La
page
blanche

La revue n° 60 poètes du monde

poètes du monde

La mort et la fermière

Abandonne-moi à l’aigle

Abandonne-moi au harle

Mais aie pitié de moi pour toutes les poules

dont j’ai tordu le cou.

 

Abandonne-moi au soleil blanc

Abandonne-moi à la lune

Mais aie pitié de mes deux yeux

qui ont fait leur boulot de voir

 

Hugh MacDiarmid
Annales des cinq sens & autres poèmes
traduction Patrick Reumaux, ed. Sous le Sceau du Tabellion, 2021

 

 

 

 

J’adhère

J’adhère au chant du berger solitaire qui use du bois de son propre corps pour alimenter le feu créateur
J’adhère au voyou à l’œil louche qui jette son mégot contre une meule de paille pour griller l’antre du métayer
J’adhère à la jeune fille qui se noie dans les eaux inférieures pour un simple chagrin d’amour
J’adhère à la chute des eaux supérieures qui lavent notre crasse et fait des vierges avec des putains épuisées
J’adhère aux crucifiés de tous les siècles pour cause de guerre de religion
J’adhère aux filles de joie qui se promènent dans les chansons à boire assassinées par les rouliers dans les soupentes
J’adhère au feu à l’eau quelles que soient leurs sources et leurs embouchures
J’adhère à l’élément trouvé pour faire la soudure dans les mines de la nature.

Angèle Vannier
Avec la permission de Dieu – Ed. Seghers

 

 

 

 

C’qui l’a Eu c’était Rien

& rien c’est exAct

ement ce que n’importe

quel Vivant( ou quel

qu’un de Mort

tel

qu’un Poète même )pourrait

à peine exprimer ce que

je Veux dire est

c’qui l’a fichu en l’air n’Était pas

(par exemple) de Savoir toute

 

Sa( oui sacré

bondieu de)vie être un Bide ou même

de

Sentir combien

Toute chose( rêvée

& attendue &

implorée pendant des

mois & semaines & jours & années

& nuits &

à jamais )est Moins Que

Rien( ce qui aurait déjà été

 

Queque chose )c’qui l’a eu c’était rien

E.E. Cummings (1894 - 1962)
95 poèmes - Traduction Jacques Demarcq - Éditions Points

 

 

 

 

L’une et l’autre

Qu’as-tu à te balancer sans fin, rosier, par longue pluie, avec ta double rose ?

Comme deux guêpes mûres elles restent sans vol.

Je les vois de mon coeur car mes yeux sont fermés.

Mon amour au-dessus des fleurs n’a laissé que vent et nuages.

René Char
Commune Présence – Poésie Gallimard