poètes de service
Pierre Scanzano
Car pour tout vous dire, je n’ai jamais publié, étant trop pris à me vivre...ce serait trop long pour vous en expliquer les raisons.
Maintenant je passe mon temps à essayer d’établir ce que j’aurais dû écrire depuis longtemps.
Je pense qu’il faut avoir quelque chose à dire, l’ayant vécue, pour assembler ne serait ce que des bribes ou des restes...
(Extrait du recueil « Entre-Deux »)
s’il en est
il y a les strates
les différents niveaux
les couches sédimentaires
qui composent
et décomposent
ma structure.
s’il en est
J’entasse.
****
le vide
cet objet
s’emmêle
au néant
ensemble
s’annulent
le vide
cet objet
distribue
ce qui en fait
m’appartient
****
je ne suis attaché à rien
dans l’air
je suis libre
de pulvériser qui je veux
le vent est
ma recherche
du sang
****
entre-deux
je suis
entre-deux
comme une feuille d’automne
qui voltige
ni dans l’air
ni à ras de terre
entre-deux
je cogne l’espace
intrinsèque
ni gauche ni droite
nulle part
dans l’isolement
de la substance
inversée
celle qui nie
l’autre
et la crée
dans l’éloignement
de l’instant
entre-deux
proportions
du vide
de
matière
à
vivre
Pierre Scanzano
(Extrait du recueil « Reliques lyriques »)
tout est arbre dans ses racines d’arbre
tout devient un jour ou l’autre arbre
arbre sans feuilles sans fruits d’arbre
arbre sans bras écorce à nu mais arbre
toujours arbre d’avenue ou forêt d’arbres
arbre indissociable des autres arbres
arbre méconnu arbre blessé dans le cœur d’arbre
par la foudre du temps se croyant arbre intemporel
arbre aux cheveux roux une nuit d’été arborescente
agrippé à la falaise de l’amour regorgeant sa genèse
arbre d’automne arbre détestable mais arbre
arbre comi-tragique heureusement arbre
heureux d’hisser sa cuirasse arboricole
la sève humaine au cieux des hommes
le monde devrait se vêtir en peau d’arbre
se chauffer en lui ne manger que arbre
ne rêver que arbre
ne mourir que arbre
se dévêtir en arbre
naître arbre à jamais à jamais arbre...
Pierre Scanzano
(Extrait du recueil S.A.V 2012/2013)
Courbe
Ce qui se tord à nouveau tôt ou tard se retordra
retardé ou retraçant précisément l’avancée sans
bruit comme émaillé d’un fond sans fond avec
toute la spécificité d’un puits long sourd entre
espacé de sombre d’humidité et de froid carcéral
ainsi que phrases et pièges d’inclinaisons cassées
soyons sûrs neutres entiers restons calmes calfeutrés
imbibés d’air la comprimant dans ce cas soupeser
ne suffit plus qui soupeser après qui d’autre élargir
l’anse le pour le contre s’inversent la poids gêne
contre tacle acceptons-nous tels quels uniques oui
à réitérer oui à ceci ou cela avant que toute chose
ne soit de plus en plus consternante encore à suivre
le suivant encore au corps sans répondant encore
ce fade insinué épaississant quand et comment faire
un moi mort un soi mort que mort réel mort dans
sa chair décoffrée soudain mourant pour de vrai
surtout ignoble blessé sans mourir là à tambouriner
porte à porte comme un frappadingue du matin au
matin enfin croix et délice à crépir régulièrement
pignon et façade du sang en talocher soigneusement
la surface deux couches rases en fines lamelles
strates de soie de soi à soi remettre d’à plomb l’os
le redresser l’écumer mis sur patte remarcher donc
dans l’immortel ou l’incliné baleine d’ombres usuelles
cela dépend de qui et en quoi consiste ce qui existe
sous l’ombrelle du cas par cas au cas où quelque chose...
en tout cas va et vient de circonstances va et vient à
l’amorce d’heures creuses et fixes en quoi le fixer
en qui seront fixées creuses et fixes d’heure en heure
ah mon caroubier d’enfance sous-toi fruit mûr délayée
relayée au compteur de mars à mars date sous-datée
qui sait jusqu’où ira-t-on piocher un souvenir potable
qui tienne l’arbalète sa voix assez pour tenir quelque
chose intenable on ne sait plus compter sans effacer
quelqu’un dans le noeud coulant du temps jours en
hardes les jours viennent à l’abrasion d’être à en venir
sans approcher la venue que l’on verrait possible c’est
possible ! On passe au crible le reliquat de ceux qui
déroulent un minima d’espace avant d’en venir aux mains
de l’espèce là au bord s’engouffrant par inadvertance
à la queue leu leu dans le goulet et de mémoires en
mémoires diluant asséchant sécrétant dans l’atroce vide
nécrophage l’Absent tumultueux Absent
Pierre Scanzano