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Sardane (22) du minimalisme
La sardane (22) du minimalisme est publiée dans le supplément La Page Grise de la revue Lpb n° 63 version papier .
Préambule à la sardane (22) du minimalisme
par Pierre Lamarque
Voici une excellente idée que de pousser la théorie du minimalisme à son paroxysme.
Patrick Modolo
« Ma vie est un pois perdu parmi des millions d’autres pois »
Yayoi Kusama
" écrire pour ne rien dire - ou presque"
Daniel Leuwers
"mots en poussière rendus à ce qui scintille"
André du Bouchet
" rendre « simples », accessibles, claires et compréhensibles des réalités particulièrement complexes"
Alain Berthoz
"La miniature est un des gîtes de la profondeur"
Gaston Bachelard
"La gouttede lumière vaut mieux qu'un océan d'obscurité"
Joseph Joubert
PS MNMLST
(poésie minimaliste)
AVIS
Par Pierre Lamarque
I)
On parle de minimalisme en littérature, poésie, peinture, sculpture, musique, danse, architecture, design, cinéma,... et art rupestre.
Donner une définition au minimalisme en poésie ne sert a à rien tant la simple forme minimale sur la page est évidente. Le minimalisme est un état d'esprit. Un goût partagé. À l'intérieur de cette notion facile à comprendre, l'intérêt se trouve dans ce que chacun projette sur le sujet, ce que chacun apporte comme réflexion sur le sujet, ce que chacun propose comme exemple sur le sujet. Le minimalisme est une esthétique que tout le monde peut comprendre et que tout le monde peut défendre.
Il s’agirait de récolter des textes minimalistes, soit des textes de théorie
soit des poèmes minimalistes, soit les deux en un…
Dans ce livre, nous intercalerons des phrases sur le minimalisme et des poésies minimalistes..
Exemples de minimalisme, dans les derniers textes proposés par Alexandre Poncin :
*
élague donc
parmi les branches
celles qui ne savent plus
ni recevoir
ni donner
*
Jachère du salon
l’ébréchure excède le verre couché le miroir brisé l’orchidée fanée
Toutes les surfaces sont coupantes
solitude comprise
*
Dépôt blanchâtre
sur un bloc musculeux d’angoisse
glaçage acidulé
le sexe aux bords émoussés
dépression.
*
ou encore, de Maheva Hellwig :
*
Décider un mouvement à reculons
Pour compenser
*
II )
Je crois que se projeter en avant quand on marche est un geste minimaliste !
On peut dire que le minimalisme est un geste, pas un geste long, un geste court…
(La geste des troubadours, en latin gesta , est "une action d’éclat accomplie". Le sens historique des vers tient en ce que les vers devaient être rythmés et rimés de façon à permettre la mémorisation - le texte était oral dans les temps reculés - aujourd’hui le texte est électronique, il n’y a plus l'ancienne contrainte de mémorisation par la rime et le rythme, tant mieux, le canevas a changé, le tissu, le texte, n'est plus le même.)
Il y a beaucoup à imaginer et à dire sur la question du peu… il y a beaucoup dans peu…
Il s’agit d’un travail de longue haleine, un essai collectif sur le minimalisme écrit pour être édité aux éditions LPB .
Il s’agit aussi d’une sardane qui a commencé le 12 janvier 2022, elle alimentera le recueil-essai sur le minimalisme. Ce recueil-essai sera véritablement plus ouvert qu’un essai écrit par un seul.
Comme dit le poète Rumi - que cite Andreea Buse :
"Tu n'es pas une goutte dans l'océan, .tu es l'océan entier dans une goutte".
III
L’essai sur le minimalisme est centré sur une réflexion sur ce que peut-être et ne pas être le minimalisme…
De rares essais sur le minimalisme en poésie à ma connaissance ont été publiés sur le sujet en France.
"Pour en finir avec la poésie dite minimaliste » de Jan Baetens et
"Le Récit minimal Du minime au minimalisme" de S. Bedrane et alii (dir.), Littérature, arts, médias - Presses Sorbonne Nouvelle,
Citons aussi au Quebec : J. Przychodzen, De la simplicité comme mode d'emploi. Le minimalisme en littérature québécoise.
Revue des Sciences humaines, 304: F. Villain (dir.), Le dire du peu
On peut trouver des références au minimalisme sur le site Fabula.org
avec des travaux sur des notions telles que le vide, le neutre, le silence, la brachylogie, le blanc, la blancheur, l'écriture blanche, l'écriture plate, la béance, la réticence, le manque, l'esthétique du fragment, l'esthétique de la simplicité, les formes simples, la lenteur, l'idiotie, la naïveté, l'extrait, la citation, l'anonymat, le hasard, le réel, autant de lucarnes sur l'art du minime
En France, autour des années 1980, s'amorce une réaction aux principes esthétiques du Nouveau Roman opérant une récupération des éléments principaux du récit,. Sur le plan formel, l’écriture minimaliste se distinguerait alors par une intrigue réduite à ses composantes essentielles, par la présence d’une tonalité neutre, à laquelle contribue assurément l’emploi de la litote et de l’ellipse. Sur le plan de la construction narrative, le roman minimaliste se qualifie en outre par un va-et-vient entre la continuité et la discontinuité du récit qui serait à l’origine de sa nature fragmentaire.
Le Récit minimal
"Le récit minimal peut constituer un point de départ ou un point d’arrivée. Du point de vue de l’analyse du discours, il indique le minimum nécessaire pour qu’il y ait récit – à l’oral, à l’écrit et en images ; il s’agit d’un minimum à partir duquel le récit se différencie de la simple annonce ou de la description et offre la structure qui peut se compliquer ou se ramifier en d’autres récits, pour aboutir à des récits plus riches. Mais d’un point de vue strictement esthétique, le récit minimal implique un point d’arrivée, le résultat des métamorphoses du récit traditionnel du XIXème siècle, l’avènement du récit moderne et l’art subtil du sacrifice. Il signale alors une réduction minimaliste des fastes narratifs des récits fondés sur les actions, les mouvements et les motivations des personnages (avec morale conclusive plus ou moins évidente). L’écartèlement entre les deux directions du récit schématise d’un côté la voie du roman épique, picaresque et historique du XIXème siècle, de l’autre celle de la nudité de Beckett – un récit indécis, « entre inaction et non-événement ». Mais le penchant pour l’inaction, l’indécision, les chutes de la volonté, la débâcle de l’intentionnalité, la fin du drame conçu selon le principe aristotélicien de l’action et de la péripétie, sont aussi les traits caractéristiques du début du romantisme, avec des personnages fêlés par l’ennui, rongés par le doute, incapables d’agir, tels René et Adolphe. En outre, les productions littéraires et artistiques les plus diverses peuvent coexister et se déplacer dans un mouvement en spirale, les retours étant toujours possibles, même si c’est à un niveau différent de la spirale : une certaine littérature ou drame ou cinéma postmoderne, tout en participant de la fin d’un récit fondateur, multiplie en cascade des récits et des fragments de récits – tels, par exemple, les derniers romans de Pynchon ou de De Lillo, contemporains des romans et des drames sobres et presque pauvres de Jon Fosse."
Patrizia Lombardo
Ce recueil- essai est écrit par un collectif d’auteurs invités au dépôt du site La Page Blanche… chacun pouvant apporter son point de vue théorique, poétique .
Autres exemples de poésie minimaliste :
Matin de neige à Montréal
Certains poèmes n'ont pas de titre
ce titre n'a pas de poème
tout est là, dehors.
il s’absente il se regarde passer rien
un besoin de saisir
Claude Royer Jourmoud ( Le renversement)
lighght
Saroyan
M SS NG
Voleur !
George Swede
ballon!
Accrochez-vous bien à votre
Adam Gamble
source : https://nt2.uqam.ca/fr/dossiers-thematiques/esthetiques-minimalistes-II
IV.
" Raymond Carver était minimaliste parce que ses récits n'ont aucune saillie, aucun angle : les textes racontent le quotidien, sans recherche de "la phrase qui claque". Bukowski est quelque part dans cette lignée aussi, Brautigan évidemment, Carlos Williams…
Le cas Carver est celui qui m'intéresse le plus : sa célébrité, il la doit à ses nouvelles et non à ses poèmes. Ses poèmes, par ailleurs, ressemblent à ses nouvelles, mais condensées. Or, sur sa tombe, il avait fait inscrire "poète avant nouvelliste".
Cela doit signifier quelque chose.
"Late fragment" est d'ailleurs un exemple de minimalisme:
Alors as-tu trouvé
Ce que tu voulais dans cette vie, malgré tout ?
Oui.
Et que voulais-tu ?
Pouvoir me dire bien-aimé, me sentir
Bien-aimé sur la terre. "
Matthieu Lorin - trad anonyme
(FIN DU PRÉAMBULE A LA SARDANE DU MINIMALISME)
SARDANE DU MINIMALISME
1
Le minimalisme en poésie comme en peinture est l'art de soustraire : moins de mots pour dire plus, et s'excuser de n'avoir le temps de faire plus court.
le mot est dense, compact et crée autour de lui une distorsion de sens où l'espace blanc environnant vient s'étirer, laissant place à la polysémie, l'interprétation, la subjectivité.
le minimalisme est l'aboutissement du processus itératif de soustraction de tout ce qui n'est pas absolument nécessaire au vers : un concentré de sens, une essence poétique.
Air.
2
Le travail du poète consiste à ouvrir la réflexion dans le resserrement de son expression.
Patrick Modolo
3
La pluie tant attendue
après les semaines de canicule commence
doucement
à tomber
sur le sol qui renvoie
au ciel
son odeur d’été
de foin
de moisson
mélangée à l’eau
qui transforme en parfum tout ce qu’elle touche
Amandine Gouttefarde-Rousseau (Nagas)
4
j’
j’ j’
j'
Pierre Lamarque (Résidu)
5
J’étouffe
J’étouff
J’étouf
J’étou
J’éto
J’ét
J’é
J
Air (Lpb 61)
6
manque
anque
nque
que
ue
e
Pierre Lamarque
7
cqfd
Pierre Lamarque
8
je vois à travers des miettes de matière qui montent et descendent
9
on ne trouve plus de murs pour tous les graffitis obscènes
10
au delà on ne trouve que du noir poussiéreux
Constantin Pricop (Simple poème - extraits)
11
f
i
l
s
u
s
p
e
n
d
u
à
t
a
v
i
e
Patrick Modolo
12
sur le fil sèche mon coeur fatigué
Patrick Modolo
13
de fil en aiguille s'écrit
Patrick Modolo
14
Le minimalisme nous rappelle l'antériorité du silence - état originaire : chaque mot est compté, chaque mot nous en écarte.
Minimalisme : notre manque converse avec le vide (comme le végétal avec le minéral).
Minimalisme : ensauvager les mots en les faisant déchoir de leur statut de signe pour les ramener à l'état primaire de signal * (avec ce que cela comporte d'excitation, de faim, de joie et de peur).
*Par signal j'entends ce qu'on peut considérer comme l'ancêtre du signe, la part animale, antélinguistique du signe qui, contrairement au signe, ne représente pas une idée, n'est pas affaire de représentation générale, mais réfère directement à la chose désirée imaginée, hallucinée, traquée. Comme la fumée est le signal du feu, l'empreinte laissée sur la neige ou la boue est l'animal pourchassé ou craint.
L'amenuisement de la langue dans le minimalisme rappelle et convoque cette notion "sauvage", animale, de signal (d'avertissement, de point de départ de l'action, etc..).
Cet extrême concentration de la langue, amenée à un point rare, aigu d'intensité, court-circuite l'ordinaire, abstraite et générale signification pour les locuteurs humains.
Ce que je chéris dans le minimalisme, c'est donc qu'il nous rappelle que l'écriture a une part sauvage, animale et désirante, qui rappelle la chasse. L'écriture vive, minimale, fragmentée est un guet, un affût, un bond et une dévoration ou une fuite dans le silence.
Minimalisme : frayer dans le vide avec le moins d'illusions, de triche possibles ; se tenir au plus près de l'asphyxie.
Minimalisme : lézardes, fissures qui donnent à voir - à toucher peut-être ? l'empan givré du silence.
Minimalisme ou la parole est d'argent.
Alexandre Poncin
15
Concéder la présence de forces qui te retiennent d’en dire davantage.
Alexandre Poncin
16
je crois à l’entrée en résonance
à l’entrée
en évidence
à la toute transparence
je crois comme Trakl
qu’on peut boire le silence de Dieu
je crois
qu’il faut habiter la lumière
par un long questionnement
sans réponse
Zéno Bianu – Infiniment proche – Le désespoir n’existe pas
extrait - Poésie/Gallimard, 2016
17
Le minimalisme est une éthique de comportement avant d’être une sensibilité artistique - les deux sont liés.
Le minimalisme est une façon d’être… (sobriété, simplicité, suggestion, ouverture )
Pierre Lamarque
18
je m’exclame et crie soudain
dans une glaciale caisse de bois :
« un lecteur ! des conseils ! un médecin !
sur l’escalier d’épines parlez, parlez-moi ! »
1er février 1937
Ossip Mandelstam
Les Cahiers de Voronej (Circé, 1999) - Extrait-- Traduit du russe par Henri Abril.
19
rien qu'un peu
de pluie
un verre d'eau
pour colibri
et une seule goutte
d'amour
dans un ciel
tout gris
oui rien qu'un peu
de vent
qui monte
qui descend
*
SE TAIRE
plus rien
qu'un mot
petit comme le pli
d'une paupière
la musique blanche
éteinte sur un quart de ton
découpé encore
je vous raconterai
et du soir rien à ajouter
à ces deux lignes
faisant dix mots
qui en disent déjà assez
c'est faux
car il faut bien
y ajouter
ceci ou cela
c'est selon
se taire
joues mordues
de l'intérieur
c'est l'heure de se taire
c'est faux de se taire
c'est vrai que c'est faux
de se taire
rien à ajouter
Jérôme Fortin
20
Il avait souvent tenté
D’escalader la Grande Ourse
Mais il atterrit soudain
Dans cet humble jardinet
Et commença peu à peu
À savourer l’ordinaire
*
Il a toujours un sourire
Sur son visage secret
Ce petit garçon des rues
Il a toujours un sourire
Malgré l’hiver si sévère
Et sa chaussure trouée
*
C'est un tout petit poème
Il ne parle pas beaucoup
Mais au monde dit "je t'aime"
Et se récite partout
C'est un tout petit poème
Il n'est ni impressionnant
Ni serti de vives gemmes
Mais il a un coeur d'enfant
*
Victor Ozbolt
21
Expressionnisme - poétique : manière de présenter ses idées ou ses sentiments ou ses émotions par divers moyens : l'attitude du corps - poétique, la mimique du visage : des images - poétiques, bref, la manière de se manifester dans l’espace - poétique.
Expressionnisme - cet art « dégénéré » (Van Gogh) - et minimalisme - cet art "négligé?" ), sont liés à l'effraction du réel par pression du suc - poétique. Expressionnisme, minimalisme, sont des styles liés- poétiques, hypercommunicationnels, et sont des faits - poétiques.
L’attention portée à la forme des poèmes de Jean-Michel Maubert est une constante dans sa poésie "du réel" et est significative de sa manière de dire, sa façon expressionniste de peser ses mots sur la balance de l'espace blanc et noir. Intensité de l’expression des sentiments, de la pensée et de certains aspects de la réalité par opposition au respect d’un code formel de langage de communication quotidienne.
L’expressionnisme est le reflet d’une époque.
Notre époque menaçante (première, deuxième, troisième guerre mondiale). Le minimalisme est une protection constante
contre la menace qui a toujours existé. Expressionnisme et minimalisme sont des façons de penser.
Pierre Lamarque
22
À propos du poème "Creuser"
L'intention du texte étant de creuser la langue pour en extraire une autre langue, je comprends tout à fait que cela puisse ne pas être apprécié. Les idées de cassure, contraste, dissonance, m'intéressent particulièrement d'un point de vue esthétique. Un peu en écho avec ce que le cinéma expérimental ou David Lynch font avec les images. Je suis un enfant de l'expressionnisme, marqué au fer rouge par les poèmes de Trakl et de Benn.
Jean-Michel Maubert
CREUSER [poème]
creuser comment c'est seul creuser ramper proche de la surface d'abord s'enfoncer persévère image dehors collines blocs de ferrailles ciel balbutiant grincements ça frotte casse roulements et cogne s'écrasent tôles compression creux cette glaise bassin cratère boue buvant l'eau au bord chien lapant silhouette découpée noire mâchoire s'ouvre baille vers une haute lueur étouffée cet aplat l'éclat froid ciel gris œil noir qui te regarde t'enfoncer interrogateur creuse c'est un début
Jean-Michel Maubert
(extrait)
23
les fleurs glacées
de l’hiver
tourbillonnent
elles tombent
minuscules sur le sol
drapé de blanc
s’accumulent sur le sol
paré d’une robe
gelée
Simon Langevin
24
une main souligne
d’un geste bref
toute la complexité
d’une pensée
vive
d’une émotion
longue
Simon Langevin
25
je sais
le serpent
irisé
insinuer lentement
les territoires
mondiaux
Simon Langevin
26
rien à dire
à donner à penser
idiote
irréparablement uniquement idiote
je n'ai rien vu
et pourtant il y a quelque chose
Isabelle H
27
Bon anniversaire Annelaure
désir rien
désir manquant
absence de tout bouquet
sauf de gros flocons il neige
Isabelle H
28
forcer le spectacle d'un sens
ou d'un non-sens
différé, fissuré, retardé
osons
demain
Isabelle H
29
Walaɣ snat n teḥdayin
J’aperçois deux filles
cbant tisekk wrin
Telles des perdrix
la ilah a illa Llah
...Il n’y a pas de dieu hormis Allah
Lsant llebsa n tṛumiyin
Habillées à la française
bḥal tibiljikin
Elles ressemblent à des Belges
Muḥemmed Ṛasul Llah
...et Mahomet est l’envoyé d’Allah !
A w’iṭṭsen yid-sent saɛtin
Je rêve de deux heures avec elles,
yeẓul neɣ yeqqim
A oublier mon moment de prière,
a Ṛebbi ssteɣṛ Llah
...que Dieu me pardonne !
Si Mohand
Adli - Errance et révolte, trad Vermando Brugnatelli, Alger, mai 2001, Edif 2000,
30
Chapeaux inox
Chapeaux inox
Protègent contre la rouille
Chapeaux de brume
Chapeaux de brume
Ainsi je pense
Chapeaux bête
Chapeaux animal
Pour qui fait la bête
Pascal Nordmann
31
Proposition minimaliste, légèrement maximale mais pas trop
Par jeu et par devoir, puisque nous aimons à définir et répéter les termes de notre condition dans des poèmes, des romans, des films et autres, nous nous devons d'être minimalistes, faisant ainsi mémoire et écho à l'infinie litanie des brisures, aux sempiternelles cassures, hachures, renoncements, accommodements et divorces qui peuplent nos existences au point que brisure, cassure, hachure, renoncement, gel, enterrement, divorce ou coup de froid pourraient être notre nom puisqu'en fin de compte nous sommes la version minimale de ce que serait la vie si la planète et nous-mêmes étions régis par les moineaux, les vers de terre, l'envoyé spécial d'une société de nuages, un chien qui fume, une souris savante, un bousier heureux, un brin d'herbe rose ou toute autre espèce raisonnable.
Pascal Nordmann
32
de l'air à l'eau à l'encre
Pierre Lamarque
33
PETITE VIE
Il fait un petit peu froid
On va
Un petit peu rentrer
Dans notre
Petite maison
On fera
Un petit feu
On préparera
Un petit repas
On parlera
De nos petits projets
Le mien
C'est de tout faire péter.
Florentine REY
34
mon soixante et unième est un miroir sans reflet
mon soixante-deuxième réfléchit tout le temps
mon soixante-troisième cherche une ressemblance
et mon tout ne sait pas ce qu’il est
— qui suis-je ?
Julien Boutreux
35
NOTULE - LE MINIMALISME FIGE LE TEMPS - Les faits parlent d'eux-mêmes
Nous avons excité des bouts de phrase avec des impulsions ultra brèves, de l'ordre de l’attoseconde. En absorbant du sens, la phrase est brutalement excitée et cède un mot. Elle est ionisée. Nous sommes parvenus à enregistrer l’éjection des mots, et cela dans toutes les directions. D'où l'aspect 3D. Par la même occasion, nous avons démontré que l'éjection n'est pas instantanée. Elle peut se dérouler en quelques femtosecondes si le mot éjecté est d'abord piégé par la phrase avant de s’échapper. Cet aspect était juste qu'ici inconnu.
Groupe de recherche sur le minimalisme
(société de savants et de gens de lettres de La Page Blanche)
36
La rose est sans pourquoi, fleurit parce qu'elle fleurit
N'a souci d'elle-même, ne désire être vue
Angelus Silesius
37
vaste de l'océan qui m'habite
à chacun de mes naufrages
remonte à la surface
l'allégresse
Susy Desrosiers
38
Un poème minimaliste est un texte court débordant de sens.
(L'homme est mauvais conducteur de la réalité. Pierre Reverdy)
Pierre Lamarque
39
Territoire occupé
terres brûlées
mer rouge
ronces dans la gorge
regard plombé d’effroi
barbelés
déchirure au ventre
il déifie la mort
fêlure dans la nuit
une courte existence
un coquelicot
Susy Desrosiers
40
Rien de plus grandiloquent qu'un slogan, qu'un argument publicitaire ou politique résumé dans la plus brève des formules. On dira qu'en de tels cas, le raccourci de la formule est au service d'une intensification de l’expression; sans doute. Mais la grandiloquence est toujours présente quand le contenu lui-même de ce qu'on veut exprimer est non pas enflé mais au contraire minimisé et comme miniaturisé. En sorte que l'effet de grandiloquence peut être obtenu aussi bien par réduction que par extension (...) La langue latine n'est pas la langue du délayage et de l'enflure, mais bien celle de la concision et de la sobriété. Et le latin est pourtant la langue grandiloquente, et ce en vertu de sa concision même : condamné à résumer il ne peut manquer de caricaturer, d'enfermer la multiplicité du réel dans des formules nécessairement sommaires, approximatives et conventionnelles. (…) Il est bien certain qu'aucun mot en aucune langue ne rend compte de la réalité qu'il signale, mais l'écart n'est jamais aussi manifeste que celui qui, en latin, sépare le mot de la chose. Ce n'est pas ici le lieu d'intenter un procès aux valeurs issus de la syntaxe latine et de la romanité (procès de toute façon malvenu, dans une langue française qui doit presque tout au latin). Il s'agit seulement de montrer le lien qui relie, en cette circonstance, la grandiloquence à la concision. Un adjectif qui caractérise bien la langue latine, suffit à exprimer ce lien : monumental. La langue latine est « monumentale » parce qu’elle est brève : l'aptitude à tenir en peu de mots ne faisant qu'une avec l'aptitude à se graver dans la pierre des monuments (le mot « lapidaire » , on le sait, résume cette double aptitude). Ce qui est bref est monumental, et ce qui est monumental est grandiloquent. On peut en conclure légitimement que ce qui est bref est grandiloquent, ou du moins risque de l’être.
Clément Rosset - Le Réel, traité de l’idiotie - Les éditions de Minuit
41
"La véritable élévation du style se caractérise par une rapidité qu'on peut comparer à celle de la trombe ou de la foudre."
Traité du sublime XI-XII - Auteur anonyme - Premier ou deuxième siècle après Jésus-Christ.
42
un lourd silence blanc
Patrick Modolo
43
Annivers'Air
Flocons d'années
Tombés à terre
Pas plus que la neige
La vie ne tient:
J'en ai comptés
Quarante et un
Air
44
FIN D'UN MILLÉNAIRE
Il suffira de trois minutes pour un flot rouge. L'horizon pâlira. Ce sera l'heure de partir. Les étoiles reprendront leur place dans la nuit.
Ingrid Reuilly
45
PÈRE
Au détour d'un sentier homme qui fourre son poing dans nos poches pour y laisser un vestige, carcasse de libellule, timbre en son galet, piécette, que sais-je...
Ingrid Reuilly
46
LE VENT
Il aurait bien soufflé, craché, alors que faire d'autre quand on est épuisé et moulu, sinon se reposer. Cette nuit mon amour dormirait sur une vague.
Ingrid Reuilly
47
ÉTRANGE RENCONTRE
Rayon Catégorie Oct Nov Déc
Fruits et légumes Légumes 30000 80000 30000
Fruits et légumes Fruits 10000 30000 40000
Boulangerie Pains 30000 15000 20000
Boulangerie Desserts 25000 80000 120000
Épicerie Sandwich 80000 40000 20000
Épicerie Salades 90000 35000 25000
Viande Bœuf 90000 110000 200000
Viande Poulet 75000 82000 150000
Envolée du rossignol philomèle
Ventre clair tacheté de sombre dos brun
dessous de l’aile roussâtre
dos brun
sourcil blanc gorge rouge poitrine grise
ventre clair queue roux marron
poitrine unie
dos brun clair.
Pour Pierre
détourné à son avantage
des images
par ailleurs c'est sûr les images
sont aussi une source de rêverie
et de et de et de comment dire, oui
d’imagination et de récit
imaginaire évidemment.
Je veux lire
je veux lire je veux lire
je veux lire je veux lire
je veux lire je veux lire
je veux lire je veux lire
je veux lire je veux lire
je veux lire je veux lire
je veux lire je veux lire
je veux lire je veux lire
je veux lire je veux lire
je veux lire je veux lire
je veux lire je veux lire
je veux lire je veux lire
Je me protège
jemeprotègeilfautquejemeprotègejenepeuxfaireautrement
jaibesoindemeprotégerjeneparlepresqueplusetjemenfoncedans
lesilencedésoléemaiscestcommeçajenypeuxrien
Forme Déforme
Forme
Déforme
Balle
Mur
Balle
Mur
Forme déforme
Forme déforme
Balle
Mur
Balle
Mur
Coucou
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Mot espace au carré
Mot mot mot mot mort mot mot mot mot
Mot mot mot mot mort mot mot mot mot
Mot mot mot mot mort mot mot mot mot
Mot mot mot mot mort mot mot mot mot
Mot mot mot mot mort mot mot mot mot
Mot mot mot mot mort mot mot mot mot
Mot mot mot mot mort mot mot mot mot
Mot mot mot mot mort mot mot mot mot
Mot mot mot mot mort mot mot mot mot
Mot mot mot mot mort mot mot mot mot
Mot mot mot mot mort mot mot mot mot
Mot mot mot mot mort mot mot mot mot
31° 7 - 17 H 09
Matériel médical pharmacie pharmacie pharmacie
Bienvenue à la pharmacie de la plage parkings
Ouvert 7 jours sur 7 de 8h30 à 20h 30
Matériel médical pharmacie pharmacie pharmacie
Bienvenue à la pharmacie de la plage parkings
Ouvert 7 jours sur 7 de 8h30 à 20h 30
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Bienvenue à la pharmacie de la plage parkings
Ouvert 7 jours sur 7 de 8h30 à 20h 30
É
t
r
a
n
g
e
r
e
n
c
o
n
t
r
e
Isabelle H
48
Le pied sur le sentier
Arpentant le chemin
Portant
Suant
Grimaçant
Souriant
Le nez au vent
Sentir
Son corps
Exulter
Non pas de joie
Non pas de douleur
Mais de cette infusion étrange
Complexe mélange
Engendrant
L'être
Là
Entre soi et le monde
Audrey Dumont
49
Jean-Claude Bouchard
50
Bertrand Naivin (textins)
51
rien ne veau
à part la vache
rien n’émeu
à part l’autruche
et la vache aussi
Denis Heudré
52
marcher à contresens
à contremort
parler à contrebouche
écrire à contrepage
rêver à contrenuit
devoir de jeunesse
Denis Heudré
53
mille détours
absence
toujours maintenir
la parole en filaments
Denis Heudré
54
un tas de neige tombe, un oiseau
s'apeure et s'évanouit. Rien de plus
beau aujourd’hui.
Tom Saja
55
le seul silence du monde se trouve
dans la chute des flocons. Tout le
reste n'est que bruit.
Tom Saja
56
l’eau du lac peine à refléter ton absence
mes oiseaux se sont tus
hara-kiri d’un coup de plume.
Tom Saja
57
Parce que chaque image que je ressuscite,
c’est une petite agrafe que je peux accrocher à mon cœur
pour l’empêcher de rompre.
Julie Cayeux
58
Sept heures vingt
.
.
.
Sept heures vingt et un
.
.
Sept heures vingt deux
Maheva Hellwig
59
Tristan Felix
60
Tout bouge roule doux sous le chiffre d’or . (et ma solitude est la plus pure quand vous vous approchez de moi)
Clément Gustin
61
Je fais de gros rêves qui sentent après leur passage
Je souille tout ce qui est à portée de ma conscience
Comme je suis seul à nettoyer après
On me dit nègre
Ou artiste
Guillaume Poutrain
62
Ainsi le Peuple Riste est resté oublié et servant de la Cendre et la Suie. En Faim Toujours. Et ses Ombres Igrent. Igrent de plus en plus. Encore toujours vers la Ville. Et deviennent des Etranges.
Nathan Dartiguelongue
63
Nous sommes le produit d’un nombre fini de facteurs indépendants, considérant l’intangible possibilité que l’un d’eux seul soit nul.
Sans voix.
François Desnoyers
64
Déconstruire, déconstruire. Pour être, désassimiler les objets et raviver lumières, clignotement exacerbé de notre fragilité combative.
Déminer la consommation capitaliste et la société policière/policée. Cela flashe et cela rupture.
Allumer l’art.
Anne Barbusse
65
nul n’entend la grande ode muette
très grande ode au non-être
parce que son chant est disparaître
suture
(At the club silencio)
“Bondar : No hay banda! It’s all a tape. Il n’y a pas d’orchestra. It is… an illusion ! » Mullholland Drive, David Lynch, Studiocanal, Les films Alain Sarde, 2011
sutures
à cru
avant oui
de justesse
dans la foulée de l’illusion fondatrice celle de la biochimie sentimentale
suturés à vif au fil non résorbable parfaitement inaltérable
suturés les organes aux illusions
en points surjetés appliqués réguliers tenseurs
suturés les organes jacasseurs souffleurs vibreurs résonnateurs
aveux sous scellés
Sandrine Cerruti
66
Comment supporter la structure chorale des sensations avec pour seul secours un épanchement intarissable?
Ainsi notre position se trouve-t-elle engagée entre conséquences contraires, compromise par signaux instables
Bien sûr je perds de vue les cercueils
Suspendu à bras de béances
Bruno Giffard
67
Tes mots reculant
jusqu’à la scandaleuse absence.
La discrétion à l’état pur.
Jean-Louis Van Durme
68
L’utilisation du présent de l’indicatif ainsi que les lettres majuscules ou capitales sont une constante dans mon travail. Ceci pour revendiquer une poésie droite, dressée, debout comme un acte de résistance, comme des stèles érigées, des slogans lancés.
Stéphane Casenobe
69
Mais quelle vie si l’effacement des lieux est bel et bien la dernière lueur ?
Quentin Baffreau
70
je suis parti avant qu’ils ne se réveillent
Andrew Nightingale
71
# SÉQUENCE N°3
Mon cœur appelle mes mains, en vain
ma tête supplie mes pieds
puis les somme de marcher
ma main fait signe à mon corps de s’arrêter comme pour s’appesantir dans l’illusion inopinée d’exister
vissée dans l’étonnement d’être, nulle part arrivée je ne sais où
paupières lourdes
je m’écroule.
Nessrine Naccach
72
La rose--
Je l'avale par la tige
son cœur de pétales
Astre mort entre mes lèvres.
David Emmanuel
73
Une pierre ébranle
la soie lactée
des anges
un soupir ébauche une trace
un autre horizon
qui déjà nous tutoie
entre incertitude et inéluctable
Christophe Condello
74
Métro
banjo
dodo
Felix Musy
75
Il ne me reste plus que quelques lignes
les derniers mots sont bégayés
Lolita Michel
76
Foyer dans l’hiver
J’entends ronronner la maison menaçante : la chaleur de l’air sent la poussière et le soleil séché et les meubles sont pleins de pauvres secrets.
Dans le silence, mes pensées font un vacarme stupéfiant et, face aux ténèbres, mon désir d’absolu se précise.
Les yeux du chat sont à la fois des agates célestes et des éclipses de lunes.
L’amour semble être venu de très loin pour découvrir l’Eden caché ici.
Dans ma maison, le piano est tout à fait impuissant et la bibliothèque tentaculaire fait de l’ombre aux plantes émotives.
Dans ma maison, tu dors d’un sommeil en demi-teinte et je veille d’une écriture incertaine.
Révoltes
Le vent semble venir des profondeurs de la terre et la nuit s’ébranle comme un long train vétuste.
Les arbres sont à bout de nerfs derrière les volets exténués et je pense au préau de l’enfance où stagnaient les jours de pluie sous les automnes passifs.
Le vent est un fantôme de cheval insurgé, qui se rue contre l’espace et se cabre devant le temps.
Le silence pose à nouveau sa patte puissante sur la maison et l’avenir me chasse soudain hors de moi-même.
Marie-Anne Bruch
77
Humains 1
Ce qui naît émerveille
Ce qui grandit préoccupe
Ce qui vieillit accable
Ce qui meurt bouleverse
Humains 2
Ce qui élève dérange
Ce qui protège enferme
Ce qui aide humilie
Ce qui révolte libère
Marie-Anne Bruch
78
La sardane du minimalisme se finit, manquent encore quelques textes…Cette sardane thématique aura une conclusion,…nous avons déjà une bonne idée du minimalisme des auteurs invités au dépôt de lpb, il y aura encore quelques surprises d’ici la fin de la sardane, presque tous les textes de cette sardane sont surprenants, le minimalisme surprend.
Pierre Lamarque
79
celui que je ne suis plus
il a tant plu en moi que je m'y noie un indicible chagrin m'envahit sans
que je ne sache bien pourquoi
déraciné déconstruit désarticulé déboussolé démembré détruit
quand donc finira la semaine ce vers m'habite me hante me poursuit me
terrifie quand donc finira la semaine
où suis-je donc où suis-je
acela care nu mai sunt
a plouat atât de mult în mine încât mă înec o nedefinită întristare mă invadează fără
să știu bine de ce
dezrădăcinat deconstruit dezarticulat debusolat dezmembrat distrus
când deci se va termina săptămâna acest vers mă locuiește mă bântuie mă urmărește mă
terifiază când deci se va termina săptămâna
unde sunt eu deci unde sunt eu
je suis enfin devenu
peu à peu renaissent des émotions et remontent impalpables je
deviens mon propre archéologue
où suis-je qui suis - je
am devenit în final
încet încet renasc niște emoții și urcă din nou impalbabile eu
devin propriu meu arheolog
unde sunt eu cine sunt eu
celui que je ne suis plus
mes souvenirs m'ont quitté impossible interaction
une émotion n'est rien sans son souvenir
la peur cette peur décomposition de l'âme m'étreint
acela care nu mai sunt
amintirile mele m-au părăsit imposibilă interacțiune
o emoție nu este nimic fără amintirea ei
frica această frică descompunere a sufletului mă îmbrățișează
Extras din « je suis enfin devenu celui que je ne suis plus » (tr. fr. am devenit în final acela care nu mai sunt » de Patrick Modolo, tradus din limbra franceză de Andreea Bușe
Extraits de "je suis enfin devenu celui que je ne suis plus" de Patrick Modolo, traduction en langue roumaine d'Andreea Buse
79 bis
Phonèmes de F'âmes *
Elles dévalent légères
Des vallons austères
En poussant des cris si frais
De tessiture si claire
Que leurs voix d'éther
Ont d'un gazouillis le trait
Comme un ruisseau sur des pierres
Murmure dans l'air
Des spirantes pleines d'attrait
*Femmes kabyles in "Isfra des Amaroua", L'Harmattan, 1994
Marc Bedjaï
80
«travail de ce type de sonnet asfrou : AAB AAB AAB pour les rimes et 7/5/7 pour les pieds impairs »
Marc Bedjaï
Travail du poète : maîtrise d'une forme ancienne de littérature berbère de Kabylie du XVIII ème siècle au service d’un minimalisme intemporel, fait de concision, de rythme, de suggestion ("cris", "tessiture", "voix", "gazouillis", "spirantes").
Que ce soit le haïku et autres formes brèves asiatiques ou le sonnet français ou le sonnet asfrou , ces formes anciennes n’ont plus leur raison d'être comme autrefois - ce sont des poésies orales faites souvent pour être chantées et fabriquées pour être mémorisées à l’aide de techniques (rimes, rythme pieds pairs et impairs, etc.) mais restent pour certaines créations contemporaines des exemples de valeur pour illustrer le minimalisme.
Pierre Lamarque
81
Il existe une fonction surprenante du langage minimal qui n’appartient pas seulement aux mathématiques : elle appartient aussi à la poésie.
La chanson du fou
J’ai essayé de mettre un oiseau en cage.
O imbécile que je suis !
Car l’oiseau était la Vérité.
Chante joyeusement, Vérité : J’ai essayé de mettre
La vérité dans une cage !
Et quand j’ai eu l’oiseau dans la cage,
O imbécile que je suis!
Eh bien, il a cassé ma jolie cage.
Chante joyeusement, Vérité : J’ai essayé de mettre
La vérité dans une cage !
Et quand l’oiseau a volé hors de la cage, O idiot que je suis!
Eh bien, je n’avais ni oiseau ni cage.
Chante joyeusement, Vérité : J’ai essayé de mettre
La vérité dans une cage !
Hé-ho ! La vérité en cage.
Williams Carlos Williams
trad G&J
81 - ter.
Ici Williams, un poète minimaliste, parvient à décrire quelle vérité peut être écrite sur la vérité. Le fou est l’avatar qui rode, non pour sa folie, mais pour son exemple de vérité la plus abstraite qui puisse être écrite : la vérité que la vérité ne peut pas être écrite. Il encadre un fait inacceptable de la vie, et le fait assumer par l’idiot, puisque personne d’autre ne le peut. Cette poésie est une contribution épistémologique. C’est un avertissement sérieux à garder en tête lorsque vous pratiquez la science ou simplement parlez aux gens et essayez de dire la vérité.
Mon propre travail comporte la même idée que le minimalisme : chaque mot devrait avoir de nombreux goûts à la fois, comme la cuisine thaïlandaise. Il y a toujours du sel, généralement sucré mélangé avec de l’acide, et souvent mélangé avec de l’amertume, des épices, avec un mélange de textures et de températures, y compris cuit / cru et crème.
Il ne fait aucun doute que la bonne cuisine nourrit l’âme, comme la poésie.
L’essentiel, comme une vérité mathématique, se trouve dans la recette que nous écrivons pour nous instruire ainsi que les autres. Pourtant, l’essentiel élimine le goût. De la même façon que le Bouddha soutient que le fou confond le goût de la soupe avec la forme de la cuillère. Quelque part dans notre chronologie actuelle, nous avons commencé par respecter la recette ou une preuve mathématique essentialisée sur une expérience humaine comme le goût. Sans ce goût, où est le bonheur? Où sont les corps humains et la vie en général? La nourriture est l’une des sources les plus fortes et constantes de sérotonine. C’est une bien meilleure source de bonheur qu’une ruée vers la dopamine que vous obtenez en exerçant le pouvoir sur les autres sous forme d’argent ou de situation, en étant "connu" ou autre. L’ambition que nous atteignons en regardant des films soigneusement préparés et des nouvelles en ligne n’est pas ce que nous cherchons. Nous cherchons de la nourriture. Nous aimons être difficiles, mais nous avons perdu notre chemin. Nous valorisons la recette essentielle, les techniques de cuisine, les faits amusants sur l’origine et l’histoire de notre nourriture, et pendant que nous pensons à toutes ces choses, le goût a déjà quitté la langue.
Ne vous méprenez pas, les idées sont une autre source de sensations. Nous profiterons d’un flux de conscience frais, rapide et bouillonnant, que ce soit en lisant ou en ressentant un de nos propres flux. Si nous avons bien cultivé notre flux en plongeant dans les nombreuses criques et courants des autres, nous commençons à sentir les nombreuses nuances du flux actuel dans lequel nous sommes. Plus nous savourons notre lecture et nos pensées plus nous avons lu, et plus nous savourons la saveur. L’idée qu’ignorer ces nuances dans la lecture à la recherche d’un essentiel, où les nuances sont liées ensemble dans un objet simple, est une sorte de révolution. Je crois que l’idée du minimalisme est que la forme de la cuillère (comme la façon dont elle tient dans votre main et se sent dans votre bouche) est aussi une esthétique, et l’analogie de Bouddha est imparfaite (comme toute analogie).
Mon propre travail cherche à troubler un débouché sur un essentiel. Prenons par exemple
"Voilà la flamme la plus brûlante : des pensées qui blâment, des mots qui trouvent la faute, des paroles qui condamnent."
Le problème, bien sûr, c’est que les mots se réfèrent à eux-mêmes, car ils condamnent. Ces mots contribuent à la connaissance comme exploration du pouvoir de la langue de condamner et de se condamner en même temps. Comment arriver à l’essence d’un langage qui trouve à redire, quand un tel langage s’inclut lui-même comme langage fautif, en se prétendant sans faute?
Ce repli sur soi ressemble à l’habitude de l’esprit de se répandre sur le monde, sur la poêle où nous condamnons de la chair de poulet à brûler et à être mangée.
Il convient également de souligner à quel point le langage est simple, qui nous amène à un tel dilemme. Un enfant pourrait facilement, même accidentellement, se retrouver dans un tel casse-tête de condamner un langage qui condamne. Ma propre recherche (2019) sur les enfants aux prises avec des problèmes philosophiques difficiles indique que les enfants n’arrivent pas à une crise de pensée liminale. Ils méditent et continuent sans crise parce qu’ils restent dans le monde des sceptiques : le monde des 5 sens humains et l’expérience directe du monde, tenue au-dessus et en-dessous des théories dogmatiques des atomes ou de tout ce qui conduit les "instruits" loin des apparences données à un humain par ses sens humains.
Avec la notion d’essences suffisamment troublées, aucun de ces travaux intellectuels n’est nécessaire, nous pouvons reconnaître l’esprit comme un outil qui détecte les idées, et nous délecter à savourer notre soupe avec nos langues en place, parce que le goût est un autre monde de très importantes connaissances-explorations pour l’autonomisation et le bonheur des gens ordinaires.
Selon les mots de ee cummings:
"Il y a un sacré bon univers à côté, allons-y."
Andrew Nightingale
traduction de l'anglais par G&J
texte original dans la page Notes de l'auteur
https://lapageblanche.com/le-depot/index-des-auteur-e-s/38-andrew-nightingale/notes-3
82
De dire que mon écriture est minimaliste je suis plutôt d’accord. J’aime à penser qu’une accumulation de phrases simples et minimales en viennent à créer un texte ou un monde complexe. C’est un peu ce que j’essaie d’accomplir.
Simon Langevin
83
Cette façon de disposer les mots (blancs) sur la page (noire) est une façon pour moi d’écrire deux poèmes en un, les mots écrits en gros forment un poème minimal intégré au poème principal…
Joe Pastry
Poème
par exemple
un poème est un corps physique
dans l'espace
mais un poème est aussi
une idée
l'idée du poème
(et autre chose encore).
Poème
par exemple
une cellule
un organe
un organisme vivant
une société
un système solaire
etc.
(des briques).
Poème
Je barbote
dans le poème, mon corps subit les
vagues
et l'eau.
Je sais nager au
sens
où je sais composer mes
rapports
avec la vague, avec les
éléments
au point que je connais les
essences dont dépendent les rapports, et je sais ce que
sont l’eau, l’onde, la vague, le principe d’Archimède,
leurs causes, etc.
J'opère donc un
passage
de la science expérimentale de la Nature à la vérité comme conception immanente de la connaissance
poétique
Joe Pastry
84
1. Le vers, ce petit bras. Ce petit bras cassé.
2. Je
vais à la
ligne parce que l'
Histoire a séparé
mon corps.
3. Le vers est une maladie. Un dysfonctionnement du corps - qui ne peut pas ne pas intervenir dans la production de sens - intervenir par interruption. Le vers est ce qui se produit à chaque fois que le corps entrave le trajet de la langue - à chaque fois que la langue trébuche sur le corps - et le poème est le son de la chute ensemble de ces deux morceaux que l'Histoire a séparés.
Cedric Demangeot
85
des rayures alambiquées
avec les miennes se confondent
la peau envisagée
virgule les secondes
Arnaud Rivière- Kéraval
86
1 Pourquoi, lorsqu'ils se défont, les liens qui nous unissent, même les plus ténus, un peu de notre chair se déchire, toute notre chair sous le ciel se déchire ...
2 Comme un visage aimé, le jardin à la fenêtre.
3 Sara n'aime pas les choses, la matière lui pèse.
Je lui ai donné une plume, quelques cailloux, un petit pot de miel.
Les objets, une façon qu'ont les humains d'arrêter le temps.
4 Forêt de pins dressés comme les cierges de fidèles, forêt ouverte aux psaumes du vent hérétique, forêt de cils mélancoliques où glisse ma vie en larmes.
Calique
87
OCTOBRE 1990 - DÉCHIRURE
J’ai tourné mon regard comme on tourne la page
J’ai commencé une autre histoire comme on prendrait le large
Le soleil s’est éteint les paroles sont trop froides
les bonnes choses ont une fin surtout quand elles deviennent fades
Même si je veux revenir je ne trouve plus mes traces
rien ne peut me retenir je n’aime pas trop la glace
De l’espoir émietté encore persiste, le souvenir des sentiments demeure
Quelques brins de gaieté encore subsistent, rien ne passe,
tout se vit et se meurt.
Coralie Meïsse
CONCLUSION
rien ici
Pierre Lamarque
Tentative de conclusion sur le minimalisme
Alexandre Poncin, janvier 2023
Le minimalisme constitue la pointe aiguë de l’écriture poétique – de l’écriture même. Il est son extrême.
Il court-circuite les moyens usuels du récit et de son propre médium qui est le langage. La représentation redevient seconde, acquise, empruntée, et cède la place à l’antériorité pré-linguistique, sauvage, de la présence : « écrire pour ne rien dire – ou presque » Daniel Lewers.
Prendre au sérieux ce rien – ou presque. Le minimalisme – à l’instar de l’art poétique pluri-centenaire du haïku au Japon (comme l’a justement noté P. Jaccottet lisant Blyth), ne cherche pas à représenter mais à honorer une présence. Il est affaire de présentation. Le mot de présent renvoie au praesentia latin, qui rend bien cet accueil délicat et précautionneux : « être auprès de », « se tenir auprès de ».
Le minimalisme ne dit rien ou presque, il se tient auprès d’une présence, craint de l’épouvanter et de la faire détaler. Chaque mot est compté, risque de la renvoyer dans le perdu qui guette.
Se tenir au chevet du silence, c’est la tache de l’écriture minimale.
Il est à craindre que le silence soit l’invention simultanée et involontaire du langage humain. Un silence maintenant grevé, enflé de complications, traversé de turbulences. Le minimalisme se concentre donc en un geste, qui est un geste d’accueil pour entendre à nouveau le chant du monde.
Dis aux sages que,
pour les amoureux,
l'extase est le guide,
et que ce n'est pas la pensée qui montre le chemin.
Omar Khayyâm - Les quatrains Rubâ’iyat - Ed. Seghers Paris
Quand la terre claquera dans l'espace comme une noix sèche, nos œuvres n'ajoutent pas un atome à sa poussière.
Émile Zola. L'œuvre
L'homme parfait est sans moi, l'homme inspiré est sans œuvre, l'homme sain ne laisse pas de nom.
Tchouang-Tseu
Philosophes taoïstes, tr. Liou Kia-hway, Bibliothèque de la Pléiade, 1980, page 89.
C'est toujours à moi que mon discours s'adresse
Clément Rosset
Viens, couleur des présences colorées, viens amour des amoureux, viens pain de toutes soif, viens Orient des désorientés, viens soleil de toute nuit, viens défaite de la victoire, viens inconnu, viens répartisseur des matières, viens vivant, viens mandarinier, viens renié des derniers, viens noisetier, viens mélodie, viens-viens vivaridier, viens livide de tout, viens lumière véritable, viens vie éternelle, viens mystère caché, viens trésor sans nom, viens réalité ineffable, viens personne inconcevable, viens fidélité sans fin, viens lumière sans couchant, viens signe qui n'est que de toi, viens Dieu, c'est toi le croyant ! Viens, viens, viens, viens ! Et même si personne n'avait écouté un mot de mes paroles parlées, j'aurais dit tout ça au plancher.
Valère Novarina
Je suis - Acte I - POL, 1991
P.S.
« A walk by waiting » - Marche en attente du minimum
Par Pierre Lamarque (de la revue de poésie La Page Blanche)
Difficile la traduction du poème « A walk by waiting » de Harold Pinter parce que mots basiques, syntaxe élémentaire, économie de mots, sont des constantes minimalistes dans ses poèmes que je découvre en les traduisant de l’anglais, et parce que sous cette simplicité de bon aloi se cache une grande complexité, comme si le texte était crypté. Il s’agit bien d’une poésie minimaliste.
Il me faudrait dire quelque chose sur le minimalisme en poésie, c’est un sujet qui m'intéresse, sur l’aspect crypté que peuvent avoir des poèmes de Cedric Demangeot ou Guy Viarre. Depuis plus de vingt ans que c'est mon dada, je devrais y réfléchir au minimalisme, tenir un registre des minimalismes, penser par moi-même le minimalisme, donner des preuves personnelles de son existence en littérature. Mais sitôt que je m’aventure à écrire un po je m’arrange pour le faire disparaître par dissolution. « Minimalisme en action »...
C’est rare que je découvre des poètes au style minimaliste qui me plaisent autant que Pinter. La poésie de Beckett a un caractère minimaliste aussi, je l’aime autant… Beckett, Pinter, se connaissaient, et leur minimalisme influencera longtemps les poètes, et longtemps la poésie.
Le "ainsi peu" est une façon de s’exprimer qui imprègne de tout temps la poésie...
A walk by waiting
A walk by listening.
A walk by waiting.
wait under the listening
winter, walk by the glass.
Rest by the glass of waiting.
walk by the season of voices.
Number the winter of flowers.
walk by the season of voices.
wait by the voiceless glass.
Harold Pinter
1953
Une marche en attente
Une marche à l'écoute.
Une marche en attente.
Attente sous l'écoute.
Marche à la vitre, en hiver.
Pause à la vitre de l'attente.
Marche à la saison des voix.
Décompte de l'hiver des fleurs.
Marche à la saison des voix.
Attente à la vitre sans voix.
Trad G&J
"je possède toute cette diaphanéité requise qu’est la conséquence du feu qui rage c’est tout ce que j’ai à dire ouep »
Simon A. Langevin
Fleur de nuit
L'insomnie a le goût du métal noir de la ferveur de mes yeux.
Le jour a cessé de causer la nuit.
Air
Qui lira cette sardane comprendra que le minimalisme serait ce petit flocon de neige qui tombe sur ce grand manteau blanc qu'est la page poétique. Minuscule, voletant au gré de sa chute, et presque insignifiant à l'œil, à première vue. Mais pourtant, à mieux l'observer, de plus près, on se rend compte de sa structure est extrêmement complexe, comme si la Nature en avait fait un concentré architectural, un condensé de géométrie.
Dans ce concentré de poésie, chaque texte minimaliste ici se lit pour lui-même, pour ce qu'il est, mais surtout pour ce qu'il suscite, dans cet espace de sens créé pour les lecteurs.
Patrick Modolo
Taire pour ne rien braire.
Philippe Minot
La sardane est une danse traditionnelle catalane où les danseurs en cercle se tiennent par la main.
Air
Derrière cette sardane: Pierre Lamarque, Patrick Modolo, Alexandre Poncin, Maheva Hellwig, Matthieu Lorin, Air, Amandine Gouttefarde-Rousseau, Constantin Pricop, Victor Ozbolt, Jean-Michel Maubert, Simon Langevin, Isabelle H, Pascal Nordmann, Florentine Rey, Julien Boutreux, Susy Desrosiers, Ingrid Reuilly, Audrey Dumont, Jean-Claude Bouchard, Bertrand Naivin, Denis Heudré, Tom Saja, Tristan Felix, Clément Gustin, Guillaume Poutrain, Nathan Dartiguelongue, François Desnoyers, Anne Barbusse, Sandrine Cerruti, Bruno Giffard, Jean-Louis Van Durme, Stéphane Casenobe, Quentin Baffreau, Andrew Nightingale, Nessrine Naccach, David Emmanuel, Christophe Condello, Lolita Michel, Marie-Anne Bruch, Andreea Bușe, Joe Pastry, Arnaud Rivière-Kéraval, Calique, Philippe Minot, Coralie Meïsse... et d'autres.
En avr ne te découvre pas d'un f
Patrick Modolo, 26 avril 2023
au sein de ma main
creuse crispée sur l’absence
l’écrin du mien rien
Philippe Minot