poète de service
Samar Diab
Quand le feu a mordu à ton nom
Depuis quand tu t’es monté dans le feu un siège?
Je t’ai vu ô l’égal des appétences quand ton ombre a blanchi
Entreprenant d’offrir aux encolures huile et clous…
Cette terre séisme…
Heaume de vastes arbres jusqu’au continent du feu…
Et toi…comme un fil de déluge tu dessèches ton étoile…
Ton rêve ne dort plus…
La nuit a atteint sa lactation…
Tu ne me dis rien…
Sauf que tu m’as vu…
Tu entailles une paille dans ta veine…
Et tu bâtis sur les fouets des atours aux amoureux…
Le matin te rattrape… tu accroches sur la colonne ton secret…
Et tu creuses dans le vent caverne…
Et là tu as épelé la sorcière en totalité…et là-bas c’était…
L’égoutture de la rosée est une mine qui jacte sous la langue…
Et là-bas…
Où le feu a mordu ton nom…l’abjection des femmes gracieuses t’a atteint
Enfantant leurs seins…deux pour tes yeux…et cinq pour tes doigts…
Et rien pour ta poitrine excepté une brume qui vient et recule dans le cri…
Tu imagines les étoiles des pêches torrentueuses…tu marches à ses noyaux…
Une mélancolie sauvage te poignarde…
Tu verses ton sang
…Tu marches
… à la taverne des ombres
Je t’ai vu dans tes yeux…
Tu jettes le dé et tu entoures tes circonvolutions avec les figues de barbarie
Des hanches saintes et une foule de vague charbonnée…
Je t’ai vu généreux comme les paupières des prostituées…
Tu parles chaque fois que tu transperces une pénitente…
Tu veux quand tu veux…
Tu convoites comme le prêtre des poètes…
Leurs piailleries au moment où déborde la cuvette des ruines de ses fruits…
Tu ne m’as pas dit…
Quand as-tu supplié la louve de neige la dernière fois de t’emporter…
O toi l’impromptu dans l’ébullition
Tu dissous une vague
Et tu la bois puis tu reviens à la charge pour questionner…
Toute cette eau dans ma plaie est de sa mère…
Et ma mère fut morte peu avant le dîner…
Il ne me lèse pas – elle disait…
Que la pluie imbibe mes habits
Et que le soleil dessèche ses fressures sur mon corps…
Je me relève de mon sang démis – elle disait…
Délié à la porte des pesanteurs…
Noir comme la mémoire d’un taureau…
Déchaussé comme une jouissance empoisonnée…
Je compte les lunes dans la morosité – elle disait…
Puis je la castre…
…Sauf que je t’ai vu…
Tu jettes du pain et du maïs sur tes dos et tu fais frétiller ton odeur
Pour une colombe aveugle…
Et rien sauf une brume…elle vient et repart dans le cri…
Tu ouvres ta poitrine avec une épine gravide
Tu as déposé là-bas des jumeaux…ton cœur et le flanc d’une femelle…
Et dès lors tu cries chaque fois que le tir atteint une rose…
Ou ton secret passe entre deux plantes leur tiers
Un auriculaire vert d’une femme égarée…
Un corps alors…
Où paraphe de la rébellion sur les arbres du baptême…
…le dard des papillons sur son lit
Mort le couvre une omoplate et sa prédiction…
Ou du sel qui divague dans une projectile…
Alors…
Quand alors dans un cri j’ai dit je t’ai vu pour la première fois…
Quand je t’ai vu dans tes yeux…
Ou quand le feu a mordu à ton nom
Se passe maintenant
Que j’écris sur le monde…
Le croc qui se tient debout sur le mamelon de la nuit
Dans sa main un panier de poussière
Le loup lilial qui ameute le cri
Il se passe que la nuit est l’arsenal de la volupté
Et que la lumière est un poète leucoderme qui fut mort
Et qui le reste toujours
Tendre comme la plante du pied
Calomnieuse comme la plupart des femmes
Et je suis impuissante…
Mais une part de moi est tulipe rouge
Aspergeant la langue de légendes
Pour qu’elle s’éveille à l’extrême de l’imprudence
Ma maison un moulin pour les poussins de l’âme
Ou peut-être plus, mon trottoir surgit de sa peau
Pour me dire : j’ai en redevance deux boulevards
Et une femme qui éprouve sa béance
Et épluche le bonheur avec des larmes rouillées.
Une deuxième fois…
Il arrive que j’écrive sur le monde
Les encens des ruines
La perle abyssale dans l’ombilic de la fenêtre
Et arrive que la soif soit la jarre de la tentation
Et que les corps aujourd’hui brillent dans le prospectus du sang
Comme un vent égorgeant sa progéniture
Et arrive que je ne sois pas une hémorragie pluviale
Pour que tu me poignardes
Et tu m’appelles nuage
J’entends ce que dit le bracelet de l’arbre à la cheville de l’air,
Toutes les guignes de la ville sont plus petites qu’un trou dans la tête
Moi qui ai dansé au point que le renvideur m’ait crue un fil dans l’extase du ciel
Et j’ai vu sous ma peau une grande multitude de pirates et de pailles
Des disques découpés pour des seins fissurés, des écorces de noisettes,
Des langues de vipères, des langues de flammes, des langues d’Hommes,
Il arrive que je vole les diadèmes des alcôves du roi
Puis je les pose sur la tête des poussières
Et j’observe une horloge nue sur le mur
Attendant le temps
Qui ne revient pas
…Mais
Il arrive maintenant
Que tout ce qui arrive en ce moment
Ceci
Qu’une personne met le poison dans le dernier cœur
Qu’une femme à l’acmé de la sérénité
Expérimente son nouveau cri
Dans le nouveau monde…
Si tu m’avais embrassée ce matin-là
Dans mon oreille un bourdonnement de sang
Je ne t’entends plus rien
Apaise les cris des morts autour de toi… puis parle
Oui… maintenant c’est mieux
Qu’est-ce que tu disais ?
Rien…je criais…
1
J’avais craint sur les femmes un air de chancre…
J’ai embourré de matrices les flacons du temps
Et je les ai jetés dans la mer
Les coquilles vont éclore une foule de femmes
Les vagues gronderont que c’est rare à la femme violette
Celle qui habille son ventre d’une grande horloge
De cesser de rire en donnant naissance
2
Ma ville est une pomme
Ma ville est une pomme
Ma ville est étalée sur le toit d’un rêve
S’abreuvant de la morgue
Maintenant celui qui mâchera le ciel
Sans que les larmes dégoulinent de son œil
Aura une offrande
Une bourbe terrible
Et une âme s’arrachant ses épines avec sa poitrine
S’écoulera le sang
Puis souffle
Tu meurs ensuite dans ton hémorragie embrasée
Comme du charbon lisant dans le miroir…
3
Seront chauds
Ces chevaux excités dans l’arène de l’œil
Leur échine un fouet et leur pied
Ferrage de tempête
Deviendra démente cette femme dans la tente de son euphorie
Et raclera des toits et des cous l’écume de la guerre
Et grondera comme ont grondé les vagues
Prenez vos derniers souffles
Et sortez de mon arbre
Je veux arriver…
Avant que la fumée ne tiendra sur ses pieds
4
O viens
Corps malicieux qui t’appartient
Pour que je sèvre ton intuition sanguinaire
Avant que la prophétie nous transforme des dards
Sur le chemin
La limite de mon expiration
Est la limite de tamouz dans la pomme…
Ma ville est pomme
L’été est fallacieux sans morts qui tintent dans le vent
Afin qu’une gitane égorgée remue ses fesses
5
L’ombre éloquent revenant d’un étal qui vend
Du café, de la farine et des macules gelées
À des évasions hâtées a crié
Quel cadavre c’était mon ami ?
Une boucle dans l’argent a crié…
Je suis le sud avec deux oreilles percées
Une file d’amants a crié
Mon émeraude qui est dans les ruines…
S’est avancé profondément
Comme un feu pillard
L’astronome de la ville a crié…
Le sein pénétrera l’orbite de la mort
L’élancement a crié…
Tout ton corps est tendre et délicat
J’élèverai une bannière sur ton tronc
Et je te proclamerai le royaume du rampement
Une femme éprise a crié
Je couperai mes cheveux et m’exploserai
Parce que mon ascendant aujourd’hui
Est une grenade entre les mâchoires de l’histoire
Si tu m’avais versée le matin sur tes mains
Aucun avion n’aurait traversé cet espace
Mais tu es toujours ainsi
Tu ajournes l’amour à la nuit
Et tu oublies tes clefs dans la bataille
Jusqu’à ce que l’attente me bombarde
6
J’ai versé des larmes en regardant derrière moi
Voyant derrière moi le ciel
Un tamis ne retenant que le cuivre
Et quelques cils refusant de tomber
J’ai sacrifié mes halètements banquet à celui
Qui saurait poser son doigt dans ta mer
Et ne dépiautera pas dans le port la peau de l’aube
Beyrouth me chatouille
Et c’est comme ça que j’ai proféré ton nom
En enfonçant un clou dans le crépuscule
Y suspendant mes poumons
7
Elle regarde comme une serpe
Elle troque son heaume avec le crâne d’une gazelle
Elle toiture l’embrassade avec les tuiles et les pierres de l’œil
Rouge est
L’aveline des formes…
8
Une rhétorique si je mine mes yeux maintenant
La vision est une corde débordante dans le violon du sang
Je ne désire pas voir
Seulement remplir mes yeux avec de la neige
Et écarter loin de mon visage
La mouche de la parole
Dis-leur de te crever les yeux loin de moi
Là-bas… derrière le tertre des appétences
Où les dieux vont et viennent avec les semelles des massacres
Là-bas où le cœur est loge
Où le nord est sud
Où le sud est l’augure des minuscules enlisées
Dans les temps des doléances…
Je ne suis pas à moi seule toutes ses métaphores
J’y suis moi, une parcelle du cœur
Et un frisson acidulé qui ne parvient pas…
9
Je te vois avec six doigts cette nuit…
Où sont les quatre points cardinaux
Les angles du petit vase des poissons
Les extrémités de la scène
Les jambes de deux avions dans un café
Les psalmodies d’une braise rectangulaire
Deux saisons dans le miroir
Le gant d’une nouvelle mariée
A laquelle la violette a dévoré
L’auriculaire
Les taches de rousseur de la vendeuse
Des framboises dans la cellule de l’occision
La résine de l’étonnement qui siège sur les lèvres
La racine de l’image de ta mère et son extension
L’odeur de la couverture bleue
La gaieté des fenêtres sous tes aisselles
Je te vois avec ta carpette rouge me sacrifiant sur l’autel
Saurais-tu me dire où sont tes jambes ?
10
Je suis la même, la femme dans la guerre
La truffe de l’amour
La bouse des verres poussant du salut du ciel
Si tu m’avais flairée lentement ce matin-là
Si tu m’avais embrassée ce matin-là
L’avion n’aurait pas survolé ce lieu
Mais tu es toujours ainsi
Tu me reportes à la nuit
Et tu oublies le baiser sur la table
Jusqu’à ce que poussent à la guerre des lèvres…
Mes mains sur la comparaison
Je pourrais crever un œil pour désaltérer ma soif…
Moi qui pénètre ma peau avec toute ma saveur dense
Moi qui en ressors sans tête éblouie par les poètes ou par les vins…
Avec des mains surettes je pressure
Une forêt suffisante pour assouvir les tavernes…
Et au moment où de ton sommeil le rastel me réveille
J’étendais mes mains comme un ombrage ivre
Pour pincer l’oreille du soleil
Et fuir…
Je savais que mes mains sont lisière
Et moi sur la lisière un feu ruminant les cloisons rupestres
Ton héritière ô vent
Tu m’ouvres, tu m’enfermes
Tu m’enfermes, Tu m’ouvres
Comme si j’étais une fenêtre entre deux rochers
Comme si j’étais deux rochers pris de vertige
Un fruit mort tenté de la question
Que serait l’état des branches après ma déconvenue ?
Mes mains sur la nuit
La poésie s’éclot dans la chambre du coeur
Comme l’œuf du phénix
Je commence à souffler
En hiver sur le verre.
Je dessine un cercle
Et je redessine
Mes mains sur les cercles…
Je peux maintenant sauter de l’éveil vers la goutte de sang infecte
Seulement maintenant
Parce que la terre est distraite par les amoureux
Et les cuisses d’un pélican affamé
Je dis à la terre que ma tête est fabulation
Pose ta main dessus et secoue-la
Un poète en tombera dans un lieu inconnu
Dans un fleuve et brisera sa mémoire
Je peux te surprendre chaque temps que j’en ai l’intention
Avec une image poétique à l’instar de :
Le cœur est raisins secs contristés
Ou le visage de ma mère encrier de sable
Ou une lune est ma patrie, deux lunes mon amoureux
Mais
Que peut un parasol alors que mes mains sont de cire fertile…?
Mes mains sur les décombres
D’autres se suppurent dans l’âme et sa taverne
Je vois mon corps dans le rêve un écran cru
Je conjure trois fois…
Puis cinq fois…
Puis mille fois…
Puis je tire les araignées par les cheveux
Pour voir qui d’elles est à même d’ajourner mon insurrection…
Mes mains sur la fuite
Cours ô soleil…
Mes pieds sont encensés
A l’exemple des poumons des charlatans
Tu n’es plus utile ô oiseau qu’a becqueté les armets
Mes mains sur la forêt
Là sous l’arbre se trouve Layla
Layla fume ses jambes et exhale les astres loin vers l’ennui
Layla est ses pyramides qui vendent deux cercles obscènes
A une accusation pied nue
Quand elle se recroqueville comme un hérisson ennuyé
Toutes les fleurs qui poussent sur son dos la taillade
Ses mains sur le loup…
Mes mains sur la comparaison
O toi la comparaison
Qui me fait triompher sur l’eau des poètes…
Je suis toute catachrèse pour un démon chasseur
Bûches pour le coltineur de la sorcellerie
L’Espagne mûrit dans le beuglement…
Alors que mes taureaux possèdent la gorge du rêve dans un caveau
Et le bohème qui pourrait le traduire aux filles des Eskimos ?
La poésie est lèvre fêlée
Puis carnaval…puis sel du vacarme…
Vase de poissons comme les serres de la mer
Ainsi…
dieu répand ses victimes dans mon œil pour que je tire un long souffle
Et m’en délecte quand je ferme mes cils avec force
Qui m’y ressemble
Mon ennui est la voix de ton appartenance
O terre du malheur…
Maintenant
Mes mains sur les bombes
Mes mains sur les bombes
Qui s’explose à présent… me fera rire…
La terre renversée
À son extrémité un fil…je le tends
Se rétrécit le ciel jusqu’à se tourner information
Je me verse sur la ville…alors brille-t-elle comme de l’huile
Je crains
De me trouver sèche dans un moment
Lance coquette plus exquise que l’air du port
L’œil d’un large coquille nous éjectant une mer
Corps ô mer…
J’ai peur d’entendre le craquement d’une brumaille
Quand elle pousse ses ossements dans la rose…
La poussière me polit
Je ne m’en souviens plus maintenant et plus je ne hoquette…
Les éraflures des mains ne sont pas une mort
Je crains que je sois plus…
Et le boulevard n’est point une côte
Je crains que je sois plus
Granada n’est pas ma mère
Ni la grenade une lune
Je crains que je sois plus…
Comme si la forme de l’oiseau venait…
Entre celui qui vers moi conduit son errance
Et la pierre de l’œil distance pour la flâne de l’angoisse
Jusqu’au tronc d’un arbre il oscille et découvre le chant de ses yeux…
Se restreint le cerf de l’allégorie jusqu’à ce que le vent déborde de mon cœur
Et j’ai peur que je sois née sans avoir intériorisé en moi
Pour les échos ni vallées ni récurrences…
Serais-je affluence, serais-je enceinte chronique
Automne et ses aberrances…l’enseigne du blé errant
Des chevaux recalés sautent du vin des soirées
Et je crains que je sois cérémonies des perdrix dans ses hantises
Et la mort n’est pas contraire à l’odeur des étrangers
Et la nuit n’est pas un coing…
Le ciel sans cesse se rétrécit
Il a peur qu’il soit…
Sur la pointe de vos pieds ô poètes
Vous allez les réveiller
Les lances qui se sont assoupies avant peu
Vous arrivez bien armés avec l’abondance
De vos eaux interdites
Avec la totalité de vos halètements
Menant l’arrogance au-dessus des doutes
Avec tout l’amoncellement que vous avez nommé rossignol
Que vous avez délivré sur la terre
Me perforant le ventre avec bonheur
Vous arrivez et je mets tous les doigts
De l’univers dans mes oreilles
Et aux temps où vous passez avec vos toussotements brisés
Et vos enivrements étourdissants et coléreux
Avec tous les crissements des femmes qui adorent l’or
Et la fourrure de ces misérables renards
Je n’ai guère eu la sensation que vous étiez là…
création Samar Diab
traduction Monsif Ouadai Saleh