Séquences
Rafaël Deville
24 ans, voyageur, découvreur de soi et des autres quand il le peut, Rafaël Deville est actuellement en fin d’études. Son parcours est chaotique, allant de l’histoire de l’art au droit en passant par le commerce. Actuellement, lorsqu’il n’écrit pas de la poésie ou ne joue pas de guitare, il s’occupe du business development d’une grande entreprise culturelle. Son rêve : devenir oisif et être payé pour.
Le Numéro XII
pas de calme dedans – les choses sont les mêmes – après tout – reviendra – l’océan – au bout d’une ceinture – tu connais les boucles – le reste c’est – ouroboros – de fracas – de sueur – en elle – qui pleure – le jour – la nuit – cette phrase qui ne sort – ne dit pas – excuse-toi – excuse-moi – de demander – je sais que tu as raison – quand l’impatience – détruit la logique – dépasser entre quatre yeux – quatre murs – et devenir – l’infiniment petit – l’infiniment tout – tu sais que tu as raison – d’avoir tant de refus – tu n’as plus peur d’avoir peur – plus peur d’avoir mal – les choses ne pourraient aller mieux – à marcher – étouffer – l’oreille sourde – deux mètres d’eau sur le tympan – plus besoin de se cacher – parlons d’autre chose – pendant qu’elle dort – la religion – les évangiles – Jean – toujours Jean – « au commencement était le verbe » – aimer – c’est le mot qui vient tout seul – lorsqu’on en veut le plus – tu sais que tu as raison – puisque tu l’as choisi – ne la regarde plus – je le ferai pour deux – mais – assis – sur tapis – à enrager – je briserais bien – trois tasses – et l’univers entier – pour remonter le temps – recommencer ce qui était – je sais que j’ai raison – et elle aussi – et toi aussi – tu le sais – bien évidemment – plus rien ne peut t’atteindre – elle dort comme une enfant – comme une pivoine – comme les derniers sacrements – que tu n’auras pas – le calme vit en elle – en toi – apaisé – et le silence intolérable – de ses yeux – tu sais que tu as raison – lorsque les sanglots dépassent la parole – demain – la semaine prochaine – jamais – tu connais les nœuds – on ne dit plus ceinture – on dit – porte-pantalon – on ferme les portes de salle de bain – cache les bouts de cuir – tourne les mains de porcelaine – ouraganise les appartements – pour extérioriser – dissimuler les stigmates – tu sais que tu as raison – elle n’aura plus peur d’avoir peur – plus besoin de le cacher – je ne partirai pas – les choses ne pourraient aller mieux – tu sais que tu as raison – c’est tout ce qui compte – plus rien ne t’atteindra – pendant qu’elle dort – sous le ciel rose de l’appartement – tu sais que tu as raison – alors dis-moi – pourquoi – pour nous – dis-moi
- pourquoi n’est-ce pas suffisant ?
Papier de verre – Carte de Tendre
une tête dans une tête dans un tête
collage de sinus sur tempes – que voient les formes ?
- décalcomanies d’un instinct
on cartographie – la tendresse
la douleur – la violence
on baise comme d’autres battent monnaie
aimer c’est nouveau aujourd’hui – auraient-ils pu l’inventer
eux qui croquent des images – de gloire – de guerre – circulaires – angulaires – nouvelles voix modernes – sous cloche – par écrans interposés
te mordre et te démordre
rêves lucides de chairs qui marchent – plus loin – de tout
immaculés – jusqu’au prochain flash
cartographier le corps – après l’impact
ton haleine dans l’obscurité – seul souffle qui m’importe –toi – ton odeur – mots partout
papier de verre – Carte de Tendre
- comment exister sans cela ?
Scène de jour et de nuit
le plan c’est – des allumettes craquées – de la fumée – décors à l’envers – elle était moi – pas à moi - on n’est à personne – sur la table – formica évidemment – ses mains sont les miennes - au-devant du vendeur de regards – les jeux avaient l’air de glaces – câbles-néons qui schisment la salle – dans le cône de lumière - c’est un rendez-vous en ligne - chacun dans son lit et les meurtriers – seront bien gardés – elle vous le dit encore une fois – j’ai découpé sa langue comme on peint des paysages – de façon simple et abstraite
c’est une image qui s’efforce d’affronter la véracité du langage
il l’ouvre pour dire – rien – et la ferme en pleurant – je l’ai tellement aimée – un corps pour deux c’est bien assez – un corps pour deux - ça suffit – les conséquences sur le papier – donnez – un café – un paquet – de quoi allumer – il reste bien sept heures avant la fin du sablier – le cuistot crie – c’est pas prêt - la serveuse écrase son mégot - dans la caisse – un gars tape sur son ordinateur – c’est une fille – et l’autre traverse la rue - réussit - rachète le reste – quel émerveillement cette semaine devant écran – plus d’encre ni de pellicule – de rage
- mortaliser l’instant
Instantané
air empli d’électricité – entremêlés sous couverture
ces choses-là – qu’on pense mais ne dit pas
je touche ton oreille – c’est logique
ta main sur ma poitrine - ton souffle avec le mien - j’ai l’impression que
ces choses-là - depuis la fin des temps
- effacent l’espace entre nos corps collés
-
mêmes accords – encore – ce monde qui respire en toi – soleil – balcon – volets – noir – contact familier – peau contre – langue – qui parle – qui prie
- shanti shanti shanti
Rafaël Deville