Rayonnage
François Audouy
Mémoire vive - Le Citron Gare
Illustrations de Arnaud Saintin
Pour commencer, et comme c’est assez rare je crois, je trouve que la combinaison entre le texte et les images fonctionne vraiment très bien. Il y a une sorte d’écho qui se crée, une façon discrète de proposer de la poésie.
Quant au texte, l’écriture est précise. On lit un parcours que l’on peut penser biographique et l’écriture suit cette modulation. Varie comme la voix change tout au long de notre existence et finit par prendre le reflet de ce que nous sommes/avons vécu. J’ai vraiment apprécié ces modulations dans l’écriture.
L’écriture semble être ici presque un jeu - un jeu sombre parfois - mais l’auteur s’amuse avec. Le dernier texte en est, selon moi, un bon exemple. Les plus curieux iront voir.
Et puis il y a une véritable force poétique, des phrases qui font dire « j’aurais aimé les écrire ». Par exemple : « je t’avais trouvée / trente-deux années d’impatience / se faisaient doucement la malle ». Simple et d’une grande force.
L’extrait :
Comme on s’accroche à sa douleur
on finit par en tomber raide
lui trouver un charme pervers
des modulations de couleurs
la sacrer dans les interstices
reine mètre étalon de nos nerfs
nos aspirations esthétiques
nous naviguons en haute mer
dans une globale indifférence
aux oscillations de surface
restes de pensées parasitaires
issues de la fonte des glaces
épaves inégalitaires
pointant le bout de leurs carcasses
lors de risibles équinoxes
c’est la mer régénérescence
celle de tous les matins du monde
c’est le fleuve des poèmes nus
rougissant d’indélicatesse
des passages des évangiles
des joies et terreurs infantiles
des traductions de vers latins
des restes d’authenticité
témoignent des premiers naufrages
inlassables il faut recoller
ce que l’érosion endommage
on commence juste à goûter l’aube
sa vitalité effective
quand on sait que les jours mutilent
dans la glace nos gueules cassées