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blanche

La revue n° 54 poète de service

poète de service

Hippolyte Dupont

Singularités

Jamais je n’ai su parler d’une chose avec la justesse des mots et leur exactitude sans fard. Dire tout simplement ce qui est devant moi, le dire sans le changer et par mes opinions, corrompre sa beauté. Et par ces mots je confesse mon impuissance : moi, qui aime tant à parler, je suis bien incapable de raconter comme il faut, presque impuissant je suis démuni face à la singularité de la complexité des choses étranges et multifaces qui composent le monde. Je les regarde je les sens mais je ne sais pas en parler.

 

Impénétrabilité de l’être

L’impénétrabilité de l’être m’enveloppe d’impuissance dans l’ivresse des songes. Combien de fois ai-je été posé là, impassible et immobile, comme incapable de savoir ? Sans saisir ce que je voulais, sans même le comprendre.

 

Désir ardant

Tant je désire et brûle de convoitise mon esprit ne cesse de penser à ce bien que j’envie à l’extraordinaire joie que j’aurais à l’avoir et je rêve je bous et me consume et tant dure mon mal que j’aurai bientôt fait d’être calciné par cette envie ardente que je ne peux soulager.

 

Poésie

Combien pensent que je sais ce que je fais et croient, ô malheur ! que je songe avant de parler. J’écris, voilà tout, et je ne sais pas ce que je dis. J’avance au gré de mes extases, de mes mauvaises idées. J’avance dans l’obscurité et ignore où je vais.

 

Dualité

Je l’aime mais ne sais si je peux, j’ai peur de le détruire, j’ai peur qu’il me déteste, j’ai peur en m’approchant de m’y brûler les ailes. La peur est un poison, et ses lèvres un venin.

 

Incompréhension

Libre, je me suis abandonné à la lassitude d’un oubli aérien. Je vole au creux de l’incompréhension et ignore où cela me mènera.

 

Disparition

Qu’en sera-t-il à la fin des âges quand tous les mots auront été dits, quand plus rien ne restera de cet amour que je voue à tout ce qui m’entoure, que restera-t-il quand je t’aurai dit tout ce que je pense de toi, tout ce que tu es, seras-tu donc capable de me juger, que reste-t-il des mots quand l’impénétrabilité de l’univers viendra les broyer dans le calme et la paix. J’ai peur du silence à perte de vue.

 

MOTS

Comme il est étrange de parler de lumière sans la montrer

la sentir et l’aimer ! Et pourtant quand la lueur faiblit et vient à s’éteindre doucement dans la courbure de nos yeux que reste-il sinon les mots ?

 

MOTS ET LUMIERES

Toujours je sens le monde

toujours par les rimes je le fais mien et suis incapable d’en parler

sans l’abîmer et le changer jamais je n’ai réussi à dire ce que j’ai vu,

tant les mots sont légers et la réalité immersive. Je confesse mon impuissance

par ces mots et reconnais que je ne puis dire plus.

« Je ne suis aucun des noms immortels que compte l’Olympe des poètes, mais je n’en aime pas moins... Et j’écris ce que je sens. »

Hippolyte Dupont