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La revue n° 62 Mission traduction

Mission traduction

OURAGAN

Des coups de pistolets retentissent dans la nuit du bar

Entre Patty Valentine depuis la salle du haut

Elle voit le barman dans une mare de sang

S’écrie « Mon Dieu, ils les ont tous tués ! »

Ici commence l’histoire de l’Ouragan

L’homme que les autorités ont accusé

D’une chose qu’il n’a jamais faite

Et jeté en prison, alors qu’il aurait pu être

Le champion du monde

Trois corps allongés, c’est ce que voit Patty

Et un autre homme nommé Bello, qui se déplace bizarrement

« Ce n’est pas moi », dit-il et il lève les mains

« Je ne faisais que voler la caisse, j’espère que vous comprenez

Je les ai vus partir » dit-il, puis il s’arrête

« L’un de nous ferait mieux d’appeler les flics »

Alors Patty appelle les flics

Qui arrivent avec leurs feux rouges clignotants

Dans la nuit chaude de New Jersey

Pendant ce temps, loin dans un autre quartier

Rubin Carter roule en voiture avec deux amis

Prétendant numéro un au titre des poids moyens

Aucune idée du genre de merde qui va lui tomber dessus

Quand un flic le fait garer sur le bas-côté

Tout comme la fois d’avant et celle d’avant

A Patterson c’est comme ça que les choses se passent

Si t’es noir autant ne pas te montrer dans la rue

Sauf si tu veux te faire remarquer

Alfred Bello avait un comparse et savait causer aux flics

Lui et Arthur Dexter Bradley rodaient justement dans le coin

Il a dit « j’ai vu deux types s’enfuir, je dirais des poids moyens

Ils ont sauté dans une voiture blanche avec des plaques d’un autre état »

Et Miss Patty Valentine a juste hoché la tête

Un flic a dit « Attendez les gars, celui-ci n’est pas mort »

Ils l’ont emmené aux urgences

Et même si l’homme y voyait à peine

Ils lui ont dit qu’il pourrait reconnaître les coupables

Quatre heures du matin on embarque Rubin

On l’emmène à l’hôpital et le monte à l’étage

L’homme blessé lève les yeux et dit en mourant

« Pourquoi vous me l’emmenez ? c’est pas lui ! »

Telle est l’histoire de l’Ouragan

Celui que les autorités ont accusé

D’une chose qu’il n’a jamais faite

Mis en prison, alors qu’il aurait pu être

Le champion du monde

Quatre mois plus tard les ghettos sont en feu

Rubin en Amérique du sud combat pour son titre

Arthur Drexter Bradley joue toujours au voleur

Et les flics lui mettent la pression pour avoir un coupable

« Tu te souviens de ce meurtre dans un bar ? »

« Souviens-toi, tu disais avoir vu la voiture en fuite ? »

« Penses-tu faire joujou avec la loi ? »

« Penses-tu que ça soit ce boxeur que tu as vu courir ce soir-là ?

« Ne l’oublie pas, tu es blanc »

Arthur Dexter Bradley dit, « Je ne suis pas vraiment sûr »

Les flics dirent « un pauvre gars comme toi devrait savoir prendre une pause »

« On sait pour le motel et on a causé avec ton copain Bello

T’as pas envie de retourner en taule, sois sympa

Tu feras une fleur à la société

Ce brave enculé en veut toujours plus

On veut foutre ses tripes en taule

On va lui coller le triple meurtre sur le dos

C’est pas un gentleman Jim »

Rubin pouvait mettre un homme KO d’un coup

Mais il n’aimait pas trop en parler

C’est mon boulot disait-il et je le fais pour un salaire

Et quand c’est fait, je n’ai plus qu’à me laisser aller

Là-haut dans quelque paradis

Où coulent des rivières à truites et où l’air est bon

Je monte à cheval le long d’une piste

Mais là, ils l’ont emmené en prison

Où on essaie de changer l’homme en rat

Toutes les cartes de Rubin étaient jouées d’avance

L’audience fut un carrousel de cochons, un jeu de malchance

Le juge fit des témoins de Rubin des ivrognes de bidonville

Pour le public blanc c’était un clochard révolutionnaire

Et pour le public noir ce n’était qu’un nègre maboul

Personne ne doutait qu’il ait appuyé sur la gâchette

Même si on ne pouvaient produire l’arme du crime

Le procureur a dit que c’était lui qui avait commis l’acte

Et tout les jurés blancs l’ont approuvé

Rubin Carter victime d’erreur judiciaire

Pour le crime d’homicide volontaire, devinez qui témoignait ?

Bello et Bradley et tous les deux mentaient salement

Et les journaux en ont tous fait leur une

Comment la vie d’un homme tel que lui

Peut être mise entre les mains de quelques crétins ?

De le voir encadré de la sorte dans une évidence

Je n’ai pu m’empêcher d’avoir honte de vivre dans un pays

Où la justice est un jeu

Maintenant les criminels en costard-cravate

Sont libres de boire des martinis à l’aube

Bob Dylan
Traduction : G&J, Air, Patrick Modolo
Texte original dans le dépôt-traductions de La Page Blanche