La
page
blanche

La revue n° 59 Notes de...

Notes de...

Matthieu Lorin

Souvenir de lecture
Vladimir Nabokov

Pourquoi n’ai-je jamais coupé un livre en deux ? J’ai scié huit stères de bois cet hiver, vu mon existence se fendre dans sa longueur il y a quatre ans mais n’ai jamais touché à la bibliothèque. J’ai les idées sacrilèges et des mains de chien battu.

J’arracherai des pages entières à Lolita et en ferai des boules de papiers. Cela reviendra à froisser le temps pour faire émerger des aspérités :

des montagnes,
des éboulements,
des polypes à soigner,
des poèmes, même médiocres.

L’extrait

Nous avions été partout, et nous n’avions rien vu. Je me surprends à penser aujourd’hui que notre voyage n’avait fait que souiller de longs méandres de fange ce pays immense et admirable, cette Amérique confiante et pleine de rêves, qui n’était déjà plus pour nous, rétrospectivement, qu’une collection de cartes écornées, de guides disloqués, de pneus usés - et les sanglots de lo dans la nuit, chaque nuit, chaque nuit, dès que je feignais de dormir »

V. Nabokov, Lolita, Folio (traduction de M. Couturier)