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Valery Oisteanu - Poèmes Zendada - traductions Gilles&John
Valery Oisteanu
LE JEU FINAL
Valery Oisteanu
Quand il n'y a pas assez de temps pour rêver
Quand la toute dernière note est jouée
Quand les musiciens ont quitté la fête
Quand les notes de musique se sont noyées
Quand le dernier rat quitte le navire qui coule
Quand l’ homme final n'est pas debout
Quand le fût de bière est vide
Quand le moment ultime de partir arrive
Quand on est à bout de souffle
Quand même la danse est totalement terminée
Quand la seule grosse dame restante ne peut pas chanter
Quand la merde frappe le ventilateur
Quand le temps s'écoule
Quand tu ne peux plus le supporter
Quand il n'y a plus de bouteilles à boire
Quand il n'y a personne pour dire que c'est bon jusqu'à la dernière goutte
Quand il ne reste plus une goutte
Quand la seule strip-teaseuse engagée ne trouve pas ses vêtements
Où la route est un sombre cul-de-sac
Quand nous manquons de papier à rouler
Lorsque le téléphone est épuisé et qu'il n'y a pas de chargeur
Lorsque les stylos sont secs de l'encre noire
Quand le temps est totalement écoulé
Pas de glace (les icebergs ont tous fondu)
Pas de rhinocéros noirs ni de gorilles albinos
Quand les puits du comté s'assèchent
Quand le dernier poète prend son dernier souffle
Après tout, l'insupportable persiste
Tout vient à la dernière poignée de pilules
Et juste une balle à gauche
Valery Oisteanu
Traduction Gilles&John
Hearing Blue Sounds
Valery Oisteanu
In my front yard the steady wind whistles
Cobalt blue bottles from another century
Hang in the trees, clinging in the breeze
Filled with vapors of blue vegetation
Turning distilled dreams into puddles
Whose images reflect nightmares
And look under glass like butterfly wings
The color of regret, madness of sadness
A garden of ultramarine bushes and violet shrubs
Slim trees with turquoise leaves and flowers
Giving a strong dangerous perfume of blossoms
Each branch an elongated streamlined cloud
A horned moon glimmers in the rugged sky
A mystic symphony springs from beneath the roots
Growing in shapes of desire, stuttering like liquid mirrors
Infused with suffering and shadowy eyelids
An infinite vaporization floats against the forest
Blueberry tears cascade through foliage
The blue-blood stained, wounded waterfall
Shredding the garden’s the lapis lazuli tapestry
Valery Oisteanu
Entendre des sons bleus
Dans mon jardin le vent régulier siffle
Dans le bleu cobalt de bouteilles d'un autre siècle
Pendues dans les arbres, accrochées à la brise
Remplies des vapeurs d’une végétation bleue
Transformant en flaques les rêves distillés
Dont les images reflètent des cauchemars
Et font voir sous le verre comme des ailes de papillons
La couleur du regret, la folie de la tristesse
Jardin d'arbustes outremer et de buissons violets
Arbres minces aux feuilles et fleurs turquoise
Dégageant un dangereux et fort parfum de fleurs
Chaque branche comme un nuage allongé et simplifié
Une lune cornue scintille dans le ciel sauvage
Une symphonie mystique jaillit des racines
Croissante en forme de désirs, bégayante comme des miroirs liquides
Imprégnée de souffrances et de paupières sombres
Une infinie vapeur flotte sur la forêt
Des larmes de myrtille cascadent à travers le feuillage
La cascade est tachée de sang bleu, et blessée
Déchirée la tapisserie lapis-lazuli du jardin
Trad. Gilles&John
The Poet Writes no Matter What
A poet in the eye of a super-storm
In total darkness, reading by candle light
Writing near the edge of the roof
With a miners head-light on his forehead
On the side of a boat, with a gas-lamp
Beneath a bridge, next to a bonfire
He makes peace with the hurricanes
He calms the storms in the sea
Seeking the transparence of tigers at midnight
Making mushrooms grow under his pillow
While fungus creeps up and around the wall
A tsunami of meteorite showers in his heart
Clearly confused, with poems in his soul
Even when the sun bites and the cold hurts
When petrified clouds bend the light
Free of words, but a slave to feelings
Setting night birds and lovers on fire
Self-punishment, self-deprecation
The poetry's brew is poisonous at times
Sleep-deprivation, speech-depravation
Can kill with irrational melancholia
Erecting temples of repressed memory
In the solitude, alone in front of death
Torn inside, scribbling imaginary sex
Stenciling slogans on a protester's tent
He remembers verses in the back of an ambulance car
Recording it as if in solitary confinement
Suicide's final draft, in total silence
To die alone and stay immortal
The poet must write no matter what,
Even in death....
Valery Oisteanu
Le poète écrit peu importe quoi
Poète dans l'œil d'une super-tempête
Dans l'obscurité totale, lisant à la lumière des bougies
Écrivant près du bord du toit
Avec une lampe de mineur sur le front
Sur le côté d'un bateau, avec une lampe à gaz
Sous un pont, à côté d'un feu de joie
Il fait la paix avec les ouragans
Il calme les tempêtes dans l'océan
A la recherche de la transparence des tigres à minuit
Faisant pousser des champignons sous son oreiller
Alors que les champignons rampent autour du mur
Un tsunami d'averses de météorites dans son cœur
Clairement confus, avec des poèmes dans son âme
Même quand le soleil mord et que le froid fait mal
Quand les nuages pétrifiés plient la lumière
Libre de mots, mais esclave de sentiments
Mettant le feu aux oiseaux nocturnes et aux amoureux
Auto-punition, auto-dépréciation
Le breuvage de la poésie est parfois toxique
Privation de sommeil, dépravation de la parole
Peuvent tuer avec une mélancolie irrationnelle
Érigeant les temples de la mémoire refoulée
Dans la solitude, seul devant la mort
Déchiré à l'intérieur, griffonnant du sexe imaginaire
Des slogans au pochoir sur la tente d'un manifestant
Il se souvient d'un vers à l'arrière d'une ambulance
Enregistré comme à l'isolement
Projet final de Suicide, dans un silence total
Mourir seul et rester immortel
Le poète doit écrire quoi qu'il arrive,
Même dans la mort....
Traduction Gilles&John
Ira Cohen-In Memoriam
What's next? whispers Ira and becomes invisible
Scream no more, from unquenched fate
We'll see you on the other side
A Jewish Shaman walks away
While the big flutes are silent,
The extinct cactus remains still
The bells are thunderstruck
Our holy man of the straw mats
Melts benignly into the molecular earth
After an endless battle with himself
A distorted shadow in search of Ganesh Baba
From Chelsea all the way to Kathmandu
365 steps up to the Temple Swayambhu
Kumbha Mela traveler overrun by sadhus
Blowing a didgeridoo, jazz convulsions
With potent magic mushrooms
Psychedelic carnal lovers evaporating
Disappearing on the magic carpet to the Kasbah
Lamenting in the sub-ground Ethiopian churches
Following the holy wind into the desert
Eating majoon, riding the sunset
Tormented musicians of Joujouka
Helter-skelter from Tangier to Crete
What's next boychick? What's hip?
Poetry shrunk down to tiny crumbs
Farfetched nightmares no more!
An avalanche of absurd nothingness
Yisgadal v'yiskadash sh'may rabo
Sufi in Ira's coffee, Shiva in Ira's tea
Buddha in his wine, Yahweh in his tap water!
Last chillum for trans-hypnosis
The king of Thunderbolt goes to sleep!
Ira Cohen-In Memoriam
Et après ? chuchote Ira qui devient invisible
Ne crie plus, inassouvie de son destin
On se verra de l'autre côté
Un chaman juif s'éloigne
Tandis que les grandes flûtes font silence,
Le cactus éteint reste encore debout
Les cloches sont foudroyées
Notre saint homme aux nattes de paille
Fond doucement dans la terre moléculaire
Après une bataille sans fin avec lui-même
Ombre déformée à la recherche de Ganesh Baba
Depuis Chelsea tout ce chemin vers Katmandou
365 marches jusqu'au temple Swayambhu
Voyageur du Kumbha Mela envahi par les sadhus
Souffle un didgeridoo, convulsions du jazz
Sous puissants champignons magiques
Évaporé d’amours charnelles psychédéliques
Disparaissant sur le tapis magique de la Kasbah
En lamentations dans les églises éthiopiennes souterraines
Suivant le vent sacré dans le désert
Mangeant majoon, chevauchant le coucher du soleil
Ô musiciens tourmentés de Joujouka
Désordonnés de Tanger à la Crète
Quel est le prochain oisillon ? Qu'est-ce qui est branché ?
La poésie s'est réduite à de minuscules miettes
Plus de cauchemars tirés par les cheveux !
Une avalanche de néant absurde
Yisgadal v'yiskadash sh'may rabo
Soufi dans le café d'Ira, Shiva dans le thé d'Ira
Bouddha dans son vin, Yahvé dans son eau du robinet !
Dernier chillum pour la trans-hypnose
Le roi de Thunderbolt s'endort !
The Drum Circle for Janine Pommy Vega
Beat the drums slowly, like a wave of pebbles
For the Bearsville medicine woman of Willow
Beat the drums quietly, for the beat poetess of Woodstock
Beat the drums, till the snakes gather round the fire
The witches' brew fills the air with vapors of lizards
As the guitars play for the freedom of memory
In a trance, shaking shakers, improvising, reading
From Europe to Naropa, from Colorado to El Dorado
The woman-warrior of the Beats, from Napoli to Tripoli
Radical, instinctual, climbing the highest mountains
A Wind has blown out her candles
Disappearing deep in the dark forest
The blossoms remain floating in your garden,
Down the steep slopes into your creek
Sleep Janine, with all the birds exulting at your window
They cannot wake you up anymore, only your memory
Beat the drums till we are out of breath
Janine walks freely through the Eternal city
The Drum Circle
pour Janine Pommy Vega
Battez les tambours lentement, comme une vague de cailloux
Pour la guérisseuse de Willow à Bearsville
Frappez doucement la batterie, pour la poétesse rythmique de Woodstock
Frappez les tambours, jusqu'à ce que les serpents se rassemblent autour du feu
Que le breuvage des sorcières remplisse l'air de vapeurs de lézards
Tandis que les guitares jouent pour la liberté de la mémoire
En transe, trembler, improviser, lire
De l'Europe à Naropa, du Colorado à El Dorado
La femme-guerrière des Beats, de Naples à Tripoli
Radicale, instinctive, escaladant les plus hautes montagnes
Un vent a soufflé ses bougies
Disparaissant au fond de la sombre forêt
Les fleurs flottent encore dans ton jardin,
Descendons les pentes raides dans ta crique
Dors Janine, avec tous les oiseaux exultant à ta fenêtre
Ils ne peuvent plus te réveiller, seulement ta mémoire
Battez les tambours jusqu'à ce que nous soyons essoufflés
Janine se promène librement dans la ville éternelle
Ted Joans-The Priest of Jazz
Motto: No Bred no Ted!
He was ready to play anytime
He was able to take on anyone
In Paris, Berlin or "Tombouctou"
Jazz was his religion till the end
Traveling Surrealist-Shaman
With a hammock and Beats book
Under his horny arms
Bird's music in his heart
Preaching for Charlie Parker
Langston Hughes, the Beat poets
Jazzoetry, mouth and teeth
Triple-trouble-Ted flutters by
Available for an impromptu lecture
Or a tumble in a crumpled bed
Surreal dreams of Afrodisia
And instant mirrors for Rhinos
He kissed an unpardonable Pussy
He liberated the sexually oppressed
Fomented, berated & poeticized
Ted Joans "Nomadic Consciousness"
(Note: Timbuktu and Aphrodisia misspelled by Ted Joans)
Ted Joans - Le prêtre du jazz
Devise: No Bred no Ted!
Il était prêt à jouer à tout moment
Il pouvait affronter n'importe qui
A Paris, Berlin ou "Tombouctou"
Le jazz fut sa religion jusqu'à la fin
Surréaliste-chaman itinérant
Avec un hamac et un livre Beats
Sous ses coudes excités
La musique de l'oiseau dans son cœur
Prêcheur pour Charlie Parker
Langston Hughes, les poètes Beat
La Jazzoetry, bouche et dents
Triple trouble-Ted en voltige
Disponible pour une conférence impromptue
Ou une chute libre dans un lit froissé
Rêves surréalistes d'Afrodisia
Et miroirs instantanés pour Rhinos
Il a embrassé une chatte impardonnable
Il a libéré les opprimés sexuels
Fomenté, réprimandé & poétisé
Ted Joans "Conscience nomade"
(Nota : Timbuktu et Aphrodisia mal orthographiés par Ted Joans)
In search of the radical time past
to Tuli Kupferberg
I do vividly remember, Tuli
Selling books and cartoons on Spring street
Tuli getting naked on rooftops
Reading with Tuli, my Soho-boho guru
Tuli, turning poems into revolution songs
Sarcastic-anarchic, pacifist poet on the spot
Full time beatnik, stand-up hobo-bohemian,
Tuli knew how to kiss the radical mind
How to fuck with the rebellious kind
"Teach Yourself Fucking" his latest book
Tuli turned absurd clichés into lotuses
He taught his Russian slippers rhythmical dance
We all crashed with him, that gravitational twirl
Jumping secretly off the Manhattan Bridge
Tuli scribbling and drawing anarchy cartoons
While The Fugs were spreading the virus of freedom
For more than half a century
Tuli singing, Tuli vocalizing, Tuli chanting
Tuli asking questions on cable TV
Tuli writing 53 poetry books
"The world's oldest rock star" has gone
Tuli omnipresent in my memory
At last Tuli has kissed the hippy sky.
À la recherche du temps radical passé
à Tuli Kupferberg
Je me souviens très bien de Tuli
Vendant des livres et des dessins animés sur Spring Street
Tuli se déshabillant sur les toits
Des lectures avec Tuli, mon gourou Soho-boho
Tuli, transformant des poèmes en chants révolutionnaires
Poète sarcastique-anarchique, pacifiste sur place,
Beatnik à plein temps, hobo-bohème debout,
Tuli savait embrasser l'esprit radical
Et comment baiser avec le genre rebelle
"Teach Yourself Fucking" son dernier livre,
Tuli a transformé des clichés absurdes en lotus
Il a enseigné la danse rythmique à des chaussons russes
Nous nous sommes tous écrasés avec lui, ce tourbillon gravitationnel
En sautant secrètement du pont de Manhattan
Tuli gribouillant et dessinant des dessins animés anarchiques
Pendant que les Fugs répandaient le virus de la liberté
Depuis plus d'un demi-siècle
Tuli chantant, Tuli vocalisant, Tuli chantonnant
Tuli posant des questions sur la télévision par câble
Tuli écrivant 53 livres de poésie
"La plus ancienne rock star du monde" est partie
Tuli omniprésent dans ma mémoire
Enfin, Tuli a embrassé le ciel hippie.