La
page
blanche

La revue n° 56 simple poème

simple poème

Mon jardin n’est pas rempli de plantes exotiques. Il n’est pas grand, pas même assez petit pour paraître charmant. Il ne contient ni arbres fruitiers, ni silence. Il n’est pas fleuri, pas profondément beau. Adam et Eve s’en seraient enfuis en l’oubliant sitôt le seuil franchi.
Il borde une route passante. Les particules fines y voltigent comme les premiers flocons. Le bruit des trains empêche la quiétude. Un panneau publicitaire s’aperçoit à travers les trouées du sapin et se rit de moi avec la publicité pour une voiture moins polluante, un salon de jardin résistant au soleil des vacances en « tout inclus ».
Des chenilles processionnent en haut et forment un cocon blanc, effrayante incarnation du Mal.

Et pourtant,
Il m’est un lieu de tranquillité et j’aime le regarder par la fenêtre, parcourir ses 300 mètres carrés. Instinct de terrien. Il est une rondeur, un demi-cercle de soie verte, une victoire sur le béton. Il existe indépendamment de la route, des voitures, de mon salaire, de la crise du logement, des gens qui discutent et du commercial qui sonne et espère vendre un purificateur d’air. Un garage se trouve à son extrémité (si l’on peut parler d’extrémité pour un endroit si proche). Son toit est ondulé et des chats se promènent quotidiennement dessus sans savoir qu’il est rongé d’amiante.
Mon jardin est le combat incarné de la nature et de la ville. Le match est déséquilibré et la ville peut lever les poings mais
Les fleurs de la glycine
Les coccinelles
Les pies
La boue qui colle aux chaussures
Les moucherons qui agacent
La toile d’araignée que tu arraches avec ta tête
L’arbre que tu plantes et que tu chéris comme un enfant dans sa turbulette.

Matthieu Lorin