La
page
blanche

La revue n° 59 Notes de...

Notes de...

Tom Saja

La nuit est une chienne pour le chien

à mon frère, d’une autre mère

la nuit sur l’étal, la nuit en étau. la nuit en police garamond. le vin dans sa robe de contre-jour. le liseré rouge à l’horizon du sang du christ.

Mère se ronge les sangs car je ne rentre pas. son cendrier en témoigne tous les soirs, je ne rentre pas. je rêve d’une nuit qui lâcherait enfin ses chiens dans mon cœur. dans ses ruelles où jamais poète n’a baisé une étoile.

Chien, j’ai dormi dans la voiture. pas assez d’essence pour me chauffer, prié pour que jour vienne. police m’a demandé qui j’étais j’ai dit J. K, demande à J. K. j’ai pris des bus de nuit en hypoglycémie, les mangues de Boubacar m’ont maintenu en vie. pas comme N qui laisse J au Mexique en chien, en chien noir de Mexico. dormi en chien de fusil dans les hamacs de la Guajira avec un autre clébard de sang. demande au grec de Hakidiki où la guêpe le pique, à l’iranien où dans sa main brûle le feu de Mazda. ils aboient à boire.

Frère poète me tend une rasade, meurt le Zeibekiko.

dieu, ce maçon de pacotille, a fait les dalles chaudes pour les flancs des chiens. a façonné les ombres pour nos sommeils. Nature berce-nous.

nous rentrons à pied, coupant à travers champs. la rosée bénit nos jeans. la femme qui m’a mis au monde derrière les rideaux. dieu, ce biologiste raté, a fait les oursins car nos peaux craignent le sel. la pita chaude dans la paume de l’homme qui troque son sommeil contre le rire de ses amis. Micheline qui me tend une clope dans le noir. danser jusqu’au bout de la nuitée. la mort sur les lèvres et dans le mauvais vin. dans les chips au vinaigre. la route est une déroute perpétuelle mais je rentrerai chez moi, embrassez mon chat ma pauvre mère et mon oreiller. même l’encre de minuit tarit. dieu, qui me doit vingt balles, me demande un endroit pour passer la nuit, et comme je suis bon joueur je dis oui, il me dit où ? mon doigt montre la nuit.