poètes du monde
Marguerite Duras
La nourriture est faite vraiment pour tout le monde.
Comme la vie, elle est faite vraiment pour tous.
Pas la littérature...
LA CUISSON DU RIZ
Ecoutez, le riz, voilà comment il faut le faire, une fois pour toutes retenez ce qu’on vous dit. D’abord pour tous ces plats il faut du riz dit “parfumé” en sac de plastique, sans marque, qu’on achète dans les boutiques d’alimentation vietnamienne. Même ce riz il faut le laver. Raison de plus pour laver l’autre riz, celui qui a une marque, qui est bien empaqueté et vanté à la télé. Il faut le laver à plusieurs eaux, le broyer dans les mains sous l’eau pour enlever le reste de son qui l’enrobe et la poussière et l’odeur du sac de jute - l’odeur de cargo- qui est celle du pétrole. Sentez le riz pas lavé et sentez le riz lavé, vous verrez la différence.
Lavez le riz entre quatre et sept fois pour être sûr. Pour le cuire voici. Mettez le riz lavé dans l’eau froide et dans les proportions sacrées suivantes : 2 hauteurs d’eau pour une hauteur de riz. Pour 4 centilitres de riz, mettez 8 centilitres d’eau froide : Tout est là. Faites bouillir le riz et puis mettez-le sur un diffuseur au feu le plus doux qui soit. Couvrez la casserole bien hermétiquement. Au bout de quelques minutes regardez le riz. S’il est très sec, mettez un tout petit peu d’eau froide, remuez-le, aplanissez-le et remettez-le à cuire. C’est très rapide. En tout 5 minutes peut-être ou moins. En Indochine on le fait dans des pots de terre cuite. On n’y touche pas pendant la cuisson. Contre le fond du pot il se forme une sorte de gâteau de riz brûlé que les enfants mangent avec de la mélasse. Encore un conseil: n’achetez jamais du riz glacé à la façon de U.B. La marque française T.A. n’est pas fameuse mais lavée elle se mangera.
Marguerite Duras
in “La cuisine de Marguerite”,
textes présentés par Michèle Kastner, Jean Mascolo
Ed. Benoît Jacob