Bureau de traduction
For Ira Cohen
In the spectral deserts
where gold fish swim
and dark mesas
tear glittering spines
from whirling white clouds
I bend low over your sleeping face
which is just another dune
strapped to the shell of a tortoise
that lunges out across time
to drink the salt
of ancient oceans
one faint insect
scatters its seed
and there –
as in the last fitful convulsions
of childbirth –
our dreams dream us
dreaming them
-- and we dance in a dreamless
dream of dreaming
endless dunes
and shattered cries --
in the spectral deserts
where gold fish swim
Pour Ira Cohen
Dans les déserts spectraux
où nagent des poissons dorés
et les sombres mesas
qui déchirent les épines scintillantes
des tourbillons de blancs nuages
je me penche sur ton visage endormi
qui est juste une autre dune
attachée à la carapace d’une tortue
surgie à travers temps
pour boire le sel
des anciens océans
un faible insecte
disperse sa graine
et là –
comme dans les derniers accès de convulsions
de l’accouchement
nos rêves nous rêvent
les rêvant
-- et nous dansons
dans un rêve
sans rêve de rêver
dunes sans fin
et cris brisés –
dans les déserts spectraux
où nagent des poissons dorés
Allan Graubard
Traduction de Gilles&John
For Butch Morris
If we don’t know where we are, neither do they…
A slow, somber landscape of echoes and fabrications…
And from the other side of silence…
An audible grief lashes out like a dismembered arm searching for its body…
Madrid, five years before…
Cure me, come closer…
We fall upright, livid, like great promises, precious moments…
Caryatids, gargoyles…
Nightmares wear harlequin costumes…
They roll across the dirt with the ease of hurricanes whirling out from miniature duels…
Because hairdos like morning webs burn each other up…
A faceless phantom that puts on your face…
And in the distance a Viennese opera vaulted into stillness, an 18th-century mesmerist
perfectly oriental…
A lone bell…
….and the slow disenchantment…
The great pedant ticking of the sea’s heart…
…a lone bell…
…shh! There’s a harp in labor as only harps know how, with cymbals for nurses and delicate springs flowering on each and every image…
Pour Butch Morris
Si nous ne savons pas où nous sommes, eux non plus…
Un lent, sombre paysage d’échos et de fabrications…
Et du silence de l’autre côté…
Un chagrin audible qui s’allonge comme un bras démembré en quête de corps…
Madrid, cinq ans auparavant…
Guéris-moi, approche-toi…
Nous tombons, debout, comme les grandes promesses, les moments précieux…
Cariatides, gargouilles…
Les cauchemars sont en costumes arlequins…
Ils roulent au sol avec la facilité des ouragans sortant en tourbillons de duels miniatures…
Parce que des coiffes se brûlent entre elles comme les toiles matinales…
Un fantôme sans visage qui se met sur votre visage…
Dans le lointain un opéra viennois voûté dans le silence, un magnétiseur du 18e siècle parfaitement oriental…
Cloche solitaire…
…. Et le lent désenchantement…
Le grand battement pédant du cœur de la mer…
… cloche solitaire…
Chut ! Il y a une harpe en gésine comme seules les harpes savent faire, avec des cymbales pour les infirmières et des ressorts délicats fleurissant sur chaque image ...
Allan Graubard
Traduction de Gilles&John
For Mario Cesariny
Now we put down our words
and take off our clothes
and roll up our skin
from the toes to the top of the head
and scatter our bones
among the living and the dead
until a vast and penetrating silence
a still burning point
in spectral night
an empty voluptuous alien frenzy
a storm of eyes and hope
explodes implodes careens and caresses
fugitive phantom
speckled with quick auroral prints
paw prints hand prints hoof prints
web prints womb prints
white and green and blue prints
that root tenaciously
beneath us
for we have returned
from each angle
in this rotating wind from nowhere –
this heat
from which
bones flesh clothes and words
are born
to us
again
Pour Mario Cesariny
Maintenant nous posons nos mots
nous ôtons nos vêtements
et retroussons notre peau
des orteils au sommet de la tête
et dispersons nos os
parmi les vivants et les morts
jusqu’au vaste et pénétrant silence
un point encore brûlant
dans la nuit spectrale
une vide voluptueuse inouïe frénésie
une tempête d’yeux et d’espoirs
explose implose caresses et carènes
fantôme fugitif
parsemé d’impressions aurorales rapides
empreintes de pattes empreintes de mains empreintes de sabots
impressions sur toile impressions d’utérus
imprimés blancs verts et bleus
cette racine tenace
en-dessous de nous
car nous sommes revenus
de chaque angle
dans ce vent tournant de nulle part
cette chaleur
de laquelle
os chair habits et mots
sont nés
en nous
de nouveau
Allan Graubard
Traduction de Gilles&John
For Enrique Molina
I dream the dream that death will wake in me
this love of life of love and living
an insatiable cricket that saws away under the moon
and what about the bloody cloud tinged with vomit
the hollow thud of a crow’s wing beat
when stars drip down into the iron haze
that sweats along an empty street
all those inimical burned settees
crinkled black by sudden explosions of edelweiss
on a screen stroked with algae
that corner under a busted street lamp
where once enraged we cut each other’s
clothes to shreds of manic laughter
the first key to the underground passage between salt crests
your hand on my thigh like an exhausted volcanic scythe
polished with diamond dust
an effigy or two
to mark the coronation of Tango illusionists
and all those grappling hook walls
that spun amnesiac and cruel
rapacious and vituperative
salacious and omniscient
with the heat of a thousand intimate fires
we will never get enough of
together and apart
Pour Enrique Molina
Je rêve le rêve que la mort va s’éveiller en moi
cet amour de la vie d’amour et de vie
grillon insatiable qui racle sous la lune
et que dire du nuage sanglant teinté de vomi
du bruit sourd d’un battement d’aile de corbeau
quand les étoiles coulent dans la brume de fer
qui transpire dans une rue vide
de tous ceux-là hostiles canapés brûlés
noir émietté par de soudaines explosions d’edelweiss
sur un écran caressé d’algues`
de ce coin sous un réverbère cassé
où une fois nous coupions l’un l’autre avec rage
nos vêtements en lambeaux d’un rire maniaque
première clef du passage souterrain entre des croûtes de sel
ta main sur ma cuisse comme une faux volcanique épuisée
polie avec de la poussière de diamant
d’une effigie ou deux
pour marquer le couronnement des illusionnistes du tango
et de tous ces murs de grappins
qui filaient amnésiques et cruels
rapaces et vitupérant
salaces et omniscients
avec la chaleur de mille feux intimes
nous n’en aurons jamais assez
ensemble ou séparés
Allan Graubard
Traduction de Gilles&John