La
page
blanche

Le dépôt

NOTES CRITIQUES

Critiques

Librairie Lpb - Lettre O



ORWELL George - 1984 - folio Gallimard - Trad Josée Kamoun - SC


il perd toute sensation sinon celle de la page blanche devant lui." (p 19).


Le personnage principal, Winston, se cale dans un angle de son appartement afin d échapper à la surveillance de Big Brother. Il se place devant une page blanche afin de se lancer dans l écriture d un journal. Cette activité est interdite par le régime. Si elle était découverte, elle "serait punie de peine de mort, ou d au moins vingt-cinq ans de travaux forcés." (p 17)




OSTER Christian - Loin d’Odile -Les éditions de Minuit - M.L.


Un des écrivains contemporains français que j'estime le plus. Drôle et profond à la fois. Et surtout, l'écriture est vraiment remarquable.

L’histoire d’un homme quitté par Odile et qui refait sa vie… avec une mouche.


« Peut-être, dis-je. Peut-être que tu vas trop vite. Je ne te connaissais pas, Jeanne. Je ne peux pas aller si vite. Dans l'idéal, ce que j'aimerais, c'est que tout s'arrête, mais je ne peux pas m'arrêter avec toi. Moi, si jamais je dois revivre un jour, j'aimerais que ce soit sur le bord de quelque chose, qu'il y ait quelque chose à voir du bord où je vivrais, et que je prenne le temps de le voir en me disant que c'est ça, peut-être, vivre, regarder quelque chose qui n'est pas à proprement parler la vie mais qui la rappelle, un reflet, une photo, pendant que là où l'on est la vraie vie, celle qui s'échappe, la vraie vie coule, elle, mais toi, je veux dire moi, tu regardes ailleurs. Et même quand ton regard tombe sur toi tu t'arrêtes, tu fais un pas de côté en prenant garde de tomber toi-même dans ce vide au bord de quoi tu vis, et tu regardes, et tu dis j'existe, mais toi, Jeanne, non, tu ne veux pas attendre, tu ne veux pas regarder, je ne sais pas ce que tu veux, dis-je. Mais je sais ce que je ne veux pas. 

Tu es complètement fou, dit-elle avec simplicité. »



OZBOLT Jeanne -Victor HUGO - éditions Ellipses - V.O.

 

     Biographie composée de sept grandes parties chronologiques pour 525 pages (la dernière, sur la postérité, pouvant être simplement consultée), divisées en chapitres courts, avec des extraits d’œuvres, des témoignages, de nombreuses anecdotes... Cela rend la lecture simple et plaisante, adaptée au grand public, pour un livre dont la taille peut, à première vue, impressionner. Nul besoin, donc, d’avoir beaucoup lu Hugo auparavant. Nul besoin également de tout lire si on s’intéresse à des périodes ou à des œuvres en particulier.

     

     Ce livre nous fait voyager dans la vie et les créations du génie, dans le Paris du XIXe siècle, dans l’Histoire pleine de péripéties de cette époque. La précision des événements nous en offre des tableaux on ne peut plus vivants.      

     Je pense par exemple à ce véritable enchaînement de scènes d’action : la fuite in-extremis à Bruxelles de Victor Hugo, suivie de celle de Juliette Drouet, tous deux recherchés, parfaitement orchestrées par celle-ci, après le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte, le 2 décembre 1851.

     On pourrait citer de nombreux autres événements, parmi les souvenirs d’enfance, les  voyages (notamment avec cette même Juliette Drouet), l’accident tragique de Léopoldine Hugo, la vie en exil, les discours à l’Assemblée... jusqu’aux funérailles nationales.

     On ne peut qu’être sensible aux liens intimes entre la vie et l’œuvre de l’auteur : par exemple, on apprend que la scène des Misérables où Fantine se bagarre contre un homme qui l’a importunée, ce qui lui vaut d’être interpellée, est l’exacte réplique d’une scène de rue dont il a été témoin (il était alors lui-même allé déposer sa version des faits au commissariat pour faire libérer la jeune femme).

     Victor Hugo a eu un succès planétaire de son vivant (tant comme écrivain que comme humaniste), ce qui n’est pas donné à tous les personnages qui passent à la postérité. Pour autant, il a énormément souffert dans sa vie personnelle, mais aussi à cause des très nombreuses moqueries à son encontre : en littérature comme en politique. On sourit en songeant que le critique Jules Barbey d’Aurevilly estimait que Les Contemplations devaient vite tomber « dans l’oubli des hommes ».

     On nous rappelle que Hugo, en plus d’avoir été ce que j’appellerais un créateur décathlonien (roman, poésie, théâtre, textes historiques, discours, récits de voyage, lettres, agendas de Guernesey, mais aussi œuvres graphiques et caricaturales, décoration de sa célèbre maison d’Hauteville House), en plus de ses fonctions politiques, s’est notamment intéressé à la daguerréotypie, à la photographie, et même au spiritisme.

     Ses combats et son regard visionnaire sont époustouflants : lutte contre la misère et la peine de mort, pour le droit de vote au suffrage universel, pour les droits des femmes, des enfants, des animaux, pour la liberté de la presse, la défense du patrimoine et de la nature, les « États-Unis d’Europe », etc.  

     Mort à 83 ans, on se dit qu’il ne s’est jamais arrêté de toute sa vie et qu’il aurait pu continuer encore indéfiniment : écrire et voyager encore, combattre de nouvelles causes, aimer de nouvelles femmes...

     Dans le dernier chapitre sur sa postérité, un parallèle intéressant est fait avec son influence dans les camps de concentration nazis de la Seconde Guerre Mondiale.

     Je n’ai ainsi pu m’empêcher d’imaginer un Victor Hugo vivant aujourd’hui, quelque deux siècles plus tard. En cinéaste par exemple, lui qui a tant excellé dans le théâtre (avec peut-être des scandales, des photographies en couvertures de magazines, mais là n’aurait pas été l’essentiel pour autant).

     Il aurait connu l’abolition de la peine de mort en France et d’autres lois de progrès social comme le droit de vote des femmes, la création de l’Union Européenne, la déclaration universelle des droits de l’homme, la déclaration des droits de l’enfant, l’Organisation des Nations unies. Mais tant d’injustices l’auraient également frappé, qu’il aurait dénoncées sans relâche ! Ce dernier point relève évidemment de la libre interprétation de tout un chacun.

     

     Une biographie qui donne envie de lire ou de continuer à lire l’œuvre hugolienne. Car qui a tout lu ? Il faudrait sans doute plus d’une vie pour le faire. Alors, devant tant de choix, ouvrez le menu et commencez par ce qui vous inspire le plus.

 

Victor Ozbolt.