La
page
blanche

La revue n° 50 poètes du monde

poètes du monde

Je recopie pour l’envoyer/ Ce texte aux ailes mutilées/ Je n’ai plus peur de publier/ J’ai découvert mes faibles cartes/ Je dois continuer à jouer/ Il est en prose de travers/ Quand dirai-je bien ce qui est/ J’espère y parvenir un jour/ Je vis pour cela je vis pour.

Georges Perros
Œuvres - Quarto Gallimard - ( site nonfiction.fr)

 

jusque là, mes pas n’étaient que des explosions souterraines

que le silence recouvrait de peinture

de peinture.

*

La pesanteur

qui nous presse

sur le travail le jour et sur le lit la nuit. La guerre.

*

on marche longtemps et on écoute et on arrive

au moment où les frontières s’ouvrent`

ou plutôt

où tout devient frontière.

*

mais quelque chose réapparaît, par frottement, cela se met à ressembler à un sourire, on ne sait pas encore à quoi cela pourra servir. C’est ouvert. C’est quelqu’un qui s’empare de mon bras à chaque fois que j’essaie d’écrire.

*

Comme si c’était indispensable…

Comme si la toute petite enfance avait été brisée

pour pouvoir passer par la grille.

Comme si c’était indispensable…

*

lui qui fait couler un fleuve par le chas d’une aiguille,

est un monsieur de Vienne, encore jeune et obèse,

que ses amis surnommaient « la Girolle », qui dormait

avec ses lunettes sur le nez,

et qui, tous les matins s’installait ponctuellement à

son pupitre sur lequel les merveilleux mille-pattes

de la partition se mettaient à évoluer.

*

Et cette femme ne cesse d’acheter des choses

pour les jeter dans la gueule des grands vides

qui rôdent autour d’elle.

*

Et lui qui essayait de crier sous l’eau

et la masse froide du monde lui entrait

par le nez et par la bouche.

*

Je dois souvent me taire. Volontairement !

Parce qu’on dit et redit toujours « le dernier mot ».

Parce que bonjour et bonsoir…

Parce qu’au jour d’aujourd’hui…

Parce qu’à la fin les marges

passent par-dessus les berges

et submergent le texte.

*

Le livre des contradictions.

Ce qui y est écrit change à chaque instant, les images

se retouchent toutes seules, les mots scintillent.

Une lame de fond roule à travers le texte, suivie de

la prochaine et d’une autre encore…

*

Las de tous ceux qui viennent avec des mots, des mots`

mais pas de langage,

je partis pour l’île recouverte de neige.

L’Indomptable n’a pas de mots.

Ses pages blanches s’étalent dans tous les sens !

Je tombe sur les traces de pattes d’un cerf dans la

neige.

Pas des mots mais un langage.

*

Un espace de temps

de quelques minutes de long

de cinquante-huit ans de large.

Thomas Tranströmer
Baltiques (Extrait)– Poésie/Gallimard
Traduction du suédois par Jacques Outin

 

Les textes existent. Tous les textes. Tous les textes existent. L’ensemble est ensemble, il n’est pas ennuyeux, il reste là, il est calme, il est ordonné, il est sans insistance. Il n’est pas obligatoire de les lire, les textes existent, c’est écrit. Ils sont là, ils sont faits de la même matière, ils sont tous traduisibles d’une langue à l’autre, ils ne sont pas vrais, ils sont dans la langue, et l’ensemble se repose, depuis un premier besoin de dire imprimé, ne disent rien. Le besoin perdu, les textes restent et se reposent. Il n’y a pas à en rajouter, il n’y a pas urgence, il n’y a pas de folie. De la bonne volonté de part et d’autre.

Christophe Tarkos
Ecrits poétiques – P.O.L.