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blanche

La revue n° 53 poètes de service

poètes de service

Lucienne Mc Kirdy

À la Pompadour

À la Pompadour

Lieu de lesbiennes

Y a de l’amour

Et pas des chiennes

 

L’ardeur de trouver

Le bar dans la nuit

Une femme qui me plaît

Est passée depuis

 

Et puis on est bien

Assise en fauteuil

Dans la peau du mien

Au calme à Montreuil

 

Attendant Wafa

Pensant à nada

 

Pour Faire le Portrait d’une Femme

Peindre d’abord une cage

Avec une porte fermée

Peindre ensuite

Quelque chose de doux

Les paupières baissées des amants

Mi-closes à la découverte de l’autre

Mi-ouvertes au chemin d’eux-mêmes

d’elles-mêmes

 

Peindre ensuite un poignard

Et danser jusqu’à ce que les cieux s’ouvrent

Pour la Femme

Placer ensuite une bouteille de vin blanc

Sur son lit

Sans rien dire

Sans bouger

 

Parfois la femme s’allonge

Sur son lit en buvant le verre de vin blanc

Mais elle peut aussi décider de s’enfuir

Et disparaître pour toujours

 

La Colère est debout au milieu d’une place
Inspiré de Jacques Prévert

Au milieu d’une place,

la colère vous appelle

quand on passe

 

Elle est debout

dans une robe rouge

portant une affiche

pour la lutte générale

 

Elle fume

Sa jeunesse, enroulée par une feuille

et vous appelle quand on passe

ou simplement elle vous fait signe

 

Il ne faut pas la regarder

Il ne faut pas l’écouter

Il faut passer

 

Faire comme si elle n’existait pas

comme vous faites à toutes les femmes

qui ne vous plaisent pas

 

Comme si on ne la voyait pas

Comme si on n’entendait pas son appel

Il faut presser le pas

 

Si vous la regardez

Si vous l’écoutez

Elle vous fait signe et rien, personne

Ne peut vous empêcher d’aller

vous mettre à ses épaules

près d’elle

 

Alors elle vous appelle et crie

Et vous vous mettez debout révolutionnairement

Et la femme continue à crier

Et vous criez du même cri

Harmonieusement

Plus vous criez plus vous vous mettez droit

Rigidement

Plus vous criez plus vous vous mettez droit

Inébranlablement

Et vous restez là

Debout tout droit

Pleurant sur la place

vos cris révolutionnaires

 

L’oeil-oudjat voit tout

Le bien, le mal

l’innocence, l’ignorance

l’humilité, la fierté

en embrassant le tout

et en ne rejetant rien

sauf la violence qui vient d’ailleurs

d’un monde coupé en deux

et la moralité qui ne voit qu’une seule piété.

 

L’oeil-oudjat écoute tout

 

À travers la narine et le cerveau

les vibrations d’une chanson

d’un avenir plus brillant

résonnent aux tunnels

entre le passé et le présent.

 

La mélodie d’une harmonie

résonne les tristesses d’histoire

 

Avec un choeur d’une justice

sans blâme

sans amertume

sans haine

sans culpabilité

sans méfiance

sans tension

sans indifférence

 

Que de la pureté

de la joie

de l’humanité

de l’animalité

de l’égalité de tous êtres

capables de s’entendre

s’apprendre

s’informer

se répositionner

se défaire

pour mieux se rejoindre

pour mieux se comprendre.

 

Ou sinon

pour mieux décider

qu’il vaut mieux

demeurer seul.

 

Je suis seule

je vis seule

seulement moi

sans demeure

Sans but

sans objectif

sauf de me rendormir

mourir

en paix

complète

sans gens qui me gênent

qui me blâment

qui disent que je ne sais pas

comment faire

comment vivre

que je suis une gamine

que je n’ai pas une bonne mine

que j’ai l’air triste

que je suis trop sensible.

 

Arrêtez-vous !

Je vous dis

les critiques gratuites

vous êtes sadiques

il n’y a pas de réplique

il n’y a pas de mot magique

pour fermer la gueule du monde

la gueule de Paris

ma belle pute

toujours prête à coucher

avec n’importe qui.

 

Paris me voit aux yeux suppliants

comme si je pouvais la sauver

de sa propre misère

Horus ne l’a jamais rendu

le dernier morceau

de son œil

de sa vision

de la rivière

elle reste aveugle

elle s’allonge sur le quai

en écartant ses jambes

et en attendant ses clients

elle s’habille en perles

et velours noir

un peu de parfum derrière l’oreille.

 

Peut-être avec un peu de chance

elle trouvera un endroit où dormir

ce soir, demain soir

le soir qui viendra après le soir

quand tous les humains civilisés dorment

tout au chaud dans leurs lits tranquilles, dans leurs coquilles.

 

Elle est une coquille

la ville de lumière

l’escargot prostitué enroulé

fumé

sacré

blasphémé

déshabillé

sous le signe d’un vortex.

 

Lucienne Mc Kirdy