Séquences
Patrick Hellin
Je n’ai rien de particulier à dire sur mon propre compte, n’ayant de toute façon jamais rien publié. J’écris depuis plusieurs années et je travaille, en Belgique, dans l’enseignement professionnel. Je suis âgé de 63 ans. Déjà au bord du vide. Comme à vingt ans. Le poème est effectivement pour moi une page blanche pour la vie, celle qui échappe aux heures, qui se refuse au jour..
Le Désert
I
On ne dit jamais assez
la limpidité du désert
Rien ne s’exclut
de son silence
Rien ne bouge
de sa nuit
II
Certains déserts arrêtent les pas
Le vide est un labyrinthe
un corps trop vaste
Trop de chemins
empêchent de prendre la mer
III
Le Désert tient à son obscurité
la transparence est son leurre
La transhumance des mirages
bivouaque dans d’obscures caravanes
sous la crête des dunes
IV
Entre les déserts
d’autres rivages
d’autres déserts
Les mots n’ont pas cours
dans les lits à sec
V
Le Désert ignore l’art des bordures
Les limites n’y légifèrent pas
Les convictions s’inquiètent
de cet espace indéfini
De cette absence de clôture
l’aube chevauche le crépuscule
L’ombre nait au ventre de lumière
Le silence est ici parole
VI
S’astreindre au Désert
au supplice de l’épure
comme un souffle clair
qui monte jusqu’à soi
comme un sang chaud
où chantent les plaies
Consentir aux gestes de sable
VII
Le désert s’étonne du temps
de son intransigeance à être
de son impassible maturité
En lui il n’est pourtant que mirage
Docile rêverie du désert
source de l’inexistence
VIII
Tout s’y montre
Tout s’y cache
Dans cette nudité ordinaire
les ombres possèdent la complexité des échos
le silence, des ourlets de lumière
On se sent exclu de cette complication
de ce paradoxe de sable.
IX
Dans cette translucidité pure
tout se dit dans l’obscur
Chaque grain est un crime
Chaque grain, une faute
L’insoluble blessure fleurit dans les sables
Patrick Hellin