam


Le tam-tam hurlant du vent vient frapper à ma porte. Symphonie de l’extrême au loin dans la brume où l’écume blanchâtre se disperse aux quatre vents. Je suis là. Je remonte le temps. Figé je fixe le cadran de l’horloge. Plus rien ne sera comme avant…la tempête gronde et s’avance inexorablement vers les terres. Balayant tout sur son passage. L’écume des vagues déboule telle une avalanche qui ne laisse aucune chance et vient se briser sur les rochers imperturbables. Les vagues hurlent en se fracassant sur la côte. Dans ce vacarme assourdissant le bateau de pêche l’Espérance se raccroche au faisceau surpuissant du phare du Creac'h qui surplombe l’île d’Ouessant, espérant ainsi accoster le mieux possible. Mais dans une mer démontée de force 7 avec des creux de 4 mètres, l’opération semble bien périlleuse. L’équipage restera fier jusqu’à la fin…


AB





6 février 2023






Sandrine Davin




Chère Terre - Mère




Encore un matin où les planètes du ciel

Ont caressé mes rêves.

- Silence -

Je me suis réveillée, quelques grains de sable Au coin des yeux.

Chère Terre,

Chère Mère,

Un souffle de vie sur mes lèvres rosées. L’écorce

Ton écorce qui effleure

Ma chair à vif.

- Respiration -

Dans le murmure des branches

Le chant mystérieux des choses.

Chère Terre,

Chère Mère,

A la nuit le jour

L’effacement des ombres

Et l’apparition de l’être.





Frontière de peau




  Trottoir gris

Bruit des bombes

En sourdine

Il est là seul

Ridé par les ans

Le froid

Les jours qui se répètent

Sans fin

 Une seule idée

Fuir

 S’exiler d’un pays

De son pays

De sa terre, sa patrie

Fuir

 Il est là Lui et sa valise

Pour unique compagne

 Regard à droite

Regard à gauche

Ne pas savoir où aller

Ne plus savoir où regarder

 Et attendre encore

Attendre … attendre 





 

Effleurement d’être




  Dehors est-ce la nuit

 - L’infini - Un ciel qui jette l’ancre

Aux vents blessés

Où le froid ronge

Les heures.

 Au fond de l’âme 

La mémoire s’effrite

Inexorablement.

 - Entre silence et rêve

L’éphémère souvenir - 



SD



Gaëlle Doutre


Orario


Hélas, je trimballe encore sans tactique,

Comme un sale tic,

La blessure organique,

Celle qui n’est jamais farouche.

Pourtant, je sais rendre grâce par grandes touches

A tout ce qui n’est pas moins que l’immensité.

Je sais aussi que rien n’insiste sous les paupières

Si le temps n’est pas donné.


J’ai croisé quelques spirituels.

J’ai dialogué jusqu’à satiété.

J’ai chéri quelques fantasques invétérés.

J’ai adoré tous les « curieux sans le faire exprès ».

J’ai chéri la douceur inévitable des vrais vertébrés.

J’ai reconnu la splendeur du temps habité.

Plus toujours sous réactivité amère,

Épargnée par l’autre altérité, épatée par l’autre altérité,

J’ai rayonné dans ce lieu où la colère rentrée perd sa verticalité.


J’ai croisé quelques chevaliers de l’intimité,

Épiphanies circonstancielles :

Je connais le paysage de la réalité incarnée.



Série « En bonne compagnie au musée», 47 ans MEP Paris, « Le fiancé » d’Hervé Guibert, 1982


Persona



Sans persona on the sofa,

Il ne me voit pas.

Sans persona on the sofa,

Je crois le voir à côté de moi.

Sans persona on the sofa,

Nos ratages

Sont nos ancrages.


Sans persona on the sofa,

Je ne saisis toujours pas,

Qu’en vain,

Je suis en lien.

Enthousiasme sans forteresse.

Je ne sais pas crier.

Texture, chambre d’écho :

J’essaye d’entendre la voix

De la joie partagée.


Ensemble sans persona on the sofa,

Ici l’entre deux est là mais

Il ne devrait pas.

J’ouvre les bras mais

Ne m’affirme pas.

L’alchimie n’est pas le lien,

Je ressens faux dans ce rien.

En vain, je suis en lien,

Oublieuse de la digne étreinte.


Ensemble sans persona on the sofa,

Frôlés, épopées partagées,

Corps à corps sans le cœur qui bat.

Apaisés mais pas comblés,

Apaisés mais pas aimés,

Affairés mais pas aimés.

Sans persona on the sofa effroi :

Camera obscura.



46 ans




Doutres


Trop souvent je doute de moi 

De ma vie actuelle

De mes émois

De mon honneur

De mon désespoir irrationnel

Du regard de ces hommes sur moi 

D’eux

De ma fidélité

D’exister vraiment

D’être autre chose qu’un objet 

D’être unique

D’être pudique

Des sentiments d’autrui

De ma place ici

De mes cris

De mes larmes

De rechercher le bonheur.

C’est sans répit,

Que je doute,

De moi.


15 ans


GD





Karen Cayrat






les madrépores seront

nos souvenirs sous les eaux

- sédiments contre les vents

de l'oubli - archives

de douces cavales

///


La mer s’est plissée 

Sous nos regards, elle étoffe

Les sentiments qui émaillent les revers

Adossés à nos rivages 


(Poème extrait de la série de vidéopoèmes « Capsules » version multimedia disponible ici : 

https://www.youtube.com/watch?v=dVJPssuPqgo

 ) 


///


il reste l'écume

dans la gorge ouverte

des lendemains comme les

éclats d'aurores le long

de la lande qui s'oublie



KC





Laurence Lépine


3 POÈMES :


La beauté y passe comme par miracle

S’arrête ici à hauteur du genou

Plus loin

Fend son bois pour l’automne

Puis

Tout retourne 

À plus haute floraison 

Le temps devenu 

Aussi clair que pelure




L’étui le voici si souple

Que grain d’acier s’y meurt

En terre nouvelle s’accroissaient les fougères

La ressemblance avec celles dont j’étais 

À nouveau l’unique testamentaire




Les éléments écrasaient leurs doigts

Au fond des touches

J’avais mille ans

Me relevais d’une robe trop lourde

De deux anneaux tressés au bord des joues


LL






Jérémy Semet


Jalousie méta



Nuit agitée


A pirouetter dans mon lit


Repos en dents de scie


Ne rien projeter


Ni rien attendre


Mais le temps fût long


Avant de tomber de sommeil


Tu me diras


Que j'aurais pu l'attendre longtemps encore


Puisqu'il était déjà avec toi


Et de me demander alors


Si rejoindre les bras de Morphée


C'est tromper ?



Rendez-vous manqué



Aujourd'hui


J'avais envie d'écrire


Mais


Tout était dit


Dans mon poème d'hier


Alors j'ai laissé aller cette journée


Comme elle voulait


Je lui ai lâché la main


Je la regardais de loin


Pour qu'elle n'aille pas trop loin


J'ai fait ce que je devais


Laissant vaquer cette journée


Et puis


Une fois terminé


Elle m’a écrit un texto


Ça disait :


Je te donne rendez-vous


Dans ton poème de demain



Ho hisse !



Faire l'effort chaque matin


De laisser le merveilleux


Se glisser


Dans ses souliers


Pour avoir la chance


De marcher parmi les étoiles


Même rien qu'un peu



JS




Philippe Minot


Le ciel est à la traîne


 étés, hivers, absences



 

le merle becquette

la drupe pulpeuse pourpre

le gourmand l'absout

 

***

 

les pies se chamaillent

au jardin évaporé

le cœur en chamade

 

***

 

source déversée

secrète au puits ruisselée

au pied des pourpiers

 

***

 

vigne frémissante

invisible au long du mur

le lérot gigote

 

***

 

virides durits

coiffées d’un prurit pourpre

verdeur des violettes

 

***

 

abeille affairée 

à l’anémone propice

calice poivré 


***

 

trille au soir violet

violon crypté de cristal

cri d'amour violent


***


glycine incendiée

tressée au for cyan du cèdre

retors virelangue

 

***

 

chenille abusée

rampant aux feuilles flétries

soupçon de l’envol

 

***

 

vigne toute en vrilles

prison longues tresses blondes

rossignol et trilles

 

***

 

verrière rouillée

la glycine bleue s’élance

aux aqueux azurs

 

***

 

claquants oriflammes

avivant le ciel flammé

l’éveil me réclame

 

***

 

cri de soleil rauque

l'aube m’écorche l'oreille

que salue le coq

 

***

 

 

à l’heure du berger

tu humais le frais des près 

gisant au verger

 

***

 

le bonheur est mien

soleil pies piafs envolée

mais je n'en sais rien

 

***

 

le ciel à la traîne

nuages vestivelués

il pleure sur mon cœur

 

***

 

vente l'ouragan

chef blotti l'engoulevent

invente sa nuit

 

***

 

 

 

 

au pied du sapin

jouets dragées papiers jetés

et morte hellébore

 

***

 

visions embuées

ciel larmoyé yeux pluvieux

en pleurs on voit mieux

 

***

 

au prime frimas

il jette un oeil mort et froid

aux jonchées de bois

 

***

 

brumes de nivôse

l'œil frileux mélancolise

aux nuages gris rose

 

***

 

à flanc de montagne

mon cache-col m’accompagne

ne couvre le cœur

 

***

 

 

confus et fétide

le sous-bois croupi s’englue

putride berceau

 

***

 

ennui et grisaille

morosité hébétée

le chandail godaille

 

***

 

souvenirs en fouille

la mémoire fouine et mine 

feugner les passés

 

***

 

pas outre le dur

marche plus haut que le mur

démarcher les nuages

 

***

 

gravir l’à pic

l’acéré porte au gravide

aspirer le vide

 

***

 

la pluie qui inonde

vents débarbouillant les cieux

le monde émondé

 

***

 

gaste épileptique

harmonie bannie du fief

en décrépitude

 

***

les traces persistent

pas en neige éclats au cœur

l’oubli résiste

 

***

 

l'absence prend forme

déports départs déhiscences

le temps qu'il y faut

 

***

 

dans la boîte à lettres

un coupon de réduction

promo sur la vie                                 

 

***

 

chant exalté fin

défunt emportement feint

faim de pacotille

 

***

 

rendre à l'aigre ardent

astre de sanies aux dents

teindre au mordant tendre

 

***

 

l’arrogant fat crâne

corps extrudé vers avides

vide coquillage



PM





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