Le dépôt
Librairie Lpb - Lettre E
ELLROY James - Le Dahlia noir - Rivages/noir - PL
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"Des cervelles, des yeux, des cœurs, des intestins flottant dans un liquide ; une main de femme, l'alliance encore passé au doigt ; des ovaires, des agglomérats de viscères difformes, un bocal rempli de pénis. Des mâchoires aux gencives roses garnies de dents en or."
EL MORABETHI Khalid - Tentacule - Editions Atelier de l'agneau - PL
"Je suis contre la guerre contre ma paix", "le sucre change le goût de l’eau", "trois fois quatre égale six fois cinq"
Il ignore la confusion et le dégoût dans les yeux qui le regardent de derrière le miroir, il est de l’autre côté. C’est à un travail de l’imagination que nous convie le poète. Une forme d’absurde positif et de non-sens cohérent. Les raisonnements dépourvus de sens abondent. Le poète semble jouer à cache-cache avec ce qu’il dit : « Cache-cache est mon jeu préféré. » Le dernier tiers du livre se fait plus narratif : « , le sourire devient doux et strict comme un café du soir ». Derrière les mots des émotions. Surréalisme. Débauche de mots équivalente à la débauche de gestes dans la danse de Laura Bachman. Poésie et fantaisie sont les maîtres mots de cette écriture. Abus, bamboula, égarement, débordement, délire, dérèglement, désordre, fête, festin, ivresse, jouissance, prodigalité, sybaritisme, espièglerie, sensibilité, saugrenu, coq à l’âne, richesse de sens. De sens énigmatiques. Contradictions, paradoxes : « Le paradis en enfer. L’enfer au paradis. » . Du sentiment mais un refus presque systématique de sentimentalité : « Le savon met le sentiment par terre. » Comme une logique supérieure (une raison trouble). L’incohérence a ses limites et l’auteur le sait, il place dans ses poèmes une rampe pour associations d’idées articulées à laquelle se tenir, une rampe différente à chaque poème, chaque poème est différent - comme si l’on assistait à un sempiternel combat pour exister, sans cesse recommencé, énergique et furieux. Energie du désespoir, furieuse envie de vivre, bien que l’auteur n’ait jamais ressenti d’espoir et qu’il doive juste se « concentrer et crier dans le grenier ». En fait, il s’agit d’exercices de méditation proches du zen : exercices d’approfondissement d’un monde caché, fulgurant, où temps et espace n’ont jamais existé. Ce qui me touche dans cette poésie, ce qu’elle a d’universel, c’est la question des limites et la maîtrise de l’auteur face à la question sans réponse, maîtrise qui ne peut que maintenir le lecteur en état d’écoute parfois flottante et surtout attentive. Quelque chose d’humain, très humain. D'après ce que je sais l’action de Tentacule se déroule principalement dans la cuisine. La cuisine de viande. Comment ne pas penser à Freud quand il dit : « , il y a l’oeil au milieu de mon héritage triangulaire. » Comment ne pas penser à Salvador Dali quand on lit : « , j’achète des montres enflammées qui dureront plus longtemps. ». Comment ne pas penser à Descartes quand il est dit « Je suis pâle donc tout ira bien. » . Comme ne pas penser à un poète toulousain, Serge Pey - qui déclame ses poèmes écrits sur un grand bâton frappé en cadence sur le sol. Mais le rythme et la musicalité de la prose sont propres à l’auteur : « les alarmiste n'ont pas d'âme, rien ne les rend alarmants, ils sont convaincus qu'il n'y a pas de réponse et que toutes les questions sont stupides, pour l'éternité. Alors tous les jours, vers dix-huit heures, ils viennent me torturer avec l'électricité qui sort de leurs ongles, toujours dans un petit salon de coiffure près de la montagne rouge, parce que la terre ne marche plus sur mes pieds et que le ciel dépasse mes mains. Ils ont d'autres raisons que je ne connais pas. Alors, j'enfouis mon visage dans mes genoux pour tout avouer. Les cheveux des alarmiste sont visiblement partis, l'odeur de leur grosses têtes est répugnante, alors je dois les sentir, cela prend trois heures, parfois trois mois, trois ans. Mon nez s'est adapté, je vivrai plus longtemps. » « Je m'intéresse aux peines de mort. Je n'ai pas marre, mais la mort me mord, les dents en or, ça chatouille mon corps et mon âme jalouse sort. » Assonances donc, et rimes : « je m'intéresse aux témoins d'une condamnation à mort. Je sonne et je cours mais ça ne suffit pas. Et ça m'énerve quand personne ne sort. » Il y a chez l’auteur de ce livre une sorte de volonté assumée de paraître fantaisiste, pour ne pas dire fou, une sorte de liberté créatrice à laquelle le lecteur est convié : « je viens de prendre mon premier plat, mais je ne le mangerai jamais, il n'y a pas que la haine dans les usines de tissage de foie, mais aussi de corpuscule qui n'apporte rien aux métaphores, la traduction est une menace, mais aussi le corpuscule qui porte les clés, je menace l'ouverture comme 1 + 5. » - Une façon d’habiter l’étonnement dans le plus grand désordre…une façon de faire aimer beaucoup ce qui est proposé…une façon de faire partager ses fantasme banals tels l’amour maternel qui nous inspire un sentiment de toute puissance. Toutes les figures de style plus ou moins communes passent à la moulinette morabethienne, il en est ainsi de l’analogie : « en fait, je suis handicapé comme une lampe de bureau à prix pas cher, ou comme une cuillère d'un bon restaurant ou bien comme le sourire d'un nouveau riche. Oui, c'est la vérité ! Je suis vraiment un handicapé comme trois papillons font trois papillons font trois papillons. »
« J’achète un portefeuille et je mets mon agressivité à côté de ma carte d’identité ». « Mes pas ont créé un langage éclaté ». L'auteur marche pieds nus. Ses objectifs étonnent les pensées de "taille moyenne". La beauté n’est pas contre la poésie de Khalid, elle est juste à l’écart. Sa poésie me touche. J’y reconnais l’intelligence des poulpes. L'intelligence d’un fantôme de poète qui raconte sa vie en faisant des cercles avec ses pas dehors dans la neige de la page. La poésie de Khalid El Morabethi agit sur moi comme une drogue mêlée à du vin, chassant la tristesse et la mélancolie… « , les cirques achètent les clients pour leur vendre un sourire. »
Kleist : " Quand une idée est exprimé de façon incohérente, on ne doit pas en conclure pour autant qu'elle a également été pensée de façon incohérente, au contraire, il se pourrait même aisément que celles qui sont exprimés de la plus incohérente. des façons, soit justement celles qui ont été pensées de la manière la plus limpide. "
Heinrich von Kleist - Sur le théâtre de marionnettes - sur l'élaboration progressive de la parole - trad. de Brice Germain - Éditions Sillage
ERNAUX Annie - La place - éditions Folio - P.L.
« J’ai fini de mettre à jour l’héritage que j’ai dû déposer au seuil du monde bourgeois et cultivé quand j’y suis entré ». Ce court roman familial d’Annie Ernaux se lit en une heure. Il raconte avec simplicité, tendresse et une pointe d'humour la vie d’humbles normands, une vie de famille centrée autour du père de la narratrice dont elle fait le portrait avec des mots patois, des expressions locales, des syntagmes du cru. Annie Ernaux est sortie de la vie humble en devenant enseignante de lettres modernes puis écrivaine. « Je me souviens d’un titre L’expérience des limites. Mon découragement en lisant le début, il n’y était question que de métaphysique et de littérature…///…Ce jeu des idées me causait la même impression que le luxe, sentiment d’irréalité, envie de pleurer » .
ERNAUX Annie - Le jeune homme - Gallimard - PL
Je viens de lire ce soir en un quart d'heure un roman paru en mai 2022 d’Annie Ernaux, une écrivaine que j’aime bien, 'Le jeune homme'… 37 pages… un pan de la vie de l’autrice... beaucoup aimé ce livre…
.... à livre bref, commentaire bref...
J'ai écrit ce commentaire en réaction à des critiques négatives de lecteurs d’Amazon. Les argument qu’ils déploient sont sans valeur, ce qu’ils affirment est faux. Ces lecteur qui manifestent leur mécontentement sont unanimement frustrés par la brièveté du texte, qui est un texte très bien construit, un texte qui n'a pas besoin d'en dire plus.
Je vois une raison principale à ces avis qui peuvent être radicalement opposés au mien : c'est une question de valeur, nous n'avons pas les mêmes valeurs, ni le même sens de ce qui est vrai et faux. Cela s'appelle la subjectivité. Densité, concision, précision, vraisemblance, ne sont pas des valeurs pour ces lecteurs.
ESNAULT Christophe - Pas même le boucher - Ed AEthalidès - PL
"Et sans me pencher sur ma névrose monumentale, me restera-t-il quelque chose pour faire naître un texte ?"
Toi Christophe vois-tu, tu écris. Mais pas que… pas que, parce que ton écriture me touche. Moi, vois-tu Christophe, je fais la même chose, j'écris, je prends des notes, c’est mon passe-temps favori.
ESNAULT Christophe - Lettre au recours chimique - Ed. AEthalidès - PL
’Lettre au recours chimique’ …
J’ai bien aimé l’esprit fulgurant qui anime cette confidence d’une centaine de pages sur l’expérience de l’auteur qui a eu besoin des psychiatres, leurs diagnostics et leurs traitements, et s’est affronté à leur médiocrité…c’est un témoignage d’une réalité malheureuse: abus de prescriptions de psychotropes, manque d’écoute de ces ferrailleurs de l'âme, chiffonniers de l'esprit, minables gens sans vertu, veaux que je n’aime pas, qu’on trouve partout, dans tous les métiers…
Je plains Christophe Esnault et en même temps j’aime sa façon de témoigner…
J’aimerais aussi lire sa poésie, je n’en ai pas trouvé dans ce livre émouvant, témoignage. d'une réalité cruelle. Manque concevable.
ESNAULT Christophe - L'enfant poisson-chat - Éditions P - publie.net. - P.L.
L’enfant poisson-chat de Christophe Esnault… une poésie qui selon moi pourrait aller plus loin dans ses lignes (de pêche) pour me convaincre entièrement…mais je pense que le bouchon est là et et bien là, et que ce poète a de l'originalité… il a su garder quelque chose de précieux…
son enfance…le souvenir de l’enfance, qui pour moi fait le charme de ce recueil.
ESNAULT Christophe - Espèces invasives - Milagro - M.L
Je ne parlerais pas ici "d'une parodie d'écologie" comme certains critiques ont pu le faire, car cela me semble inexact. Plutôt une écologie poussée à l'extrême, ce qui crée frottements, frictions et étincelles. De cette première flamme nait soit le rire maussade, soit une poésie voilée comme roue de vélo. Parce que cette poésie frotte la peau.
Une forme de désespérance face à la catastrophe qu'on va se prendre bientôt en plein visage. En cela un livre essentiel.
On ne se sauvera que par le rire, voilà sans doute la morale que j'en tire.