Le dépôt
1 - Jérôme Carbillet
Présentation
Si je devais faire référence à l'état civil, je dirais que j'exerce, depuis 15 ans, le métier de psychologue clinicien.
En ce qui concerne l'écriture, en tant que pratique quotidienne, elle constitue une tentative de mise en forme de mon expérience en ce qu'elle a de déroutant.
Quelques poèmes et des nouvelles publiés sur les réseaux sociaux et quelques revues, telle que Traction-Brabant, peuvent en témoigner.
A partir de maintenant, je souhaite me présenter en mon nom propre, considérant que l'avatar,"Oni Jiko", a fait son temps.
2024
Juin
Dérives :
Hier je me suis perdu J'avais du temps c'était dimanche j'ai choisi un livre dans ma bibliothèque Je ne comprenais pas ce qui y était écrit les caractères appartenaient à un alphabet méconnu j'en ai choisi un autre toutes ses pages étaient blanches un autre encore comportait des textes hermétiques et incohérents comme les glossolalies d'un schizophrène après ça j'ai vidé tous les rayons en jetant tous les volumes par terre j'ai trébuché dans les piles je suis sorti et j'ai marché sans savoir où j'allais
J'ai marché longtemps longtemps le long d'une route qui ressemblait à toutes les routes nationales et au bout d'un moment je suis arrivé sur un parking qui s'étendait à perte de vue Des gens le traversaient de part en part et en tous sens poussant des caddys chargés de cadavres enveloppés dans des bâches transparentes Ils portaient des fardeaux macabres mais souriaient et se saluaient chaleureusement
Et moi je voyais tout ça et je me demandais si j'étais réel et je suis sûr que si je n'avais ressenti un douleur vive au crâne en voyant ça j'aurais douté du fait d'être réel. Et j'essayais de quitter cet endroit mais je n'en voyais pas la fin
Mai
Les ombres :
A travers les rayons obliques du soleil
Il aperçoit le mouvement des ombres
Sans pouvoir se défaire du sentiment
Qu'il contemple son propre reflet
En même temps qu'il observe
Dans ses formes vacillantes
Une réalité plus grande
Que ce que la réalité elle-même
Pourrait contenir
Et d'un air distrait
Il se tourne à l'intérieur de lui-même
Comme on aère une chambre
Après une nuit de fièvre
Et s'enfuit là
Où il n'y a jamais eu de solstice
Où la lumière d'aucun soleil
N'a jamais torturé les pierres
Ni l'horreur
Agrippé les visages
2023
Juillet
Ta jeunesse :
Au temps de ta jeunesse
féroce et solitaire
tu fomentas
quelques bribes d'horizon
entrevis des parcelles
de joies fécondes
où vivaient des symboles
Mutiques et doux
de ton pays
aux paupières closes
tu ne savais
que la malédiction
que t'en remettre
aux oripeaux des longs silences
A leurs floraisons pâles
A ta déréliction
combien de fois
au détour des ressacs
l'azur croulait sous l'ordinaire
d'étroites vertus
viendrait l'écume
tranquille
AOÛT
La pluie
Chacune des gouttes de pluie s'écrase
Comme une bombe incendiaire
Sur mon crâne vermoulu
De pensées obsédantes
Je pars bientôt
L'été s'étire
Et fait craquer
Sa colonne vertébrale
Quand j'aperçois l'absence
Palpitant sous l'écume