La
page
blanche

La revue n° 43 Éditorial

Éditorial

Le Billet du numéro 43

Je reviens ici à une question que je me suis posée ici il y a quelques dix années : l’implication du numérique dans le monde de l’édition. On découvre jour après jour la pénétration de l‘informatique dans ce domaine. Ce qui, il y a dix années, cinq années parait une exagération, une extravagance même, est devenu maintenant une nécessité : la consultation des textes on line. Les journaux ont des difficultés à vendre les exemplaires de leurs éditions papier. Mais ils vivent aujourd’hui très bien sur internet.  Les rédactions dévoilent de plus en plus que, réduites à une condition numérique, leur condition change radicalement. Le plus important sera non pas leur capacité financière – la capacité de mettre en jeu un grand capital pour les opérations d’édition et pour la diffusion – mais l’habileté d’avoir des informations rapides et des commentateurs compétents. Le talent des journalistes devient essentiel pour choisir un site ou un autre. L’essentiel du talent pour les journalistes est de plus en plus mis en valeur. Aujourd’hui il devient le facteur décisif.  Autrefois le capital des journaux, la possibilité d’imprimer des grandes tirages, en beaucoup de pages et de les diffuser très rapidement, de payer une armée de reporters et rédacteurs était primordiale. Plus pour les journaux sur internet.

Et pour l’édition des livres, pour les librairies, etc. ? Je vois les mêmes transformations. D’une nature identique. De nos jours « publier », multiplier, etc. ca n’est plus un problème. Chacun peut taper un texte, son propre texte et l’envoyer de son laptop sur la toile. Il a tout le monde a la portée de ses doigts. Tout ennui typographique, tout ennui de diffusion s’est simplifié, radicalement. Envoyer sur le réseau – un réseau qui devient de plus en plus immense, qui devient monstrueux. Quantité des textes attendent un probable lecteur. Les lois du copyright, de plus en plus ignorées, restent le seul seuil qui empêche encore que toute la richesse spirituelle de l’humanité soit accessible sans difficulté par tous les gens. C’est possible que dans quelques années ca devienne la banale réalité. Tout un chacun a à la portée de la main un clavier qui lui permet de s’approprier les choses exposées sur internet ou s’exprimer devant le monde entier.

Et alors ? Par quoi tenir en vie les « maisons d’éditions » ? Quel rôle peuvent avoir les institution qui dirigeaient autrefois le circuit des livres ?

Je crois que les instances professionnel auront leur futur. Leurs responsabilités seront quand même différentes. Entre l’écrivain et son public on n’aura plus l’immense engrenage économique-typographique. Pas plus les grandes ou petites maisons de diffusion d’aujourd’hui. On aura seulement la compétence. Dans cette marée des mots qui est le réseau, on ne peut lire tout, on peut de plus en plus difficilement sélectionner. On est vraiment submergé sous les vagues (sinon les… tsunamis) des textes. Devant ce magma de textes le futur lecteur aura besoin d’indications, de repères. On aura besoin des compétences pour faire la sélection. Le lecteur aura besoin d’un filtre qualifié pour lui offrir ce qui est vraiment d’une certaine qualité. On aura besoin des spécialistes en critique, des niches de qualité qui pourront sélecter avec compétence. La capacité de sélectionner, de choisir ce qui mérite d’être lu et de jeter ce qui ne le mérite pas deviendra la plus précieuse instance. Là ou écrire, multiplier, diffuser sera un tout-rien à la portée de n’importe qui…

Et l’économique dans tout ca ? Il faut trouver d’autres mécanismes de changer la compétence contre la récompense, contre l’argent. La compétence deviendra le cerveau de chaque « bureau de sélection ». La capacité de communiquer deviendra aussi très importante. On aura des centres de compétence presque pure… La récompense sera payée par les droits d’accès et surtout par les droits de publicité.

Et ce futur est tout proche…


Constantin Pricop