Le dépôt
6 - Romain Ponçot
Présentation de l'auteur
Romain Ponçot écrit depuis l'adolescence (des poèmes, des romans, des nouvelles).
Il fonde avec un ami à l'université une revue littéraire, Zeugma, diffusée aux étudiants pour partager le plaisir des mots et de la réflexion.
Il a étudié la philosophie à l'université de Franche-Comté.
Il vit toujours à Besançon. Enseignant en Lettres-Histoire en lycée professionnel, il tente de faire découvrir à ses élèves les plaisirs de l'écriture et de la création.
Ses auteurs favoris sont : Bukowski, Brautigan, Henri Michaux, Henry Miller, Thomas Bernhard, et bien d'autres. La philosophie, le cinéma, la rupture (personnelle ou collective) occupent une place importante dans ses écrits. La répétition, comme style intérieur et extérieur, constitue son territoire d'expérimentation (obsessions récurrentes des personnages et style obsessionnel). Il aime créer un « ego expérimental » (kundera) pour chaque personnage, un rapport au monde monstrueux, l'expression d'une conscience au réel sous un jour différent.
Le monologue comme flux intérieur du « héros hanté » est un fil conducteur pour son recueil de nouvelles.
Il a publié plusieurs textes dans la revue Dissonances. Il coanime une émission littéraire sur Radio Bip (Bla bla lecture). Il a participé à de nombreux ateliers d'écriture.
Il a publié en mars 2023 son premier recueil de nouvelles : La distance est une fleur de la proximité (L' Ire de l 'Ours Editions).
2024
Avril
Assembler des coupures de journaux du mois dernier pour former le puzzle d'une inactualité poétique
Les billets en petites coupures sur la table basse : soleil d'un capital frustré. Les petites coupures, reflets d'une chirurgie de pacotille
Coupures chirurgicales sur la peau et la danse du sang rayonne sur l'agonie des noyades placentaires
Couper des fragments de bonheur au scalpel du chagrin, le whisky cautérise les plaies d'argile
Couper la communication, le téléphone fatigué dans une main impuissante
La scène est terminée : coupez ! Le metteur en scène regarde dans le miroir la coupure impossible à rassasier
La voix coupée de sanglots pour lubrifier les rochers lingustiques qui serpentent hors de la grotte de la bouche
Je suis coupé par la politique de l'ironie nuptiale
Le mariage avec le réel et un anneau de foudre au doigt
Mon corps est un sanglot de coupures
Je suis coupé par des corps à peu près immobiles
Coupé par le devoir conjugal de la fornication professionnelle
Coupé de moi par le moi fœtus nourri au lait de la renonciation
Je suis coupé par la nuit factice injectée dans mes veines par la seringue normative
Ecrire un texte, un texte coupé sans lien ni logique, sans autre lien ni logique que les sanglots poétiques d'un œil écrasé par le silence
Sans autre lien ni logique que la rancoeur de l'amour
Du sang blond coule de ta tête nue, chevelure laquée de crimes
Sans autre lien ni logique que la crasse de la nuit
Sans autre lien que des phrases éventrées
Sans autre logique que les parenthèses d'amour et les guillemets de l'imposture
Ecrire et arracher les lettres E/C/R/I/R/E
Les arracher par la chirurgie du forceps
Tout écraser
Tout y compris l'écrasement
Ecrasement
d'
un
texte
Un seul pli
Un seul et unique pli
La toison humide du verbe
Le pubis écrasé du texte-sexe-coupure
Texte pubis là où sexe et volupté écrasent la logique invisible des grammaires
En caractère gras, mon caractère gras obèse de la pensée d'autrui/pensée de truie
vulgate vulgaire seulement bégayer pour reprendre en écrasant la reprise et l'écho du sens
l'écho du sang sur les mains, sangsue invisible, je veux enjamber ton crime et les traces sur le sol de la géographie de ton crime, la géographie de ton crime sur le sol en caractères gras, des caractères écrasés. Je veux écraser ton visage, celui que tu dessines à la craie pour l'effacer. Ne pas l'effacer, juste l'écraser et l'écraser avec les autres, les autres visages, un écrasement de visages. Un seul pli fécondé par le silence. Je est un sanglot de poussière. Je est un écrasement.
Janvier
Mes larmes pour seul bagage
J'entends perpétuellement des bruits d'aéroport Des avions dans ma tête et des couloirs aériens Les valises sous mes yeux ont mes larmes pour seul bagage Je déploie mes ailes, moi, Icare moderne Des ailes blanches et rugueuses
Encre de tes yeux Et sanglot du désert
Comme des lamelles de machine à écrire Le battement de tes cils frappe dans mes yeux Ecrit dans mon regard tendu Le tutoiement de tes lèvres fait rétrécir mes ailes Agrandit mes sanglots élastiques
J'aimerais quitter l'univers restreint
Tracé autour de moi par le fiel de tes charmes Tes armes sont du sel sur mes plaies
J'aimerais J'aimerais danser sur un chemin tricoté par les aiguilles du temps
Embrasser demain avec des lèvres amoureuses Les mains tendues vers une neige de lumière
Il pleuvra des flocons voluptueux
J'aimerais J'entends perpétuellement des bruits d'aéroport
Des avions dans ma tête et des couloirs aériens
Les valises sous mes yeux ont mes larmes pour seul bagage
( le texte est disposé en transprose avec l’accord de l’auteur )
2023
Juillet
Monologue du silence
J'ai longtemps pensé au silence comme à une certitude qu'il est impossible de questionner. Chacun y va de sa petite musique : chagrin d'amour, problèmes d'argent, travail aliénant, querelles de voisinage. Chacun s'y entend pour coloniser le vide. Vous aimeriez tellement qu'ils se taisent. Une cure de jouvence. Un lavement sonore. Un journée entière baignée dans la nuit. Soi-même totalement silencieux, les lèvres suturées par une chirurgie mélancolique inexorable. Chacun y va de sa petite musique névrotique. La névrose a été inventée pour féconder le silence. Chacun y va de sa partition morbide. Alors vous écoutez, vous, réceptacle des misères humaines. Le concert des voix trace ses rides comme autant de portées térébrantes. Un vide intérieur vous dévore. Le fœtus nourri au lait de la démence s'étire interminablement, élastique sonore jurant étrangement avec la toile des rides intérieures. C'est beau et triste de voir combien les sons et les voix vous dévorent. C'est la jeunesse qui vous tue. La jeunesse du son immaculé, le vagissement du crime. La nouvelle bouche qui vrombit. C'est à n'en plus finir. Le recueil des échantillons de larmes.
Le silence est une toile d'araignée. Il emprisonne tout, tout vient s'y greffer pour le peupler jusqu'à l'overdose. Ils ne se taisent jamais. Pourquoi êtes-vous si bruyants ? Auriez-vous peur ? Le silence est d'une beauté infinie. Mais il est dans sa nature de s'autoprofaner. Aujourd'hui, je ne peux m'empêcher de faner votre silence avec mon monologue. Je ne suis jamais aussi silencieux qu'on l'imagine. Je suis le silence, mais si on tend l'oreille, une oreille attentive et artiste, on capte le chant du monde, le berceau de la nuit, les entrailles du jour, des châteaux de sable lacérés par les vagues. Les rasoirs de la mer épilent la plage de ses châteaux virils. Force autodestructrice, la virilité n'est rien d'autre qu'une force qui s'annule. Le chant du chaos. Mieux vaut des acouphènes et des paroles creuses plutôt que cette métaphysique suicidaire.
Alors vos acouphènes sont des sifflements que les lèvres éjaculent. L'humanité productrice d'acouphènes. Une pluie acide de monologues intérieurs. Il est dans la nature du silence de secréter du sublime et de s'autoprofaner. Un doigt sur les lèvres comme une gerbe sur une tombe. Célébrer le silence. Vénérez-moi ! Je suis un monstre narcissique. Je me noie dans mon reflet. Je contemple mon image dans les tympans crevés. Je noie le silence de mes pensées. Je m'annule. Je suicide mes contours. Le silence condamné à n'être qu'un bruit plus perçant que les autres. Un silence épais et poisseux. Ferme et glacé. Préférez toujours ma compagnie. Cessez de maquiller le silence. Les mots sont à la pensée ce que le rouge est aux lèvres. Du rouge à pensée. Du mot à lèvres. La vraie pensée est une vague sans retour. Elle emporte tout, même le mobile du crime. Libre à vous de décorer les vagues avec des guirlandes de mots, mais quand la vague se retire et que le sapin cicatrise, il ne reste que des coquillages orphelins.
La vague se retire mais ne fait pas marche arrière. Elle ne recule jamais. Elle emporte avec elle des fragments et des morceaux de décor et son recul est déjà perfusé par la vague suivante. Un glissement infini sans sujet ni objet. Un vague poreuse, étanche à toute délimitation. Les plaies fatiguées de la mer sont les châteaux de sable effacés par les vagues
Août
Zéro trempé
Champagne, garçon champagne. Tu aimais tant le champagne autrefois. Je n'ai jamais vu quelqu'un aimer autant le champagne. C'est les bulles. Tu as toujours eu un truc avec les bulles.
Je n'aime pas les bulles. J'aime les zéros. Les zéros trempés dans l'alcool. Toi en somme.
Un zéro trempé dans l'alcool. Tu me connais si bien ma dulcinée. Je lave mon zéro infini dans une mer de champagne. C'est mon nouveau départ sans toi que j'arrose mon amour.
Tu fais bonne figure mais je te manquerai. D'ailleurs je te manque déjà.
En fait tu ne me manques jamais autant que quand tu es devant moi. Tu es le fantôme de celle que tu a été. Et puis tu ne m'as jamais manqué. Tu as toujours su taper là où ça fait mâle. En somme, tu as coupé le stylo que j'ai entre les jambes pour m'empêcher d'écrire sur ton sexe.
Toujours à faire des phrases.
Oui mais des phrases sans verbe. Il n'y a plus d'actions possibles pour nous deux à présent.
Le champagne arrive. Je veux du cristal. Ou non des bottes. Je veux le boire dans tes bottes. Prête-moi tes bottes veux-tu, juste un instant.
Tu es fou
Oui. Avant j'étais fou de toi. Maintenant je suis fou de douleur. Je voudrais t'étrangler avec ta chevelure.
Ah tu vois je te manque un peu tout de même.
Il y a cette série, Il était une seconde fois. Le mec vit une rupture difficile. Un livreur lui apporte un colis en trop. Il découvre dans son garage un cube, une sorte de tunnel temporel. Il peut remonter dans le temps et essayer de reconquérir son amour perdu. Cette série m'obsède. J'y pense jour et nuit. J'y pensais déjà jour et nuit de façon quasi obsessionnelle avant notre rupture. Et le champagne me fait penser à ça. Les bulles qui remontent dans le verre comme dans un tunnel temporel. Elles remontent dans ma bouche, entre mes lèvres, zéro infini de chair et de sang. Un zéro trempé dans l'alcool. Le recommencement absolu.
Toujours avec ta philosophie. Ton étanchéité avec le réel me dévore.
Toujours avec ta réalité. Ton manque d'imagination me tue.
Tu vois on est trop différent.
Non on est trop pareil. Toi obsédée par la réalité, moi obsédé par la chirurgie du rêve. Et étanche à l'autre, à la possibilité de l'autre.
Laisse mes bottes. Arrête ! Espèce d'animal. Boire dans les bottes de son ex. Du champagne pour célébrer une rupture. Malade !
La rondeur de l'ouverture. Le cuir. Le champagne. Des lèvres de cuir. Un zéro de cuir. Le recommencement. Les bulles remontent. Dans ma bouche, l'arrière-goût du passé. Un goût de tabac froid. Et la chaleur des lèvres brûlantes de désir et de sang. Raviver le mégot de l'amour, le tabac froid de l'échec.
Je m'en vais, tu me fatigues.
On est fatigué de répéter toujours la même histoire. On aurait pu s'épuiser dans de longues nuits d’amour.
Je m'en vais.
Je ne te rendrai pas tes bottes. Toujours, je boirai du champagne dedans.
Tu peux les garder imbécile !
Garçon une autre bouteille. Quand j'étais étudiant, j'ai écrit un poème : il buvait cul sec à la bouteille parce qu'elle l'avait quitté. Depuis il y a eu toi. Je donnerai un nouveau titre à ce poème : il buvait cul sec à la botte, le champagne du voyage dans le temps parce qu'elle l'avait quitté.
Toujours tes phrases impossibles
Ici s'arrête le texte. Cette discussion est sans fin. Un verre ou une botte de champagne qui n'en finit pas de se vider.
Septembre
Journal d'une toxicité quotidienne
Journal d'une toxicité quotidienne
Je branle ma solitude comme un os de pierre
Je voudrais un corps lent et lourd, un corps lent et lourd qui ondule comme une vague pour me faire plier et jouir.
Coûte que coûte je veux rester vivant
Mon seul et unique objectif est de rester vivant
On m'a fait passer un scanner du cerveau, le radiologue a dit : Monsieur, votre âme a des vergetures
Les vergetures de mon âme sont les signes de mon rétrécissement Le radiologue a matérialisé l'usure progressive de mon esprit frotté au silex du quotidien
Le réveil sonne chaque matin à six heures
Le café est noir, les serpents d'eau qui ondulent de la douche taillent mon corps comme des rasoirs liquides
Les pupilles trouées semblent s'épancher sur mon être rétréci, la pomme verse des larmes longues et je verse le poison, à mesure que la journée avance, dans le récipient des rêves brisés
Frotter l'os de pierre. Il en sort un serpent blanchâtre. Un fantôme disséminé en particules. L'extrémité du sexe fendu comme une pupille avec ses larmes séminales à féconder le vide.
Marcher lentement jusqu'au seuil du bureau
Des rectangles alignés avec un ordinateur dessus, même le poste de travail est cloné
Quand je pose mes yeux sur un visage, il ressemble à un miroir qui reflète mon visage
Mes collègues n'aiment pas être dévisagés, réduits à un atome indivisible
Retirer de l'ensemble les yeux la bouche le nez
Renvoyer au néant leur masque mortuaire
Je n'envisage pas le visage des mes collègues, je les dévisage jusqu'à ne plus les reconnaître, jusqu'au vertige du trou noir
Hier soir, j'ai tchaté sur un site de rencontre
Porté par l'enthousiasme d'endormir ma solitude, j ai envoyé trois messages consécutifs au même profil
J'ai reçu un avertissement : Attention, la personne peut se sentir oppressée. Ne devenez pas toxique. Ne faites pas ce que vous n'oseriez pas faire dans la vie réelle.
Dans la vie réelle, vous comptez vos phrases ? Vous évitez de prononcer trois phrases consécutives pour ne pas oppresser votre interlocuteur ?
Alors j'ai ressenti une fatigue immense, une fatigue gigantesque, une usure irréparable, l'usure comme seul destin avec la conviction grandissante qu'être usé physiquement et spirituellement est mon seul destin, que mon destin c'est de m'user, de m'user jusqu'à ma disparition, dans des tâches insensées et des relations éphémères, avec la conviction grandissante que le poison de la vie c'est le rétrécissement.
Le poison envahit chaque parcelle de mon corps. Je rétrécis à vue d'oeil jusqu'à n'avoir plus que la taille et la forme d'un œil
Un œil blanc et froid comme un miroir de glace Un miroir de glace pour réfracter à l'infini le regard animal d'un monde aux paupières mortes
Un miroir de glace pour réfracter à l'infini le rétrécissement d'un monde empoisonné
Octobre
A la sueur de mon front
J'hypersude. Je suis en hypersudation. Du verbe hypersuder. Apercevoir la sueur et ses cascades qui cascadent à la surface. Je suis un hyper sud, un sud à moi tout seul, le résultat d'une sudation excessive, quotidienne, peu importe la température. Je sue tout le temps. Je suis constamment en sueur. Je suis un être de sueur. La sueur est mon être profond. Ma peau hypersudante avec ses gorges, ses canyons, sa géographie liquide. Je sue par tous les pores. J'ai l'impression d'être un porc, un port d'attache. Je suis attaché à ma sueur. Je la tiens. Elle me tient. Je tiens mais parfois je ne tiens plus. Je n'y tiens plus mais je n'arrive pas à m'en détacher. Prisonnier d'un lien affectif qui me retient à ma prison liquide. Je suis liquide. Je liquide mes rêves, ma vie sociale. Je cherche un style, un rythme, une vibration pour traduire mon état. Alors je devrai écrire sans ponctuation. Car mon corps n'a pas de ponctuation, de sécheresse, ou d'ossature, il est un écoulement continu un écoulement continu de sueur un éboulement avec la solidité en moins et l'émotion la passion n'arrangent rien à vrai dire car à approcher une femme une belle femme je sue je sude j'exsude j'hypersude comme un port d'attache je suis attaché à ma sueur elle m'empêche de névrose liquide prison translucide les barreaux de ma sueur des cils trempés détrempés pour m'isoler du monde et quand je passe un entretien pour un job ou un examen ma bouche collée de sueur détrempe les mots qui ne ressemblent plus qu'à un glougloutement de nageur en piscine rien à faire je nage à la surface de ma sueur hypersudation grotesque malédiction ou rêve absurde à liquider d'un battement de cil c'est rien qu'un mauvais rêve mais avec la durée en plus j'hypersude depuis ma naissance déjà le berceau trempé une vraie baignoire mais ma vie a pris un tournant quand j ai compris que tout a un sens qu'il y a un sens à tout alors un jour une perle de sueur a glissé sur une rose et elle se rétracte se recroqueville elle disparaît presque s'invagine pour ainsi dire et s'incarne dans ses veines rougeâtres desséchées des rides purpurines un vieillissement prématuré une mort certaine c'est que j'ai compris ce jour-là que ma sueur est empoisonnée qu'elle contient un poison indétectable, létal, irréversible, la ponctuation me revient parfois un mirage d'une vie qui n'est pas pour moi je déponctue et je poursuis..... c'est à ce moment que j'ai décidé d'utiliser ma sueur le premier tueur en série de l'histoire à tuer avec sa sueur sa sueur empoisonnée j'ai empoisonné des cocktails je suis barman j'ai empoisonné des amantes des collègues des voisins et des inconnus une goutte de sueur dans le verre et le tour est joué comme par magie mon hypersudation a été justifiée par la série de meurtres que je poursuis encore aujourd'hui sous la dictée d'une déponctuation naissante envahissante qui justifie ce texte comme les meurtres justifient ma sueur je vais continuer à empoisonner j'aime ma sueur j'aime suer à présent les regards ne me gênent plus je peux dessécher les veines rougeâtres des yeux qui me regardent je m'arrête là j'ai de la sueur sur la planche et juste pour vous remercier d'avoir lu ce texte sans ponctuation de surcroît un avertissement ou un conseil je sue beaucoup même quand j'écris le papier est trempé attendez un peu avant de saisir la feuille sinon vous pourriez bien rencontrer quelques problèmes vous recroqueviller vous dessécher comme des pétales de rose sans ponctuation je termine sans point donc pas de point final la sueur n'en finit jamais de couler
Novembre
Saison inversée (texte 1)
Il pleuvait dans la pièce. Une pluie abondante. Une vraie. Une pluie tropicale. Remi a passé la main à travers et elle a disparu.
- Il fait moche, il a dit, plus pour dire un truc qu'autre chose. Le silence c'est pas son truc à Remi.
- Ouais, j'ai fait... un temps à pas mettre un chien dedans.
Remi a hoché la tête. Remi, les planques il a jamais trop aimé ça, même si ça rapporte gros. Pour se payer des clopes, et une bouteille de gin, c'est bien commode, j'ai pensé. Il fallait juste rester là à guetter à la fenêtre et attendre. On a suivi la nana comme prévu. Le mec nous a arrosés pour ça. On était en pleine saison des inversions. C'est un truc difficile à comprendre. Mais on s'accommode. Allez pas vous aviser de me demander des explications. J'ai pas trop la tête à ça. La nana faisait son truc avec un mec. Toujours la même histoire. Objectif grossissant. Prendre quelques photos et se tirer. Remi tenait l'appareil. Il mitraillait sauvagement. J'ai cru entendre des coups de feu mais c'était dans ma tête. Adultère/ adulte erre. J'ai pensé à ça. Un truc pour s'occuper. Pour se remplir l'esprit.
- J'ai terminé, il a dit. Remi aime bien dire ce genre de trucs. C'est sa personnalité.
- Je vois bien que t'as terminé, j'ai répondu.
- Elle est quand même rudement bien fichue la nana tu trouves pas ?
- Mouais j'ai répondu.... c'est pas nos oignons tout ça. On se tire.
Remi il a ses défauts comme chacun d'entre nous, mais il a le feu sacré pour ce job. C'est lui qu'on contacte et personne d'autre. Il déteste attendre le bon moment pour mitrailler, mais quand il déclenche l'appareil, des chandelles s'étirent dans ses yeux. Il s'est sorti une sèche. Il aime bien fumer quand le travail est fini. Il a essayé de l'allumer. Mais avec la pluie sauvage qui s'abat sur sa main, c'est une tâche impossible. Cette putain de saison inversée, eh oui ! Heureusement on a un appareil qui risque rien sous l'eau. C'est quand même pas une pluie d'intérieur qui va nous empêcher de bosser.
Parfois (texte 2)
Parfois, je mets le feu à des objets. Je les regarde brûler, se consumer. Je les regarde se réduire en cendres.
Décembre
C'est fou
C'est fou comme observer les gens peut devenir une occupation palpitante.
Une tasse se soulève et une main accrochée à son extrémité
Une main au bout d'un bras Un bras accroché à une épaule Une épaule comme une virgule à l'envers pour ponctuer le cou Une tête sur le cou Une tête avec une bouche et des dents dedans Une tête avec une chevelure dessus comme un feux d'artifice de fil dentaire C'est fou comme observer les gens peut devenir dangereux
Car cette tête est belle, cette tête a des yeux qui tournent dans les orbites Et j'espère que peut-être les globes oculaires vont se tourner vers moi Et je dirais bonjour oui je dirais bonjour vous êtes belle, tellement belle Que je pourrais cracher du sang Enfin par amour. Je ne suis pas malade.
Et par amour, par amour de la beauté seulement, j'userais mes yeux sur vos yeux Jusqu'à l'aveuglement.
Mais pour le moment j'observe lents et glacés Les gestes qui vous défigurent comme une boussole
Il me semble que les larmes comme des lacets chaussent votre regard Il marchera vers moi un jour je le sais En attendant vous buvez votre café Et je vous regarde vous et votre tasse Vous et vos larmes Et j'espère peut-être inutilement un écart des yeux selon un angle inhabituel
C'est fou d' observer les gens