Le dépôt
Librairie Lpb - lettre L
LACARRIÈRE Jacques - L'été grec - Ed Plon - P.L.
j’ai beaucoup aimé ce livre de voyages en Grèce dont le talent et la personnalité me semblent frères des livres de voyage de Nicolas Bouvier. Jacques Lacarrière est un exemple d’intellectuel comme je les aime, ce n’est pas un universitaire c’est un homme de terrain. C’est un grand helléniste et un observateur hors pair. Quelqu’un dont se sent l’humanité page après page. Je ne suis pas allé en Grèce mais c’est tout comme, tellement les pages de l’Été grec sont ensoleillées...
LAGARCE Jean-Luc - Juste la fin du monde - édition Les Solitaires intempestifs - M.L. - P.L.
Pièce très juste qui traite de l'impossibilité de communiquer, de dire quelque chose d'essentiel, de la volonté de rester dans le superficiel pour chasser d'un revers les vérités qui blessent.
Quand on la lit, on se demande quel est son intérêt et puis, une fois la lecture terminée, elle nous poursuit et nous interroge sur le monde et la relation que nous entretenons avec celui-ci.
« Les gens qui ne disent jamais rien, on croit juste qu'ils veulent entendre, mais souvent, tu ne sais pas, je me taisais pour donner l'exemple. »
« je pense du mal.
je n'aime personne,
je ne vous ai jamais aimés, c'était des mensonges,
je n'aime personne et je suis solitaire,
et solitaire, je ne risque rien,
je décide de tout,
la Mort aussi, elle est ma décision
et mourir vous abîme et c'est vous abîmer que je veux. »
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Je viens de finir de lire « Juste la fin du monde » de Jean-Luc Lagarce et retrouve les mêmes sentiments post-lecture que ceux que vous exprimez avec clarté dans votre note de lecture du Dépôt. Pourquoi Louis dit-il (à lui-même, dans un monologue, je crois) "la mort nous abime et c’est vous abimer que je veux", sachant que la mort abime tout et que personne n’a moyen d’empêcher ça… Alors pourquoi en parler ? En parler dans sa famille ou dans une pièce de théâtre (c’est bien pareil...) ?
Louis sait qu’il va mourir, et au lieu de craindre la mort - il veut mourir, de cette mort annoncée et imposée il fait une volonté. Je crois que si Louis ne dit rien à sa famille malgré son désir de la revoir avec comme motif annoncer aux siens sa mort, si Louis ne peut rien dire c’est parce qu’il n’y a rien à dire : la mort s’en chargera. Se chargera d’abimer tout le monde. C’est pour ça que j’aime cette pièce. Absolument linéaire et répétitive, d’une simplicité de langue familiale tout à fait vraie, juste, convaincante. Il s’agit donc d’une pièce sur la mort, sur la vie familiale, et sur la discrétion de l'auteur. Une pièce qui semble dire que la mort a beaucoup d’importance dans le peu à en dire des familles , qui semble dire que la famille est un nid, et la solitude un oiseau né dans ce nid. Si j’ai bien compris Jean-Luc Lagarce n’avait pas peur de la mort quand il a appris la sentence de sa "séropositivité" . Jean-Luc Lagarce fait preuve d’indifférence envers la mort.
C’est la mort qui est le sujet de la pièce. C’est pour cela que Louis se tait. Les membres de la famille de Louis, Louis inclus, communiquent, comme les membres de la presque totalité des familles… Qu’ils n'aient pas grand-chose à se dire est un fait. Sur la mort et sur l’amour, c’est un fait. Mais ils communiquent : la pièce montre de quelle façon les gens communiquent dans une famille, dans la presque totalité des familles, dans la presque totalité de l’humanité…
Cette pièce a eu une résonance dans le public et jusque chez les enseignants de littérature…à cause de la mort… dont il n’y a rien à dire... Il faut vivre sa mort pour pouvoir la dire. Pour pouvoir se lâcher comme fait Jean-Luc Lagarce.
LAMARQUE Pierre - Résidu - Editions Lpb - AL (collectif d'auteurs)
Je viens de terminer tes … et ai passé un excellent moment à les lire ! On se laisse emporter dans cette écriture à la fois mystérieuse et ludique. C'est une poésie qui est simple sans être facile. Je trouve la finale avec le chapeau levé excellente. J'aime beaucoup beaucoup. Merci P. pour la proposition de ce cahier que j'ai déjà lu en entier lors de mon dernier voyage en train et que je considère excellent. Il s'agit d'une poésie lumineuse, à la fois ludique et profonde, ancrée dans la modernité. J'aime la singularité de ce recueil, ce mélange de textes différents mais tous en direction de la poésie. Des poèmes sans en avoir l'air, un poète sans en prendre la posture et des textes qui restent en tête.
Parfois, on se demande ce qui se passe dans la tête de P. D'un poème à l'autre, P. prend son lecteur par surprise, une surprise toute poétique. Je préférerais le voir édité chez Flammarion, tant la flamme qui l'anime est inventive et nous allume pleins d'étincelles à sa lecture. La marque des grands poètes... Voici mon oui complètement sans filtre! J'avais, comme J., déjà lu ce recueil, car un homme bien gentil me l'avait fait parvenir de France jusqu'au Québec!!! D'ailleurs si on recherche dans nos courriels je me souviens t'avoir déjà donné un avis bien positif sur ce manuscrit il y a longtemps.
Bref, oui, oui et encore oui. Si ce recueil était une peinture, ce serait une peinture traditionnelle chinoise, maitrisant le vide et la respiration blanche. Un exploit dans ce monde de bavardages…Bravo! . Beaucoup de liberté, de fraîcheur et de jeu dans ton recueil, je trouve. On tourne une page sans savoir à quoi s'attendre, sur quelle audace on va tomber, et l'on sent le plaisir que tu as eu à écrire ces textes. Tout le recueil me fait penser à quelque chose qui s'approcherait de la peinture naïve : c'est coloré, vif, émouvant, drôle, incompréhensible, effronté, sauvage, expérimental, sans se prendre au sérieux. On est souvent surpris, déboussolé ou intrigué par ces pages qui sont comme des esquisses d'un grand "texte libre extrême", comme l'annonce "Ouvrade"...
Ça vit bien, ça fourmille, ça foisonne ! Ton écriture a ce quelque chose de faussement naïf, brut et spontané; Le travail sur les vers est délibérément ingénieux et osé... Pour ça bravo !
Quelle honnêteté créative !
Avégédor Lourfique Marquis de Lalèche
LANGEVIN Simon A - Faune - LPB éditions - PL
Je me suis régalé… cinq étoiles … un chef d’oeuvre !
C’est une histoire simple, linéaire, lisible dès l’adolescence, à la fois branchée sur la nature et sur l’esprit, l’évolution de l’esprit, d’un jeune homme de presque douze ans…c’est très bien construit, très bien dit, et j’aime beaucoup cette simplicité de ton et de rythme, pleine de suspens… j’aime bien la disposition en début de ligne des tirets de dialogue, ça rend la lecture claire… j’aime la pensée limpide exprimée dans le texte tout au long du récit...
Vraiment cette lecture m’a fait du bien comme un bain peut faire du bien…
J’observais mon propre état d’esprit en lisant ce récit et je remarquais que cette lecture me détendait au fur et à mesure que j’avançais dans les pages… cette écriture a des effets relaxants sur le lecteur… sans doute le rythme des phrases…les mots… le climat créé…
L’identification à un jeune homme de presque douze ans est remarquable de vérité… Au-delà, le plus intéressant se trouve selon moi dans l’évolution des évènements et dans l’évolution de l’esprit du jeune homme..
J’ai personnellement été frappé par un évènement qui s’est produit quand j’avais le même âge que le héros de "Faune"… je me souviens donc très bien de qui j’étais à cet âge et comment je raisonnais…
Victor a fait écho en moi… Victor devrait faire écho en beaucoup de lecteurs…
Le synopsis de ce récit pourrait se résumer en une phrase donnant une limpide esquisse du scénario...
Plus j’avance dans la lecture plus j’ai l’impression de deviner la suite, même si pourtant je ne devine rien du tout...
le plus important dans un récit de fiction réussi, c’est qu’il soit vraisemblable, et vraiment le récit est bien mené ; depuis le début du récit s’installe une tension qui arrive à son comble dans les dernières pages...
« Avant, il se couchait lorsqu’il faisait noir et se levait lorsqu’il faisait jour, sans jamais remarquer ce laps de temps précis où le jour basculait dans la nuit, et quand, de la nuit, naissait tranquillement le jour. Et là, cela lui paraît fabuleux. »
...une impression fugace, une impression de vie, saisie en quelques mots…
« l’astre solaire telle une locomotive en flammes dans sa course effrénée «
… voilà une belle image… cette simplicité dans l'écriture fait selon moi la force de l’écriture...
« C’est comme si un fragment du soleil était tombé au sommet de cette colline »
LAROCQUE Pierre - A - Et si les pâtisseries étaient moisies? - Les herbes rouges, 1990 -
On sonne à la porte. Elle ouvre. C'est Mistère Freud. Elle peut lui faire confiance. Il enquête sur la libido liquide. Elle le fait entrer poliment. Il laisse de grosses taches sales sur son tapis mauve. Elle se précipite à genoux et frotte. Ses larmes coulent dans son kleenex (mouchoir en papier doux trois épaisseurs à 1.95$, pourquoi s'en priver). Elle croque des aspirines toute la journée en cachette.
LASVERNE Alain - Web voyage - ÉLP éditeur - P.L.
J’aime bien parler des livres qui m’ont troublé… car ce récit à la première personne d’un certain Jérémie m’a troublé. Bien que pas séduit par la qualité des ses périphrases, j'ai été troublé comme si j’entrais dans un monde de mots à la fois banal et à part, il faut dire que le phrasé de l’auteur est particulier, fait d’un temps composé de petites propositions indépendantes reliées entre elles comme par une aiguille, l’aiguille de l'écrivain…
Le narrateur raconte des bribes de l'histoire de Jérémie, chômeur et homme sans qualité particulière, qui entretient une relation amoureuse avec une femme, lui dans son appartement, elle dans le sien, il voudrait bien partager son appartement mais cela ne se fait pas, chacun chez soi, et malheur de plus, ce pauvre homme perd son ordinateur dans un wagon, ou plutôt, d’après le narrateur, se le fait voler - mais le récit est trop confus pour savoir la vérité, Jeremy veut que sa compagne l’écoute, il est obsédé par la perte de son ordinateur, il veut que la femme prenne la mesure de son manque… en gros l'histoire se partage entre les moments que Jérémy passe avec elle, les allées et venues à Pôle emploi, et son enquête pour retrouver l’ordinateur, d’abord aux objets trouvés de la SNCF puis à la poursuite du voleur que lui aurait désigné un joggeur trois semaines après le vol…
Quelque chose d’invraisemblable... Pas très folichonne la trame romanesque…Non, ce qui m’a troublé c’est l’intention de l’auteur. Le message que l’auteur veut faire passer c’est, selon mon interprétation, un message qui dénonce non pas l’absurdité, mais l’insignifiance de la vie…
La fin du livre est trouble, le rêve de la vie insignifiante de ce quidam tourne au cauchemar, insignifiance, étrangeté, cruauté, violence....
LAWRENCE D. H. - L'amant de Lady Chatterley - Le livre de poche - P.L.
L’amant de Lady Chatterley, c’est une histoire d’amour mais aussi un livre qui parle de la libération des femmes, du pouvoir de l’argent, de l’évolution des moeurs et de la société du temps de l'écrivain, le tout début du XXème s., il y a cent ans, accessoirement de la nature. Même si l’histoire est prenante et bien racontée, ce n’est pas un roman précieux pour moi. Même si j’ai aimé cette histoire. C’est une question d’écriture, linéaire et sans surprise. Une écriture emprisonnée par les contraintes de la réthorique romanesque d'une époque finissante.
LE BALEINIÉ, dictionnaire des tracas (C. Murillo, J.-C. Leguay, G Oesterman) - Ed. Seuil - PL
L’ouvrage se lit en un quart d’heure (tome 2 du Baleinié au Seuil) - c'est un ouvrage tout à fait drôle composé de néologismes inventés par des auteurs et de leur définition fine : il s’agit d’un dictionnaire de néologismes en rapport avec des tracas de la vie quotidienne qui passent inaperçus et ne font pas l’objet d’une littérature d’observation, comme c’est le cas dans ce livre...
LE CLEZIO Jean-Marie Gustave - L’inconnu sur la terre - essai - Ed. Gallimard
Extrait
On voit ce qu'il y a à l'intérieur des arbres. On ne le voit pas vraiment avec les yeux, mais on le sent. C'est là, devant moi, comme une armature raidie à l'intérieur du tronc. Les arbres sont immobiles, bien calmes, dans le vent, dans la lumière. Oui, ils sont ainsi. Et pourtant, on sent les flammes dures et brillantes qui sont debout à l'intérieur de leur tronc. Jamais on n'a senti à ce point la force cruelle et obstinée de l'existence. Les arbres sont droits et solides. Partout, sur la terre sèche, brûlent les flammes solitaires. Elles sont dressées, debout, pareilles à des hommes, pareilles à des statuts, et ces flammes brûlent, à la fois chaudes et froides, denses, faisceaux de lumière concentrée. Autour d'elles, l'espace nu, vide, silencieux. Toute la vie organique est dans ces flammes qui brûlent sans vaciller.
On est devant les arbres, et on ne voit que ces flammes, de tout son corps. Jamais les yeux ne les verront, car elles sont cachées par l’écorce des troncs, par la terre compacte, par les feuillages. Branches enflammées, racines enflammées. Les petites feuilles qui pivotent dans le vent et jettent des étincelles. Le verre du feuillage est une large flamme gazeuse, l'ombre noire est une tache calcinée. Les arbres sont si proches du feu que, parfois, du ciel vient à la charge électrique électrique qui d'un seul coup les allume. Arbres de foudre, arbres d'incendie !
Qu'est-ce qu'on est soi-même avec sa petite vie d'animal, devant tant de force ? On sent partout ces flammes verticales debout sur la terre, on avance au milieu d'une forêt de flamme. Je ne voudrais jamais cesser de sentir cela, la dureté, la volonté, l'exigence des arbres. Pour cela, tout le temps, je vais vers les arbres, sans m'approcher trop. Je ne veux pas être en eux. Je ne veux pas leur parler. Je veux seulement sentir le rayonnement, entendre le bruit de la force, sentir grandir en moi la lumière de toutes ces flammes verticales. Il n'y a pas de plus grande ivresse que cette vie, debout sur la terre, cette vie continue. Les arbres ne bougent pas, ne parlent pas. Ils sont solitaires comme les montagnes, et leur paix s'étend sur toute la surface de la terre. Mais ils brûlent, et leur flamme dure répondent aux flammes du soleil. Leurs flammes sont les flamme de la terre, nourries d'eau, de vent et de lumière.
Le bleu du ciel insistant, inamovible – lumière, tendue – et l'apaisement, quand viennent les premiers nuages.
J.M.G. Le Clezio - L’inconnu sur la terre - essai - Ed. Gallimard
LÊ Linda - Au fond de l’inconnu pour trouver l’infini - Christian Bourgeois éditeur - GS/ PL
Linda Lê était une grande lectrice d'une fine érudition et d'une grande sensibilité artistique. J’aime l’intégralité de l’œuvre de Linda Lê, mais tout particulièrement son recueil de critiques littéraires dont le titre reprend un vers de Charles Baudelaire.
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Cet essai critique de cent trente pages porte sur seize écrivains et un éditeur - personnages de la littérature.
En vérité beaucoup plus que dix-sept, un monument de critique littéraire écrite en phrases denses entrecoupées de virgules, véritables poèmes en proses de critique littéraire. Linda Lê, l'autrice, née en 1963 à Dà Lat au Vietnam et morte en 2022 à Paris est peu connue du grand public malgré un succès critique indéniable, maintes fois couronné de prix.
On reconnait un bon critique littéraire aux auteurs dont il choisit de parler et à la manière dont il en parle. Pour les amoureux de littérature les essais de critique littéraire sont le genre princeps. L’esprit critique est, au fond, en y réfléchissant bien, la principale qualité d'écrivain.
Robert Walser - Louis-René des Forêts - Juan Rodolfo Wilcok - Felisberto Hernandez - Georges Perros - Tomaso Landolfi - Osamu Dazai - Stanislas Rodanski - Sándor Márai - Ladislav Klima - Louis Calaferte - Karel Čapek - Stig Dagerman - Ghérasim Luca - Hanokh Levin - Simone Weil - Christian Bourgeois
`LÉPINE Laurence - Sans respirer - Ed. Aux cailloux du chemin - PL
Un livre de poésie que j'ai beaucoup aimé... pour sa grâce, sa légèreté, son apesanteur.
LISPECTOR Clarice - Près du coeur sauvage - Editions Des femmes Antoinette Fouques
LODGE David - La chute du British Museum - Rivages poche - P.L.
La chute du British Museum de David Lodge, vraiment "un tout petit monde". Le livre La chute du British Museum m’a donné une claque mais une claque de mauvais goût, de superficialité, de mensonge, de mauvaise foi, de snobisme, de degré zéro de la littérature. La fin est absolument pathétique mais pathétique pour l’ auteur , vraiment un britannique ridicule. C’est le premier livre que je lis et que je trouve totalement raté et nul. Je l’ai pourtant lu jusqu’au bout car je voyais bien qu’il se passait quelque chose de dramatique (pour l’auteur) et je voulais voir le bout du bout de son livre. Une horreur, une plaie béante ! Je ne comprends pas que les éditions Rivages poche se permettent de dire que David Lodge, né en 1935, est l’un des plus grands écrivains britanniques. Je vais écrire aux éditions Rivages Poche pour leur demander le remboursement de ce défilé de mots, de cette mascarade littéraire. Jamais je n’avais éprouvé autant de mépris pour un auteur aussi insensé, auto complaisant, aussi minable ! L’histoire que David Lodge se fend à raconter sans aucune verve est invraisemblable au point que c’en est cocasse. Ce qui me surprend c’est que ce livre soit si nul.
LORIN Matthieu - Proses géométriques et arabesques arithmétiques - Les éditions du nain qui tousse - P.L. - J.-M. M.
J’ai reçu son recueil Proses géométriques et je l’ai lu comme si c’était la première fois… une littérature qui se rapproche de la personnalité de Brautigan avec sa propre interprétation de ce genre de poésie confidence…Se déroulent dans ses textes des comparaisons étranges et singulières, me rappelant l’étrangeté de Beckett, de nature à choquer le sens, entre l'évocation des états d’âme et les formes géométriques, entre l’émotion et les figures abstraites…entre deux modes de représentation du monde, l’un concret par les mots et l’autre abstrait par les mathématiques c’est très intéressant de faire ce grand-écart, ce n’est pas si facile de le lire, ça demande des qualités de lecture dont tout le monde n’est pas capable......Le recueil papier est vraiment autre chose qu’une lecture sur un écran… l’harmonie qui règne entre les textes et les illustrations est remarquable avec ses oeuvres d’artiste, Marc Giai-Miniet sait donner des formes étranges et scabreuses à l’écriture des ces Proses géométrique et arabesques arithmétiques … j’aime particulièrement le texte de la page 29 « L’ombre de l’inspiration est passée » .
On tient le livre d’artiste et toutes les opérations intellectuelles de lecture et les gestes qui les accompagnent s’en trouvent différents : on perçoit le livre différemment si c’est un livre papier et un écran… rien ne peut remplacer la page…
La poésie de Matthieu m’intéresse beaucoup, après le recueil Le tour de moi en 31 insomnies, Proses géométriques et arabesques arithmétiques de Matthieu Lorin, d’autres poèmes à lire et à suivre de près…
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J'ai reçu les poèmes de Mathieu, et, ce matin, ai commencé à suivre les lignes et courbures et textures de sa géométrie mentale/sensible/concrète (étrangement). "Malgré la pluie, tracez
à la craie blanche un cercle dont le rayon reprendra la distance qui vous sépare de vous-même."
Ce Problème de poésie géométrique ouvre un labyrinthe, un espace un peu douloureux dans nos têtes.
Et on est prêt à le suivre, page après page, Mathieu. Se tisse je trouve avec les aquarelles un jeu d'écho troublant.
Des harmoniques. Une tension, qui en nous résonne/raisonne.
(synchronicité étonnante, dans mon dernier livre, Hannah, une jeune poétesse qui sait des choses sur la douleur, a écrit des Poèmes géométriques...)
LORIN Matthieu - L'éboulement du temps - Ed. Aux cailloux des chemoins - IH
Georges Perros et Thierry Metz ont en commun une personnalité certes différente mais dont se dégage une humanité bien reconnaissable dans les deux cas, Matthieu Lorin se situe dans l’humain comme eux… il s’agit avant tout d’une question de sensibilité. C’est ce qui nous rend ces gens proches. Pareil pour Nicolas Bouvier. Ce sont des gens qui pour moi sont des vrais, des purs, des bons, des exemples d'humanité… et il y a comme ça aussi des femmes que je pourrais citer, Marguerite Yourcenar, Marguerite Duras, Anaïs Nin… Le fait de pouvoir écrire est une chance dans la vie.
Je lis l’histoire que Matthieu a écrite, la sienne, comme le travail d'une conscience qui se remémore. On n’est pas dans le récit. Ou bien alors on est dans un récit abstrait.
Celui qui cherche le sensationnel dans une biographie sera déçu avec Matthieu Lorin. Il est plutôt mesuré, calme, réfléchi. Et à côté de ça inquiet, dans le doute, introverti. Il se livre tel qu'il est, c’est ça le secret…
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LORIN Mathieu - L’éboulement du temps - Ed. Aux Cailloux des Chemins - PL
Le titre - L’éboulement du temps - résume le recueil. Il s’agit d’abstractions peintes par petites touches lyriques portant sur des moments de vie de l'auteur Matthieu Lorin. Je crois déceler au fond de lui une tendance de plus en plus nette à l’expression de l’émotion à travers des images à la fois abstraites et lyriques, à la fois universelles et uniques. Le corps et le monde se confondent dans l'éclatement des images. Depuis que je connais Matthieu Lorin, depuis cinq recueils parus, je suis étonné par son chemin poétique. À chaque pas étonné, étonné et ému, ému et charmé, charmé et peuplé d’impressions nouvelles . ..
LORIN Mathieu - L’éboulement du temps - Ed. Aux Cailloux des Chemins - SC
L'éboulement n'est-il pas un roulis dynamique? Pourquoi serait-il interdit d'avancer à l'aulne de ses larges pas s'effondrant sous la tonicité d'un pacte de résistance signé avec son propre devenir?
Le projet de Matthieu Lorin est immense. Il s'agit peut-être d'écrire l'ancrage premier, de dire le vécu à la racine souple et vacillante d'un espace-temps qui n'a rien de fragile car il s'effrite en se créant. Comme si l'éboulement n'était que la ruse victorieuse de l'effondrement, par là-même terrassé? Le verbe est celui du miroir déformant, ressenti du poète, qui n'est, en réalité-verité-subjective, rien moins que l'expression de sa forme intime. Là est toute notre condition. Et Matthieu Lorin rejoint les poètes amateurs de trajectoires difficultueuses. Celles qui tentent de formuler la complexe croisée de l'entre soi et du monde.
À la lecture de l'éboulement du temps, c'est comme s'il était limpide, s'il sautait à la figure du lecteur, que l'écriture poétique n'est rien d'autre que de l'être-forme. Ici, le mot éboulement évoque la marche du poète cabossée-froissée-au-monde. De la naissance, comme une connaissance rétroactive de soi, jusqu'à un présent où la direction interne et inaccessible est tenue ferme: "les confins de l'Orient". Car le lecteur est bien convaincu que dès l'origine, l'être n'a pas eu d'autre alternative que de se dire au travers du miroir-déformant-formant-forme qu'est celui du dire poétique. La puissance des images rendant compte du corps en hameçonnage-tiraillements perpétuels, exprime la grandeur de nos achoppements existentiels. Oui. On s'y retrouve.
Alors comment connaître sa clé ? Celle qui régit notre rapport à l'espace-temps ? Ici, elle n'est-elle pas dévoilée dans le titre : l'éboulement du temps ? Il ne s'agit pas que de jouer sur les sonorités en rimailleur interne du dimanche. Cette suite poétique de strophes bien cadencées, ne serait-elle pas celle d'une néo-épopée portant dans son titre toute la motion de l être allant en éboulant-s-éboulant?
LORIN Matthieu - Souvenirs et grillages - Ed. Sous le sceau du tabellion - PL
J’ai adoré lire Souvenirs et grillages ! Je trouve cette poésie pleine de sensibilité, de fragilité et de force mêlées… et surtout de la poésie à travers le gris !
Vraiment chapeau bas et panache haut comme dit un gars de chez nous. J’ai corné beaucoup de pages du livre… je propose chacune
d’elles comme simples poèmes pour la revue Lpb .
LORIN Matthieu - Un corps qu’on dépeuple - Exopotamie éditions - PL
Chez Matthieu Lorin je découvre ‘Un corps qu’on dépeuple’. Voici mon sentiment juste après la lecture : j’aime beaucoup explorer l'émotion qui se dégage des mots…Si je ne saisis pas d’un coup, si je ne tiens pas sous le choc de la découverte, je reviens. J’adore le rythme du jet et j’adore le sentiment qui se trimballe d’un poème à l’autre. J’aime aussi ce que je ne connais pas du poète, que je ne comprends pas, que je désire connaître. Sa poésie me surprend. Sa façon de marier les mots me surprend. Sa façon de penser me surprend. Façon d’avancer. De se faire entendre. ‘Un corps qu’on dépeuple’ procure en moi une émotion nouvelle que je compare à un merveilleux tremblement de terre !
LORIN Matthieu - Un corps qu'on dépeuple - Exopotamie éditions - Sandrine Cerruti (SC)
Un "je"-dur-à-cuire" ou comment perd le "on" dépeupleur…
Un corps qu'on dépeuple ? Oups... Pas si vite. En guerre au cœur des cruautés-écorchures, le "je" de chaque période d’une vie hissée à dimension épique, s'invente au fil d'une dynamique produisant ses propres entailles créatrices, entre suite de chants resserrés et cadencés par une revisite poético-épique, absolument originale de la lettre.
pages 11 à 15… suite de chants naissance-comme-qui-éventre
Ça commence. Le petit-dur à cuire prend les devants : "Scier, puis disparaître dans l'encoche." La mauvaise graine faite de "mauvais bois" ne mènerait-elle pas le jeu, forte d'une auto-ironie-blindage-ultime : "Depuis, je laisse l'ensemble sécher à température ambiante,"? La tête de pioche fait le tour de son bois filandreux : "Ma tête", "la forêt de mes mâchoires", "les caries sont les fresques et mes mensonges des torches." et du désastre avarié naquit la lumière qui crève et dépose ses suies sur le plafond.
page 16 : première lettre à Madame
Au fil du déroulé poétique, l'auteur renouvelle l'usage de la lettre, ici, pour la première, dans son acception poétique, il exprime, non sans un petit ton menaçant, son intention de « repeupler ce corps » à une destinataire-Madame, et le triomphe du corps-vaurien aux "salutations défectueuses » et expose la toute-puissance de "la force du chien débarrassé de son harnais". Échec au dressage ? C'est bien fait !
pages 17 à 25… adolescence-comme-cris
Le "je" nous gratifie de sa Saison en Enfer. Encore. C'est le corps soumis à la torture qui parle. Évocations dépeçage. Ça grince. Ça achoppe. Ça déchiquète "Rancœurs et frottements", "démonte les viscères", "nerfs à vif". Mais le vaurien est un blessé-retourneur : " je démonte l'horizon pour le mettre en poche." C'est le petit fugueur dans le labyrinthe de Shining" je préfère rebrousser chemin". Indocilité raide : " une inquiétude verticale". Fomenteur horizontal : " Sa colère finira bien par se coucher en chien de fusil". Le verbe poétique : de la dynamite en couveuse bien collée aux ampoules ontogénésiques[D1] : " Je dynamitais à la marge, j'étouffais la grammaire comme un scrupule, un scandale, ou le premier cri." Deleuze, son cri philosophique. L'ellipse du cri de Garcia Lorca. Celui de Munch.
page 26 : deuxième lettre à Madame, Monsieur,
Deuxième lettre. L'embauche. Toujours vociférateur : "un cri penché sur une plaie." Je me présente, moi, faites gaffe, je suis charpie-battante.
pages 27 à 47 … temps-corps-en-chantier
Se départir. Se défaire de ses gales maltraitantes. La mort de Dieu : " Cette envie de beugler étouffée par la foi.", " M'agenouiller et tordre mes jointures." Se jeter-au-vide. Balbutiements-poétiques. La syntaxe-peinture-fraîche. "La parole, seul rhésus qui compte." Alors il faut tuer un tu : "D'abord, tu n'avais de cesse de me rappeler tout ou partie du corps." Quitter un tu. Des adieux ? : " Ta pointe est précise, elle brise le nerf du tranchant." Avancer en conflit aux écorchures à l'hémoglobine fertilisante. Avancées-en-barbelés : "couteau dans une volaille", "éventrer fatigues et souvenirs". En arrière-plan le labeur griffu des mains. L'émergence du poète. Poète. Son dire-du-où-ça-griffe : "mon crayon fait pencher les insomnies", "mes doigts franchissent sommets et frontières", "l'espoir de renverser une syntaxe". Le poète ne pose pas des fondations. Il est du monde du faîtage : " Mes appels auront dorénavant l'assurance des fatigues centenaires, »
page 48 : troisième lettre à Madame
Voici la lettre trois. Adressée à la mystérieuse Madame. S'agit-il d'une absolue, d'un absolu ? Je te fiche mon billet que ce "je" vient agrandir le cercle élastique des chercheurs d'absolu. Le donnez-moi de la boue pour en faire de l'or baudelairien. Tous héritiers de cette popote alchimique ? C'est comme ça. Il y a de la transmutation métallique dans les chairs : « ce corps rafistolé par les services sociaux ». Et concernant « mes usures », la destinataire est prévenue : « Elles se glisseront dans les angles du temps ou la limaille un peu rouillée d’une porte d’entrée rafistolée. »
pages 49 à 59 … la-peau-retournée-comme-un-gant
La poésie de Matthieu Lorin est celle du corps dépeuplé sur lequel le bouche-à-bouche-aux-dents-cassées engendre le poético-increvable : "Fournir à la morale des paysages de débâcle.", "Je frôlerai les herbes et les barbelés, affronterai la parole sèche." La mort, elle-même terrassée au moyen du pacte faustien passé entre les entailles et leur dépassement ? Le "on" dépeuplant du corps aurait-il perdu ? "Déguiser la mort entre ses doigts comme on écrase un pou," moi, je me réjouis. Je dis que c'est bien fait. Les "on" sont des indéfinis. Rien que des indéfinis. Indéfinis neutres en plus. Inexistants que vous êtes ! Et à ce titre, ils ont perdu d'avance les « on » d’ « un corps qu’on dépeuple ». C’est bien fait !
page 60 : dernière lettre quatre à Monsieur
Oui. Je confirme mon interprétation. C'est la défaite du on. " je remiserai au fond de mes poches la poésie et cette idée de tout faire péter, les corps comme les reproches." C'est bien dit !
"Dans la vie on ne fait pas ce que l'on veut mais on est responsable de ce que l'on est." Jean-Paul Sartre.
Mathieu Lorin, alchimiste à l'explosif corrosif de jus de blessure. De jus de celui qui dynamite les dépeupleurs. Il fallait bien une brève épopée aussi resserrée que les grains sanguinolents formant un ensemble-poème-grenade-rouge-abattoir qui éclate en poussant son cri d’énergie-rage. Qu'on se le dise…
LORIN Matthieu - Un corps qu’on dépeuple - Exopotamie éditions - Tristan Felix (TF)
https://www.recoursaupoeme.fr/matthieu-lorin-un-corps-quon-depeuple/
LOWRY Malcolm - Sous le volcan – Les cahiers rouges - M.L.
Roman difficile d'accès. L'on suit les déambulations de Geoffrey Firmin, consul au Mexique, hanté par l'alcool et des crises de delirium tremens.
On ne comprend pas toujours tout (en tout cas, je n'ai pas toujours tout compris) mais il en ressort une atmosphère poignante et la relation entre Geoffrey et sa femme Yvonne, laquelle l'a trompé, est poignante.
Jetez-y un oeil car c'est un roman qui ne ressemble à rien d'autre. Une expérience.
« Aussi quand tu partis, Yvonne, j'allai à Oaxaca. Pas de plus triste mot. Te dirai-je, Yvonne, le terrible voyage à travers le désert, dans le chemin de fer à voie étroite, sur le chevalet de torture d'une banquette de troisième classe, l'enfant dont nous avons sauvé la vie, sa mère et moi, en lui frottant le ventre de la tequila de ma bouteille, ou comment, m'en allant dans ma chambre en l'hôtel où nous fûmes heureux, le bruit d'égorgement en bas dans la cuisine me chassa dans l'éblouissement de la rue, et plus tard, cette nuit-là, le vautour accroupi dans la cuvette du lavabo ? »