La
page
blanche

La revue n° 67 Rayonnage

Rayonnage

François Audouy
Mémoire vive - Le Citron Gare
Illustrations de Arnaud Saintin

Pour commencer, et comme c’est assez rare je crois, je trouve que la combinaison entre le texte et les images fonctionne vraiment très bien. Il y a une sorte d’écho qui se crée, une façon discrète de proposer de la poésie.

Quant au texte, l’écriture est précise. On lit un parcours que l’on peut penser biographique et l’écriture suit cette modulation. Varie comme la voix change tout au long de notre existence et finit par prendre le reflet de ce que nous sommes/avons vécu. J’ai vraiment apprécié ces modulations dans l’écriture.

L’écriture semble être ici presque un jeu - un jeu sombre parfois - mais l’auteur s’amuse avec. Le dernier texte en est, selon moi, un bon exemple. Les plus curieux iront voir.

Et puis il y a une véritable force poétique, des phrases qui font dire « j’aurais aimé les écrire ». Par exemple : « je t’avais trouvée / trente-deux années d’impatience / se faisaient doucement la malle ». Simple et d’une grande force.

 

L’extrait :

Comme on s’accroche à sa douleur

on finit par en tomber raide

lui trouver un charme pervers

des modulations de couleurs

la sacrer dans les interstices

reine mètre étalon de nos nerfs

nos aspirations esthétiques

 

nous naviguons en haute mer

dans une globale indifférence

aux oscillations de surface

restes de pensées parasitaires

issues de la fonte des glaces

épaves inégalitaires

pointant le bout de leurs carcasses

lors de risibles équinoxes

 

c’est la mer régénérescence

celle de tous les matins du monde

c’est le fleuve des poèmes nus

rougissant d’indélicatesse

des passages des évangiles

des joies et terreurs infantiles

des traductions de vers latins

 

des restes d’authenticité

témoignent des premiers naufrages

inlassables il faut recoller

ce que l’érosion endommage

on commence juste à goûter l’aube

sa vitalité effective

quand on sait que les jours mutilent

dans la glace nos gueules cassées