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NOTES CRITIQUES

Critiques

Librairie Lpb - Lettre G

GARCIA MARQUEZ Gabriel - Cent ans de solitude - Point Seuil - M.L.


Quel chef d'oeuvre! Avec ce roman, Garcia Marquez donne toute l'étendue de ce que l'on nommera le réalisme magique.

Un roman où il pleut des pétales, où un village perd le sommeil, où une femme mange les crépis faits en chaux vive, où une révolution en remplace une autre...

Impossible à résumer si ce n'est que nous suivons la famille Buendia sur plus de cent ans, dynastie qui s'éteindra lorsque le dernier de la famille naîtra avec une queue de cochon.


"Bien des années plus tard, face au peloton d'exécution, le colonel Aureliano Buendia devait se rappeler ce lointain après-midi au cours duquel son père l'emmena faire connaissance avec la glace. Macondo était alors un village d'une vingtaine de maisons en glaise et en roseaux, construites au bord d'une rivière dont les eaux diaphanes roulaient sur un lit de pierres polies, blanches, énormes comme des œufs préhistoriques. Le monde était si récent que beaucoup de choses n'avaient pas encore de nom et pour les mentionner, il fallait les montrer du doigt. Tous les ans, au mois de mars, une famille de gitans déguenillés plantait sa tente près du village et, dans un grand tintamarre de fifres et de tambourins, faisait part des nouvelles inventions. Ils commencèrent par apporter l'aimant. Un gros gitan à la barbe broussailleuse et aux mains de moineau, qui répondait au nom de Melquiades, fit en public une truculente démonstration de ce que lui-même appelait la huitième merveille des savants alchimistes de Macédoine. Il passa de maison en maison, traînant après lui deux lingots de métal, et tout le monde fut saisi de terreur à voir les chaudrons, les poêles, les tenailles et les chaufferettes tomber tout seuls de la place où ils étaient, le bois craquer à cause des clous et des vis qui essayaient désespérément de s'en arracher, et même les objets perdus depuis longtemps apparaissaient là où on les avait le plus cherchés, et se traînaient en débandade turbulente derrière les fers magiques de Melquiades. "Les choses ont une vie bien à elles, clamait le gitan avec un accent guttural ; il faut réveiller leur âme, toute la question est là."



GAROUSTE Gérard - L'intranquille - Le livre de poche - PL


Autoportrait d’un fils, d’un peintre, d’un fou


je viens de finir de lire ce livre du peintre Gérard Garouste que m’avait conseillé Sandrine Cerruti, une amie précieuse que j’ai connue grâce à Lpb…


C’est un auto-portrait qui se lit en deux heures. On y découvre une personnalité attachante, l'auteur est passé par la folie maniaco-dépressive, comme Emilie P., comme mon père, dont tu peux lire l’histoire dans mes pages personnelles, comme beaucoup de gens qui ont souffert, en particulier souffert à cause de leur propre père…


On y découvre le parcours intellectuel étonnant de l’artiste, et l’histoire de rencontres qui lui ont permis de profiter pleinement de sa vie et de la finir en beauté, vie qui n’est pas finie, il a trois ans de plus que moi...…



GAUDÉ Laurent - Eldorado - Éditions J'ai lu - P.L.


Beaucoup d'émotions en lisant ce livre et en le refermant. L'histoire parallèle d'un homme qui cherche à gagner l'Europe depuis l'Afrique, et d'un homme qui fait le trajet en sens inverse. L'un : espoir et désir de vivre, l'autre : désespoir et désir de mourir. Entre les deux le lecteur retient son souffle et ne pourra jamais oublier ce roman réaliste qui décrit de l'intérieur les cheminements de l'un et l'autre.

Le livre Eldorado de Laurent Gaudé se penche sur moi et m' attend.

(Ce n'est pas moi qui trouve un livre, un livre me trouve).



GEVAMAGDALA Evgue-Riek - LUDI NUIT - Dancot-Pinchart éditions - P.L.


Votre poésie n'est n'est-elle pas le résultat d'une contradiction insoluble par le raisonnement ? Votre poésie peu commune nous fait sortir, comme dirait Francis Ponge, de notre rainure. Votre effort tendrait-il à courber les choses vers une modestie qui serait elle-même fille d'un étonnement ... tiendrait-il à ne pas associer de façon automatique et impensée, comme cela se passe couramment, l'absence de logos articulé à l'imbécilité ou à une situation forcément subalterne ? Votre mouvement poétique : l'abstraction concrète.. Votre poésie ne tendrait-elle pas à désolidariser le "propre de l'homme", son langage, de la gangue de fierté qui le nimbe, et ainsi à prendre le parti des animaux , des plantes et des minéraux... Evgue, vous trouverez dans le livre "Le parti pris des animaux", de Jean-Christophe Bailli, édité chez Christian Bourgois, l'inspiration- en partie, de mon questionnement à propos de votre poésie.



GIONO Jean - Un roi sans divertissement - Folio - PL


La rosée couvrait les champs où le blé avait été coupé et l'éteule était en rose comme un beurre qui fait la perle. Le ciel était bleu comme une charrette. De tous les côtés, les alouettes faisait grincer des couteaux dans des pommes vertes. Il y avait des odeurs fines et piquantes qui faisaient froid dans le nez comme des prises de civette. Les forêts et les bosquets dansaient devant mes yeux comme le poil d'une chèvre devant laquelle on bat du tambour. Oh ! Le beau matin !


Jean Giono - Un roi sans divertissement - p 193 - Folio Gallimard





GOES Albrecht - Jusqu'à l'aube - Ed. Librio - P.L.


Jusqu’à l’aube est un roman court, au ton juste, à l’écriture sobre, presque nécessairement terne, l’histoire d’un prêtre protestant allemand sous le régime nazi en mission pour accompagner les derniers instants d’un condamné à mort… un roman aussi réaliste qu’un fim documentaire, un témoignage d’un humain chez les nazis.


GOFFETTE Guy - Elle, par bonheur, et toujours nue - Folio - P.L.


Comme le titre de cet essai nous l'indique nous voilà à ouvrir un livre non dénué d'affectation. Mais pas superficiel. La vie et l'oeuvre du peintre Pierre Bonnard - bien sentie et racontée par monsieur Guy Goffette - avec elle, par bonheur, et toujours nue.




GOGOL Nicolas - Journal d'un fou - Récits de Petersbourg - M.L.


Je découvris que la Chine et l'Espagne étaient un seul et même pays, et que c'est par pure ignorance qu'on les considère comme États séparés. Je conseille à tout le monde d'écrire exprès sur un papier: "Espagne"; ça se lira: "Chine".


Mais je suis extrêmement peiné de l'évènement qui doit avoir lieu demain. Demain, à sept heures, il se produira un évènement étrange: la terre se posera sur la lune. Le célèbre chimiste Wellington parle, lui aussi, de cela.


J'avoue que je ressentis une inquiétude cruelle, lorsque je me représentai l'extrême délicatesse et la fragilité de la lune. La lune, d'ordinaire, se fabrique à Hambourg, et fort mal...


...



elle est habitée uniquement par des nez. Voilà pourquoi nous ne pouvons apercevoir notre propre nez, car tous les nez sont dans la lune. (note de Jérôme Fortin: on dirait du Réjean Ducharme)


...



... les hommes s'imaginent que le cerveau se trouve dans la tête. Pas du tout: c'est le vent qui souffle de la mer Caspienne qui nous l'apporte.


...


Ce n'est que l'ambition; et cette ambition provient de ce que nous avons sous la langue un globule, et dans ce globule un petit ver, gros comme une tête d'épingle, fabriqué par un certain barbier qui demeure dans la rue Gorokhovaïa.


GOLDSMITH - L'écriture sans écriture - du langage à l'âge numérique - Jean Boite Éditions - PL


tarduction et notes de François Bon


Pour le livre je laisse le soin de juger de quoi il traite et comment il en parle…

C’est un essai… avec des choses qui m’ont intéressé, d’autres moins… c’est quelqu’un qui pratique l’ approfondissement et prône la gratuité, l'échange et le partage… pour pratiquer l’approfondissement il faut commencer par creuser… parfois il m’a semblé que l'auteur n’avait pas assez creusé - mais peut-être est-ce à soi-même de continuer à creuser … 

C’est un connaisseur (littérature, art, informatique) qui a des visions nettes, synthétiques, sur l’époque - sur l’évolution des arts, de la littérature et de la poésie depuis la fin du XXème siècle…


J’ai copié le manifeste d’Ubuweb dans le dépôt ( Bancs - Cultures)…

https://lapageblanche.com/le-depot/bancs/musee-a-soi-cultures/les-manifestes-poetiques


GOUJON Pierre - Mots d’amour pour des éternelles - (pour les Editions Lpb) - PL 


Il y a dans ce livre aux douze nouvelles minimalistes et à la progression narrative savamment soutenue, comme une sorte d’élan victorieux au-dessus de l’oubli.

Brigitte W et autres éternelles. Le sujet, la description de l'état amoureux d’un adolescent qui se projette sur la croupe d’une adolescente, donne une impression de minceur. Minceur et banalité d’une vie où ne se passe rien, ou rien ne retient l’attention, ou tout glisse. Juste une ébauche de dialogue ajoutée à la scène primitive. Mais il ne s’agit là sans doute que d’un début, une introduction. Pour la suite. Pénélope. La phrase d’entrée montre une pensée plutôt baroque sinon lourde : "D’une langue toujours renouvelée je désigne les plages où se déplient les dernières ondulations d’un sillage que je creuse contre les vents de l’innocence, et je m’immerge dans l’eau double de tes yeux. ». Ce récit est une courte allusion à une relation entre une jeune fille de 19 ans et un vieil homme, une vieille personne qu’on imagine obèse, chauve, peut-être impuissante, en tout cas pas à sa place dans cette relation, très probablement, d’où la brièveté de la nouvelle. Contrepoint. Une nouvelle justifiée par la mise en scène de contrastes, renforcée par le mélange d’un discours sur la vie amoureuse et d’un discours sur la mort. Brièveté, efficacité. Amour. L’amour perçu comme une cruelle désillusion. Là aussi quelques lignes suffisent à décrire un aspect morbide et torpide de l'amour, une triste réalité qui ne peut ni s’aggraver ni s’améliorer. Et ta robe au vent du soir. Très brève nouvelle. minimalisme poétique. Évocation, suggestion. Maitrise. La jeune fille au bord de la mer. J’adore ce texte. La répétition dans la scène finale de la scène initiale. Un chef d’oeuvre à proposer dans la revue Lpb, ou bien le texte suivant, Jeanne.- Deux des grandes réussites poétiques dans ce livre - jusqu’à maintenant. Jeanne. Très très très beau poème sur Jeanne jouvence. La fête foraine. La fête foraine est une histoire vraie - rien n’est inventé - elle est joliment dite. Aide à domicile. Une histoire d’amour comme les autres, très bien dite aussi, touchante. Une intimité complice se noue avec le lecteur. Tessa. Encore, on dit encore, on en redemande. On est gourmand de Tessa et de l’analogie entre cette Tessa et la terre. Promenade en hiver. Confirme qu’il est possible de s’absenter en laissant beaucoup de poésie derrière soi. La femme dans le jardin. Une parabole de l’amour, pour finir de lire un livre que je recommande. 




GOUTTEFARDE - ROUSSEAU Amandine - L’âme nigredo - L’Ire de l’Ours Éditions - PL


Si vous aimez lire, lisez le recueil de poésie L’âme nigredo d’Amandine Gouttefard Rousseau, édité chez L’Ire de l’Ours Éditions. Faites-le connaître autour de vous comme il le mérite . .Je verrais bien ce livre de poésie publié aux Éditions LPB. C’est un livre qui mériterait d’être publié par plusieurs éditeurs, par les plus grands éditeurs, par le plus grand nombre possible, d'éditeurs, par amour pour la poésie. : "Poèmes pour les métamorphoses". Un manifeste.



GRACQ Julien - La presqu’île - Ed José Corti - PL


Le contenu du récit se réduit à presque rien : les quelques heures d'attente du narrateur qui se promène dans une presqu'île familière, en espérant que sa jeune maîtresse qu'il n'a pas trouvée en gare au premier train, arrivera par le convoi suivant. Le texte est un long recueil de sensations, variées, détaillées, multipliées, renouvelées, ou les bruits naturels qui constituent la note dominante des descriptions de paysage sont redoublées par la musicalité de la phrase qui fait de cette centaine de pages, un véritable poème en prose. Cette redondance de l'émerveillement devant le sonore, celui de la nature, celui de l'écriture, constitue le code organisateur de cet œuvre, ou encore, pour reprendre un terme de sémiotique, son idiolecte.



GUIBERT Hervé - A l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie - Folio - M.L.


Un sujet compliqué à aborder, celui du sida, dont il est atteint. Hervé Guibert contourne le problème pendant la première moitié du récit en parlant de la maladie de Muzil (Michel Foucault dans la réalité). Puis, il évoque les perturbations de la maladie sur lui-même, sur son rapport à l'autre surtout. Une écriture limpide, d'une grande beauté formelle.


"J'ai eu le sida pendant trois mois. Plus exactement, j'ai cru pendant trois mois que j'étais condamné par cette maladie mortelle qu'on appelle le sida. Or je ne me faisais pas d'idées, j'étais réellement atteint, le test qui s'était avéré positif en témoignait, ainsi que des analyses qui avaient démontré que mon sang amorçait un processus de faillite. Mais, au bout de trois mois, un hasard extraordinaire me fit croire, et me donna quasiment l'assurance que je pourrais échapper à cette maladie que tout le monde donnait encore pour incurable. "