Le dépôt
Librairie Lpb - Lettre F
FANTE John - Demande à la poussière - éditions 10/18 - P.L.
"C'est une vraie histoire que John Fante, c'est une histoire de chance, de destin et de grand courage. Un jour peut-être on vous le racontera, mais j'ai le sentiment qu'il ne veut pas que je vous le raconte. Mais laissez-moi vous dire que ses mots et sa vie sont les mêmes : forts, bons et chaleureux. C'est tout. Maintenant le livre est à vous." Charles Bukovski
FAULKNER William - Absalon, Absalon ! – collection L’imaginaire - M.L.
Difficile d'accès, incompréhensible, envie de jeter le bouquin au feu car comprendre une page équivaut à une partie d'échecs et puis, à un moment donné tout s'éclaire comme le soleil lève le brouillard, comme l'eau soulève le couvercle pour dire que je suis prêt. Alors nos yeux se décillent comme dit la Bible.
Écrivain de génie qui se prétendait seulement un modeste terrien américain.
« On laisse si peu de trace, voyez-vous. On naît, on essaye ceci ou cela sans savoir pourquoi, mais on continue d’essayer ; on naît en même temps qu’un tas d’autres gens, tout embrouillé avec eux, comme si on s’efforçait, comme si on était obligé de faire mouvoir avec des ficelles ses bras et ses jambes, mais les mêmes ficelles sont attachées à tous les autres bras et jambes et tous les autres essayent également et ne savent pas non plus pourquoi, si ce n’est qu’ils se prennent dans les ficelles des autres comme si cinq ou six personnes essayaient de tisser un tapis sur le même métier mais avec chacune d’elles voulant tisser sur le tapis son propre dessin ; et cela ne peut pas avoir d’importance, on le sait, ou bien Ceux qui ont installé le métier à tisser auraient un peu mieux arrangé les choses, et pourtant cela doit avoir de l’importance puisque l’on continue à essayer ou que l’on est obligé de continuer, et puis tout à coup tout est fini et tout ce qui vous reste est un bloc de pierre avec quelque chose de griffonné dessus, en admettant qu’il y ait quelqu’un qui se souvienne ou qui ait le temps de faire mettre le marbre en place et d’y faire marquer quelque chose, et il pleut dessus et le soleil brille dessus et au bout d’un peu de temps on ne se rappelle plus ni le nom ni ce que les marques essayaient de dire, et cela n’a pas d’importance. »
FAULKNER William - Tandis que j’agonise - Folio - M.L.
Moins difficile à lire que "Le bruit et la fureur", c'est un livre magnifique.
L'histoire grotesque d'une famille (un père et ses 4 enfants) qui doivent parcourir quelques miles avec le cercueil de la mère pour l'enterrer auprès de sa famille. De multiples déroutes les attend : le cercueil qui tombe à l'eau, un enfant qui devient fou, un autre qui se casse la jambe et qu’on cimente littéralement, le cercueil percé au vilebrequin par un enfant persuadé que "maman est un poisson"...
Pour moi, le meilleur livre que j’ai jamais lu.
"Des fois, je ne sais pas trop si l'on a le droit de dire qu'un homme est fou ou non. Des fois, je crois qu'il n'y a personne de complètement fou et personne de complètement sain tant que la majorité n'a pas décidé dans un sens ou dans l'autre."
FAULKNER William - Le Bruit et la fureur - éditions Folio - M.L.
Les deux premières parties (215 pages tout de même) sont très difficiles, en tout cas pour moi : la narration se fait à la 1ere personne et, dans la partie 1, c'est un handicapé mental qui s'exprime. Cela va dans tous les sens. Ce n'est même pas digressif, c'est une volonté de représenter le psychisme de ce personnage (Benji) et donc on s'y perd royalement. Par exemple, voir une partie de golf lui rappelle sa sœur, surnommée Caddie.
Dans la deuxième partie, on est cette fois dans l'esprit de son frère, Quentin, habité par la colère et une relation presque incestueuse avec sa sœur, Candice. Là deux difficultés : cela se passe 15 ans avant la première partie alors on se perd. Surtout, Quentin ne termine pas souvent ses phrases... Cela traduit son impulsivité... Dur également à comprendre.
Les deux dernières parties sont plus simples et éclairent rétroactivement les deux premières.
Bref, grand livre, certainement un de ceux qui me resteront en tête pour longtemps.
« C'était la montre de grand-père et, en me la donnant, mon père m'avait dit : Quentin, je te donne le mausolée de tout espoir et de tout désir. [...] Je te le donne, non pour que tu te rappelles le temps, mais pour que tu puisses l'oublier parfois pour un instant, pour éviter que tu ne t'essouffles en essayant de le conquérir. Parce que, dit-il, les batailles ne se gagnent jamais. On ne les livre même pas. Le champ de bataille ne fait que révéler à l'homme sa folie et son désespoir, et la victoire n'est jamais que l'illusion des philosophes et des sots. »
FORTIN Jérôme - Radio boulevard - Editions La Page Blanche - I.P.
Les patchworks de "Radio boulevard » de Jérôme Fortin apparentent la construction de son premier livre à un élégant habit d’Arlequin : des pièces fulgurantes, portraits, couples, situations, pointes folles, ciels d'Europe, le tout cousu main par-dessus un mannequin nu au soleil de Milan… de la fine ouvrage. Le roman de Jérôme Fortin porte un coup à une foi de lecteur ko debout, et laisse une bouffée de nouveaux variants et mutants dans la littérature de notre obscurantisme moyen-âgeux… Anna et Aurélien, Nelly et les autres sont des personnages en tenues vives, leurs pieds plongent dans un monde irréel dit réel. Le dit de ce roman est une métaphore de notre broussailleuse planète vue du ciel à l’instant t d'une pandémie. Une réussite à lire absolument dès le premier jour des vacances. L’esprit sans préjugés sera dégagé des soucis du quotidien.
Isabelle Pastyrkaya - "Литературное эхо" pour les "notes de lecture" de La Page Blanche