poètes du monde
Boris Pasternak / Allan Ginsberg / Ted Hugues
Le jardin Neskoutchny I
Les oiseaux gazouillaient et ils étaient sincères,
Le soleil luisait sur le vernis des carrosses,
La pierre à aiguiser laissait tomber des étincelles
Qui se répandaient en s’éteignant dans les rayons du feu.
Par les fenêtres ouvertes, sur le tissage qu’on faisait,
Se posaient comme des pigeons les nuages.
On remarquait que la pluie avait fait maigrir –
Beaucoup – les enclos et – légèrement – les croix.
Les oiseaux gazouillaient. De l’école – comme une vague –
Sortait dans la rue et sur les bornes
La chanson continue des claquements de bobines.
(…)
Boris Pasternak
La suite de la traduction de ce poème par Alexandre Schick
se trouve chez Pierre Seghers Editeur
Le jardin Neskoutchny II
L’air est fouetté par une pluie épaisse.
La forêt grisonnante se couvre de lichens.
Tu attends : l’horizon sortira de sa torpeur
Et tout commencera. Et le bruit s’élèvera.
Comme à l’accoutumée déboutonnant
Son léger pardessus, entrouvrant son écharpe,
Il sera précédé par des oiseaux fuyards
Réveillés en sursaut et affolés.
Il entrera chez toi (…)
Boris Pasternak
La suite de la traduction de ce poème par Alexandre Schick
se trouve chez Pierre Seghers Editeur
Song
Le poids du monde
est amour.
Sous le fardeau
de solitude,
sous le fardeau
d’insatisfaction
le poids,
le poids que nous portons
est amour.
Qui peut nier ?
Rêvé
il touche
le corps,
pensé
construit
un miracle,
imaginé
angoisse
jusqu’à naissance
dans l’humain –
regarde par le cœur
brûlant de pureté –
car le fardeau de vie
est amour,
mais nous portons le poids
avec lassitude
et devons ainsi reposer
dans les bras de l’amour
à la fin,
reposer dans les bras
de l’amour.
Nul repos
sans amour,
nul sommeil
sans rêves
d’amour –
soyez fou ou glacé
obsédé d’anges
ou de machines,
le vœu dernier
est amour
– ne peut être aigri
ne peut dénier
ne peut s’abstenir
si dénié : (…)
Allan Ginsberg
Extrait de « Howl », la suite du poème, traduction de Robert Cordier et Jean-Jacques Lebel, se trouve chez Christian Bourgeois Editeur
Les épousés gisent cachés trois jours
Elle lui donne ses yeux à lui, elle les a trouvés
Au milieu des décombres
Il lui donne sa peau à elle
Il semblait juste la faire planer et l’étaler sur elle
Qui pleure de frayeur et surprise
Elle lui a trouvé des mains
Les ajustant aux poignets
Ils s’étonnent mutuellement,
sensibilisés l’un à l’autre sur son corps à elle
Il lui a construit l’épine dorsale,
Ayant nettoyé avec soin chaque élément
Les disposant en ordre parfait
Puzzle surhumain mais il est inspiré
Elle se balance d’avant en arrière,
Elle s’en sert et rit incrédule
Maintenant elle lui a apporté ses pieds à lui, les relie
De telle sorte que le corps de l’homme s’illumine
D’elle il a façonné les hanches
Ajustement complet replis nouveaux,
Le tout huilé brillant
Il polit chaque partie (…)
Ted Hugues
La suite de la traduction française par Janine Mitaud se trouve dans « Cave Birds », collection Orphée, dirigée par Claude Michel Cluny - La Différence