poètes de service
Arnaud Rivière Kéraval
Né en 1972, originaire de Bretagne, j’ai vécu de nombreuses années en Inde et au Népal. Au fil de mes pérégrinations et rencontres, j’ai écrit plusieurs recueils de poèmes. Pendant longtemps j’étais peu enclin à la publication, ne sachant pas surmonter les affres de voir mes textes figés comme dans le marbre. Recevant des échos positifs, je me suis ouvert depuis peu au monde de la poésie, rendant publics mes poèmes dans diverses revues et magazines littéraires comme le site OuPoLi dont j’ai rejoint le comité de lecture récemment.
LE MOUVEMENT
Etienne, le sang justifie les distances anoblies, il court le long des jetées. Lui appartient le temps de l’arc sauvage, les yeux timides demandent l’ouverture et la découverte, tenues dans les spasmes du présent.
Souffle étrange, pose enfin les nombrils masqués sous le flot des paysages qui défilent. Epaules la vie s’arrête sur le geste latent. Non, le geste s’accomplit, la candeur éprouvée tombe, les traits dessinent les fuseaux, le mouvement joue le corps affranchi. De nobles voies lobées encerclent la frontière dermique, le filet signe la peau miroir qui se courbe.
Vue tentée, l’instant exulte, les tables terrifiantes s’éloignent, le plan chassé joue l’invisible. Reste l’éclair du corps superbe, le mouvement trempe la beauté maintenant. Le sang la tête l’étreignent, suivre la mort n’aura pas lieu.
LE PASSANT
Suis-moi. Arrête-toi. Ruelle escarpée descendante. Orchestre symphonique. Actes synchrones. Nuit, nuit, nuit. Lumières.
Tu es beau sur ta main voyageuse. Elle navigue de large en large, au flanc des rayures. Un, deux. Aux bords de l’heure, le temps, tu te dois de rentrer. Mais tu me suis. Les pavés boiteux, les poussières. Tu me quittes déjà. Mon chemin sent la direction des secrets, les surpris damnés de la reconversion. Toi c’est par là. Canal, promenade et disparaître. Au revoir.
L’APPARITION
Le temps de vivre court un esprit ravageur
la plage, une ville reconstituée
l’élite se confond devant la beauté de l’apparition
Il vient ? il vient
l’eau sur lui réveille les limbes des alentours
le torse brun déployant le ferme épiderme
comme autant de filets abondants
le lungi noué autour des hanches
que dessine l’ondoiement du remous
il avancera toujours dans la chaleur de l’aube
La plage lui offre une écorce de sable
et m’emporte
la mer affranchit la chair, l’eau trouble désir
je ne pense plus aux coquillages
Au-delà les parfums mélangés
UNE ÎLE
L’héritage des pêcheurs et la lande
les roches la mer et les cendres
Arrimer une île hésitante
là le chemin bleu sur les reliefs serpente
hydre de la vue les vérités suspendues
ma peau le souffle le grain se fondent
suivre et errer dans le monde
Vertige du promontoire j’en devine la fin
l’échappée des récifs et les bateaux en vain
embrasseront l’asile vague perdue
DE L’ISOLEMENT DES MONDES
Le soleil envoûte les lueurs d’une faune endormie
se réveillera dans l’obscurité d’une cave aventure
d’où musiques virevoltent, en alvéoles s’étirent
comme la folie débusquée agite la toile des tambours
Rythmes caduques, ventres impatients de se toucher
de l’isolement des mondes
je déploie les forces de la renommée
faufilant silhouettes et parures
À la dérobée toujours se peignent nos désirs
de l’isolement des mondes
je continuerai le vertige cheminement d’un visage
qui me mène, me poursuit dans le froid d’une chambre vide
Vide sous l’écorce des soupirs et tout est à remodeler
de l’isolement des mondes
les vitres se sont fendues
la maison en fuite n’a conquis ni le diamètre ni l’opposé
Ouverture placide et manque de faillir
je retournerai dans la cave monstre, la faune hypocrite
la sueur, les fumées, de ces temps décharnés
me soûleront encore