poètes du monde
Friedrich Nietzsche
Derniers fragments
Automne 1888
*
Bien traqué
mal attrapé
*
brisé, rampant,
faisandé, suspect
*
un voyageur fatigué –
qu’un chien accueille durement
en aboyant.
*
plein de profonde méfiance,
couvert de mousse,
solitaire
d’une patiente volonté,
ignorant la lubricité,
un taciturne
*
comme des chats griffus
aux pattes entravées
ils sont là
le regard venimeux .
*
à cette beauté de pierre
se rafraîchit mon cœur brûlant
*
torturé
d’un nouveau bonheur
*
débris d’étoiles,
de ces débris, j’ai bâti un univers.
*
rêveurs, êtres crépusculaires,
et tout ce qui,
entre soir et nuit,
rampe, vole, et vacille sur ses pieds.
*
spectres terrifiants,
grimaces tragiques,
gargouillements moralisants
*
comme sonnailles égarées
dans la forêt
*
c’est pour les braves, pour les cœurs joyeux,
les abstinents,
que je chante ce chant
Friedrich Nietzsche
Textes extraits de Poèmes 1858 - 1888
Editions Poésie/Gallimard