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page
blanche

La revue n° 54 Séquences

Séquences

Marco Geoffroy

POÈME ISOLÉ I

Le soir ses sirènes ses départs, le grand ciel connu dévie devant nous, nos vérités assistent latentes à l’accouplement des astres entre deux époques, on cherche un peu de clarté à mettre sur son visage, ce qui reste de sa mémoire. Rassemblons nos forces entre coutume et avant-garde point par point coup pour coup. Répétez jusqu’à épuisement.


POÈME ISOLÉ II

La porte de garage entrouverte

le silence s’observe

d’un œil amoureux

 

assis seul

au hublot

en voyage

 

poète

quoi qu’il arrive

quoi

qu’il écrive


POÈME ISOLÉ III

Les îles se vident, les continents dérivent, pas la mer. Ne bougez plus.


POÈME ISOLÉ IV

Quand tout se dégrade et pointe vers l’horreur une beauté défaite refuse de se laisser faire et diffuse son feu nourri sur l’adversaire. Il ne reste plus d’ailier droit ni d’arrêt-courte, plus de marathonien ni de garde. Exsangue de son cœur mammouth la lune est une junkie finie.


POÈME ISOLÉ V

Comme dans un film ou dans un jeu vidéo

c’est vers la fin que tout devient excitant. Au prochain niveau des nouvelles croisades émergent de nouveaux héros. La ligne du temps laisse des séquelles. La dernière lune viendra, videra les ascenseurs, tuera la une.


POÈME ISOLÉ VI

Friand d’arborescence en ce jour de printemps, spectateur du vide, je me suis envoyé dans le ventre du repu ignorant les serrements de cœur à l’approche des symptômes. Polir les allumettes, fondre dans l’invisible sanitaire, les rayons pauvres se perdent. Nos langues se transmettent des particules incendiaires, la chambre goûte la vanille, les doigts s’emmêlent dans les cordes des guitares de déserts aux parfums désaccordés.


POÈME ISOLÉ VII

Elle sait naître au bon moment, elle bafouille quand il faut, elle sent le temps comme on sent la merde, elle vapote à proximité, elle fait jaillir le faux d’une promesse, juré craché, elle ne fait jamais défaut. De la cale d’un tombeau elle sait trouver l’enseigne de néon, elle joue avec le feu, elle aime les allumettes et l’alchimie, elle fend nos balles courbes en deux pour y faire entrer l’air pur guérir des poumons sans préjugé ni ordure.
Mettre la race de l’humain sur la mappemonde elle sait comment. Elle met la douleur de côté, elle se laisse tomber, laisse l’instinct passer, la chaîne se casser, elle brise le cycle sans se reproduire. Elle change l’allure du match si la pluie vient à l’abattre elle ne déclarera jamais forfait. Elle s’improvise charlatan et trouve remède aux virus, elle embellit avec le temps, elle est la victoire en fusillade, elle est la croix qui jadis éclairait mon village le regard dans le vitrail, elle est la pente ascendante de la guérison.`


POÈME ISOLÉ VIII

Débuzz total. Les structures envahissent les eaux et les mauvaises nouvelles, les chantiers entiers pèlent leur eczéma sur le stress des charniers de la providence. Les fondations flottent sur des bateaux de papier, rien ne tient que des promesses de parrain, la famille tombe en pièce. Visite virtuelle entre 11 et 17 heures.


POÈME ISOLÉ IX

J’entrevois un carré orange qui s’en va vers l’autre moitié à travers un immense trou gris parsemé de taches bleu qui me chantent que tout sera mieux demain. Nous sommes sur Terre.

POÈME ISOLÉ X

En amour avec la nuit atteindre les territoires troubles, animer le grand jeu, déclarer la guerre, attendre les météores


POÈME ISOLÉ XI

Les coupures éditoriales n’épargnent personne, femmes et enfants d’abord, singe infecté, siège éjectable. Autres poèmes autres mœurs. À travers le cockpit d’un cinquante-trois pieds ou d’une bouteille de Purell, je jardine mon pays sans la peur de ses frontières.


POÈME ISOLÉ XII

Les batailles navales se font refuge, antivirus quotidien.


POÈME ISOLÉ XIII

Contempler l’unanime réalité orné de lunettes natures. Grenouille sur lit de verre,

langue tirée de planète en planète, les ventouses dans les yeux. Œdipe-batracien, chœur et coryphée comme décor.


POÈME ISOLÉ XIV

Passer du rêve de sable aux neiges d’avril en une fraction de sommeil, hors-champ l’être démissionne, humain décapsulé.

Nous sommes les bardes de l’isolement.

Marco Geoffroy