poètes de service
Lucienne Mc Kirdy
À la Pompadour
À la Pompadour
Lieu de lesbiennes
Y a de l’amour
Et pas des chiennes
L’ardeur de trouver
Le bar dans la nuit
Une femme qui me plaît
Est passée depuis
Et puis on est bien
Assise en fauteuil
Dans la peau du mien
Au calme à Montreuil
Attendant Wafa
Pensant à nada
Pour Faire le Portrait d’une Femme
Peindre d’abord une cage
Avec une porte fermée
Peindre ensuite
Quelque chose de doux
Les paupières baissées des amants
Mi-closes à la découverte de l’autre
Mi-ouvertes au chemin d’eux-mêmes
d’elles-mêmes
Peindre ensuite un poignard
Et danser jusqu’à ce que les cieux s’ouvrent
Pour la Femme
Placer ensuite une bouteille de vin blanc
Sur son lit
Sans rien dire
Sans bouger
Parfois la femme s’allonge
Sur son lit en buvant le verre de vin blanc
Mais elle peut aussi décider de s’enfuir
Et disparaître pour toujours
La Colère est debout au milieu d’une place
Inspiré de Jacques Prévert
Au milieu d’une place,
la colère vous appelle
quand on passe
Elle est debout
dans une robe rouge
portant une affiche
pour la lutte générale
Elle fume
Sa jeunesse, enroulée par une feuille
et vous appelle quand on passe
ou simplement elle vous fait signe
Il ne faut pas la regarder
Il ne faut pas l’écouter
Il faut passer
Faire comme si elle n’existait pas
comme vous faites à toutes les femmes
qui ne vous plaisent pas
Comme si on ne la voyait pas
Comme si on n’entendait pas son appel
Il faut presser le pas
Si vous la regardez
Si vous l’écoutez
Elle vous fait signe et rien, personne
Ne peut vous empêcher d’aller
vous mettre à ses épaules
près d’elle
Alors elle vous appelle et crie
Et vous vous mettez debout révolutionnairement
Et la femme continue à crier
Et vous criez du même cri
Harmonieusement
Plus vous criez plus vous vous mettez droit
Rigidement
Plus vous criez plus vous vous mettez droit
Inébranlablement
Et vous restez là
Debout tout droit
Pleurant sur la place
vos cris révolutionnaires
L’oeil-oudjat voit tout
Le bien, le mal
l’innocence, l’ignorance
l’humilité, la fierté
en embrassant le tout
et en ne rejetant rien
sauf la violence qui vient d’ailleurs
d’un monde coupé en deux
et la moralité qui ne voit qu’une seule piété.
L’oeil-oudjat écoute tout
À travers la narine et le cerveau
les vibrations d’une chanson
d’un avenir plus brillant
résonnent aux tunnels
entre le passé et le présent.
La mélodie d’une harmonie
résonne les tristesses d’histoire
Avec un choeur d’une justice
sans blâme
sans amertume
sans haine
sans culpabilité
sans méfiance
sans tension
sans indifférence
Que de la pureté
de la joie
de l’humanité
de l’animalité
de l’égalité de tous êtres
capables de s’entendre
s’apprendre
s’informer
se répositionner
se défaire
pour mieux se rejoindre
pour mieux se comprendre.
Ou sinon
pour mieux décider
qu’il vaut mieux
demeurer seul.
Je suis seule
je vis seule
seulement moi
sans demeure
Sans but
sans objectif
sauf de me rendormir
mourir
en paix
complète
sans gens qui me gênent
qui me blâment
qui disent que je ne sais pas
comment faire
comment vivre
que je suis une gamine
que je n’ai pas une bonne mine
que j’ai l’air triste
que je suis trop sensible.
Arrêtez-vous !
Je vous dis
les critiques gratuites
vous êtes sadiques
il n’y a pas de réplique
il n’y a pas de mot magique
pour fermer la gueule du monde
la gueule de Paris
ma belle pute
toujours prête à coucher
avec n’importe qui.
Paris me voit aux yeux suppliants
comme si je pouvais la sauver
de sa propre misère
Horus ne l’a jamais rendu
le dernier morceau
de son œil
de sa vision
de la rivière
elle reste aveugle
elle s’allonge sur le quai
en écartant ses jambes
et en attendant ses clients
elle s’habille en perles
et velours noir
un peu de parfum derrière l’oreille.
Peut-être avec un peu de chance
elle trouvera un endroit où dormir
ce soir, demain soir
le soir qui viendra après le soir
quand tous les humains civilisés dorment
tout au chaud dans leurs lits tranquilles, dans leurs coquilles.
Elle est une coquille
la ville de lumière
l’escargot prostitué enroulé
fumé
sacré
blasphémé
déshabillé
né
sous le signe d’un vortex.
Lucienne Mc Kirdy