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NOTES, LIENS, CRITIQUES

Notes

Librairie Lpb - Lettre M

MANDELSTAM Ossip - Le bruit du temps - Ed. Le bruit du temps - PL



« Quelle chance, j'ai eu de m'attacher, plutôt qu'à la flamme d'une lampe sacerdotale, au rouge tison de la rage littéraire. » 


« Comment allez-vous, Ivan Ivanovitch ? - Oh, ça va, Piotr Piotrovitch, l'agonie continue. » 


"Et, dans cette période hiémale de l'histoire russe, la littérature m'apparaît dans sa totalité, comme parée d'un je-ne-sais-quoi de seigneurial, qui me trouble : en tremblant, je soulève la pellicule de papier ciré qui couvre le bonnet de fourrure hivernal de l'écrivain. Il n'y a là nul coupable, et aucune raison d'avoir honte. La bête n'a pas à rougir de sa fourrure. La nuit l'a couverte d'une peau. L'hiver l'a vêtue. La littérature, c'est la bête. Le fourreur : nuit, hiver. »


Souvenirs d’enfance et de jeunesse. Écriture raffinée, style soutenu, humour, sensibilité rare et pénétrante.

critique littéraire de haut niveau. Aperçus lumineux sur La vie intellectuelle russe de son époque.



MAUBERT Jean-Michel - Solidité des lumières - (à paraître) - PL (Version courte)



Le mot ‘intranquillité’ me semble caractériser l’oeuvre de l'écrivain, le ressort de son oeuvre, l’haleine de son poème ‘Je ne suis pas là’, paru dans le n° 59 de la revue La page b… L'écrivain a réussi à faire de cette intranquillité, datant de l’enfance et se trouvant dans la mémoire d’une enfance encore privée de parole, une force, une densité, un feu, lui assurant une dimension dynamique, un ressort, un destin d’écrivain mûr, à la chevelure gris blanc, chenue.


Hommage à la voix de l’écrivain par moments rauque, durcie, sourde, toujours attardée dans une suite vertigineuse d’images prodigieuses au coeur de la désolation d’un homme âgé (moi - NDLR), des simples jours d’un homme âgé, où brûle un feu de mots.


Le poète se fait agnelle, mains violentes, fragments d’agnelle, porcelaine brisée, dans la terre meuble des autres voix. Autres voix, paroles germées de la terre meuble, terre qui peut se déplacer d’un coup de pelle tournant les pages d’un livre. Dans chaque paragraphe de ce livre-là - si court soit-il, il se passe beaucoup de choses. Nous sommes lancés dans une aventure palpitante. Pour la lire, il suffit de la suivre à l’aide d'un index pointé comme un poisson volant dans l’air marin. Car nous nous sentons bien, comme un poisson dans l’eau à la lecture de ces paragraphes. Pourtant écrire c’est le coudre où chemine lente la main de l’écrivain, douleurs, plaies sombres offertes à la captation du regard halluciné. Jean-Michel, tu es l’ami d’un jour sans éclat drainant pour moi la blanche poussière de ton étoile d’encre.


"la montagne éteint ses feux

un troupeau s'évapore dans le lointain »






MAUBERT Jean-Michel - LIMBES suivie de RONCES - Ed. Maurice Nadeau - P.L.



LIMBES


Peinture lumineuse et sombre, réaliste et onirique, prosaïque et poétique, singulière et universelle. Musique des limbes, des marges grises, des franges froides. Magistrale, envoûtante.



RONCES


La mort d’une araignée (peut-être la mort du poète Georg Trackl ) racontée par Jean-Michel Maubert. Lente progression des personnages à travers ronces. Qui s’accélère au milieu du livre jusqu’à la fin. C’est un très vaste espace. Avec des scènes d'atrocités de la guerre.

Les phrases sont souvent faites de propositions incises séparées par des longs tirets. Ce qui donne un rendu -- un effet de flux .


… Un immense boeuf musqué - ou un Aurochs, peut-être - blanc et gris…

La boue, la pluie — l’ombre lointaine, verte et fraîche et brune, des forêts




MAYRÖCKER Friedericke - Voyage dans la nuit - traduit de l’allemand par Anne Kubler - Éditions Atelier de l’agneau - PL



« Je tombe à genoux, je tombe cependant à genoux, tombe par terre, éructe des prières d'action de grâce dès que j'ai réussi à taper une phrase à la machine, quelle vie – parfois des angoisses de mort m'envahissent, parfois je suis saisie d'épouvante, parfois je sens ma fin corporelle proche, et si je n'avais pas cette mienne écriture, ce mien travail d'écriture incessant qui me maintient en vie, j'aurais depuis longtemps laisser tomber, j'aurais laissé tomber ou j'aurais sombré dans la folie, j'écris mes livres comme je dois les écrire, m'écriai-je, dévêtue et démantelée : la vérité nue !, mais ce n'était pas une sinécure, mais il n'y a plus d'échappatoire, forme et contenu se conditionnent l'un l'autre, et caetera. » 


Changements rapides d’associations, peur de la narration (attardée peu de temps et entrainée plus loin). Voir et écrire la vie. Roman choral sans chapitres où le flux de la pensée se démultiplie. Cette écriture donne l’illusion d’une maîtrise du temps dont le déroulement ne se mesure pas seulement en heures, jours, semaines et mois, mais se condense en une boule sphérique étincelante (il ne s’agit pas là d’une pédanterie chaotique, comme on en voit poindre de nos jours). 


Voyage dans la nuit est un poème en prose long d’une centaine de pages. Livre un peu hors de la norme, d’aspect hirsute, allant vers l’audace - l’état sauvage. L’histoire d’une souffrance, d’un trouble, d’une désorientation, associée à un art de voler au-dessus de tout cela. « Comment se tenir là face au monde ? Ces changements en moi comment les nommer… »   


Bref, des acclamations, on ne devrait pas en attendre pour un tel genre de prières…


«  Sur le dos du chien, il y avait de la neige. Je ne sais plus je ne sais plus rien, j'ai perdu la mémoire, mon souffle forme instantanément des cristaux, mes cheveux se dressent contre le ciel, depuis longtemps je ne retrouve plus la focale, les stylos vert et rouge sur mon bureau, le rouge vire au vert et inversement, soudain l'état de sommeil qui paralyse, risque de tomber en avant, quand personne ne regarde, presque personne ne regarde. » 



Friedericke Mayröcker - Voyage dans la nuit - traduit de l’allemand par Anne Kubler - Éditions Atelier de l'agneau



MEYER Bernard - Liaison - auto-édition -P.L.


Liaison est un récit bien mené, au rythme soutenu, au lexique riche, aux phrases claires, aux images agréables et parfois surprenantes de finesse, fait de courts paragraphes qui s’enchaînent magistralement, et cette qualité architecturale de l’écriture est à souligner, qui entraine le lecteur en Amérique du Sud (Buenos Aires en Argentine, Rio au Brésil); Le narrateur s’appelle Bruno, 37 ans, son amant Oscar, 19 ans. De Bruno on ne sait que peu de choses, pas suffisamment à mon goût pour faire de ce récit un récit parfaitement équilibré et réussi. On sait juste que Bruno (son prénom n’est cité qu’une seule fois) est un français, bien élevé, cultivé, rien n’est vraiment dit sur sa profession, sur ses origines, son histoire, on apprend juste qu’il fait de temps en temps des conférences mais on ne saura pas de quoi, qu’il a des amis, mais l’auteur reste trop discret sur le personnage de Bruno pour que les deux protagonistes de cette histoire d’amour puissent être considérés par le lecteur à égalité de traitement. Oscar est un jeune homme qui travaille pour un maigre salaire. Au contact de son amant, en l’espace des quelques semaines que dure leur liaison, le lecteur sent l’influence positive qu’exerce Bruno sur Oscar et Oscar sur Bruno. C’est une belle histoire. Il manque à cette histoire, je le redis, d’étoffer le personnage de Bruno en lui donnant un passé, comme cela est fait pour le personnage d’Oscar.

Bernard Meyer n’a pas atteint encore le stade de la lecture en livre de poche d'un grand auteur mais Liaison mériterait d'être publié comme un grand roman, car c'est bien un récit romanesque, mené tambour battant, dans une grande maison d’édition à condition de faire un paragraphe ou du moins quelques phrases pour cerner mieux le personnage du grand Bruno.


"Pour moi, j'ai l'alcool gai. Quand il me pénètre, il agit comme le Saint-Esprit de l'hymne : il fléchit ce qui est rigide, relâche ce qui est contraint, réchauffe ce qui est de glace. Spleen, anxiété, découragement, tous les oiseaux de malheur s'envolent. Les tourments de l'existence prennent des proportions modestes. Une secrète assurance m'envahit. Je deviens disert, je brille, je vois dans le regard d'autrui le reflet de ma séduisante métamorphose. Et le miracle est là : j'aime la vie."



MEYER Michel - Qu’est-ce que le questionnement - ed Vrin - PL


La problématologie, ou étude du questionnement, est un concept philosophique du philosophe belge Michel Meyer qui dit dans son livre De la problématologie : langage, science et philosophie : 


 "de la science à la pensée commune, du langage à la littérature, le problématique nous oblige sans cesse à être un questionneur engagé »


Le livre de 128 pages Qu’est-ce que le questionnement ? donne un aperçu de la pensée de l'auteur sur ce sujet. 



MIRON Gaston - L'homme rapaillé - Poésie Gallimard - P.L.


L'oeuvre poétique d'une vie, réunie en un recueil qui, à partir de la moitié du livre, devient d'une intense splendeur sans arrêt jusqu'à la fin.


NATURE VIVANTE


Le vent rend l'âme dans un amas d'ombres 

les étoiles bourdonnent dans leur feu d'abeilles 

et l'air est doux d'un passage d'écureuil 

tu déjoues le monde qui assiège nos lieux secrets

tu es belle et belle comme des ruses de renard 


Par le vieux silence animal de la plaine 

lorsque fraîche et buvant les rosées d'envol 

comme un ciel défaillant tu viens t'allonger 

mes paumes te portent comme la mer

en un tourbillon du cœur dans le corps entier



Gaston Miron

L'homme rapaillé 

Poésie Gallimard 



MODIGLIANI - Collection paroles d'artiste - Fage éditions - SC


Je trouve les réalisations de Modigliani absolument fascinantes. Il est le maître de l'illisible- présence. Il donne à voir la présence de l'être, celle de la victoire donnée à l'inconnaissable, sur la violence du déchiffré. Bien souvent, le décryptage n'a d autre intention que servir nos petits intérêts domestiques. Ceux du moi sentimental ou sociétal. Accueillir sans chercher à saisir, à réduire, n'est pas chose commune. C est une fête. Oui. Une fête. Modigliani fête l'être. Il est l'héritier du portrait qui ne décrit pas. C est bien ça qui a fait le succès de la Joconde. N'est-ce-pas ? Tous les portraits de Modigliani sont des Jocondes. Inassignables.


J aime beaucoup le malaise, la panique interprétative que le mystère Modigliani peut provoquer chez certains. Dans chacun de ses portraits, l' être est présent, et nos tentatives pour le définir, coller les très réductrices étiquettes qui sont autant de fixités enfantines et illusoires, sont de cuisantes mises en échec. 


https://www.fage-editions.com/collection/paroles-dartiste/


MODOLO Patrick - Drôles de Nouvelles ! - Éditions Futurel - PL


Il s’agit d’un premier livre d’un jeune auteur prometteur, contenant une veine de fantaisie - paru en même temps qu'un autre livre, intitulé « À bien y réfléchir » , un recueil d’aphorismes. 


Les "drôles de nouvelles" visitent les genres littéraires et les brassent

joyeusement. Patrick Modolo aime les mots et la littérature et joue avec les mots, et ce ressort comique alimente l’inventivité de l'auteur - parfois à peu de frais.


Quatre nouvelles brèves, peut-être parce qu’elles sonnent poétiquement, retiennent particulièrement mon attention : « La barbe à papa », « La princesse qui n’aimait pas les caresses », «Rue d’Ornano », et « Dolores ».


À la retraite dans un village à 20 kilomètres de Bordeaux, j'ai passé ma vie d'adulte dans la ville de Bordeaux, je suis sensibilisé aux pages du livre qui parlent de cette ancienne capitale provinciale française entourée de banlieues, à la face liftée il y a vingt ans, au corps en voie de bobofication, depuis son coeur, et de verdissement, bien vue par l’auteur

 avec ses quartiers réservés au commerce du vin et de l'esclavage en aval du Port de la Lune, suivis en remontant la Garonne, fleuve majestueux comme le Danube, de quartiers réservés aux pauvres.


J’apprécie ainsi, dans ces onze brèves drôles et poétiques nouvelles (un genre littéraire moderne qui me plait bien), tels ou tels points de vue de l’auteur ainsi que ses idées originales qui sont la base même de ses écritures.



MODOLO Patrick - À bien y réfléchir - suivi de - Comme dirait l’autre et de - Dictionnaire des noms impropres - éd. Futurel - PL



"À bien y réfléchir" c’est ainsi que commencent ces aphorismes qui se lisent vite.

Ce sont, aux dires de l’auteur, des parodies de maximes d’inégale valeur,

certaines dérangées, certaines dérangeantes, certaines fines

certaines peu subtiles, lourdes ou légères, mais ces maximes provoquent la pousse de la réflexion jusqu’au bout du livre.


Pour toutes ces raisons ce n’est pas un livre à mettre entre toutes les mains. C’est un livre pour chercher querelle et en trouver. C’est un livre à ne distribuer qu’à des amis sûrs qui tolèreront l'automatisme mental de jeux de mots faciles, aussi faciles que des blagues à Toto en haut du

mot Dolo. Pourtant beau.


Ce sont des trouvailles presque toujours drôles, d’exemplaires truismes, 

je cite de mémoire :


- ce n’est pas parce qu’elles ont des pieds que les tables marchent

- on dit souvent que l’herbe est plus verte ailleurs. totalement faux.

 à Amsterdam par exemple, elle est juste meilleure.

- un bobo dans le baba c’est un peu con-con

- les nuits blanches tous les hommes sont gris

- si c’est pas demain la veille, c’est qu’aujourd’hui, c’est pas hier.

 et pas la peine de chercher midi devant sa porte, car on est sûr de

 ne pas le trouver avant 14 heures

- Hitler, il avait une voix un peu nasillarde, quand-même

- le penseur de Rodin a l’air psychorigide

- On ne dit pas hiérarchie mais Gérard défèque

- le sens de l’humour est souvent chez le flic qui vous arrête un sens interdit

- le premier avril, moi, je me sens comme un poisson dans l’eau

- si « je est un autre », alors tuez moi

- pour tuer le temps rien ne vaut la pointe d’un stylo

- Boris, c’est un bon écrivian

- je ne sais pas trop ce que je préfère entre mourir enfermé dans une ferme

 et être emporté par une porte

- l’art d’aimer commence par l’art des mots


À suivre




MUNCH Edvard - par Edvard Munch - Éditions Fage - PL


« On ne peut plus peindre des intérieurs avec des hommes qui lisent et des femmes qui tricotent.

On peindra des êtres vivants qui respirent et qui sentent, qui souffrent et qui aiment.

Je sens que je le ferai – que ce sera facile. Il faut que la chair prenne forme et que les couleurs vibrent. »

Edvard Munch (1863-1944) est l’un des plus célèbres peintres scandinaves et est reconnu comme le pionnier de l’expressionnisme. L’auteur du célèbre Cri est un peintre de l’âme et des émotions. Son pessimisme n’est guère éloigné des philosophie de Schopenhauer et de Nietzsche. Victime de troubles graves physiques et nerveux, il aborde dans ses œuvres, principalement des huiles sur toile et des gravures, les thèmes attachés à la mort, l’angoisse et la douleur, avec plus de lyrisme que de réalisme.


www.fage-editions.com/collection/paroles-dartiste