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blanche

La revue n° 67 Séquences

Séquences

Choupie Moysan

Tout dépend de nous

dans chaque femme         il y a un bourreau à naître
d’elle naîtra l’assassin         qui la fera mère

dans chacune se fera l’homme         car il est toujours à renaître         il sera la délivrance
du joug accepté         des mains de maîtres         pour voir la liberté
la tolérance et l’amour         pour toutes advenir

toute la clarté sera mise au monde         pour celle qui saura dans sa nuit
écarter les murs          que l’homme lui a donnés

utopie sans doute         mais l’espoir fait vivre         nombre de femmes

 

 

Visitation

Sa peau près de moi         comme un linge propre         sa robe autour d’elle
fluide sans manche         ses pieds bien à plat         qu’elle tient parallèles
sur le tapis au sol         voilà ce que je peux en dire

elle n’est venue qu’une nuit         une nuit ordinaire         avec son regard bien au-delà
où les yeux se posent         mais je savais son nom

notre échange sans le son         dans un silence épais         dans ce long corridor
je ne saurai en restituer le contenu         le souffle n’étant qu’une émanation 
se frayant une voie         une imbrication de signes

après cette veille éprouvante         sa densité, sa pertinence s’estompèrent
ne restait que l’ondulation du rideau         à la fenêtre entrebâillée

de cette visitation         rien de concret
même pas une plume

Juste sur le tapis         à la place de ses pieds         mes mules alignées

 

 

Sur le trottoir

mon regard de myope attiré         par un amas
presque sous le pied         presque à l’écraser

l’enfance me happe         me pète aux oreilles
me sort de ma bulle         je mâchonne mes souvenirs

Le malabar         sans beaucoup de goût         fait les gros bras

sur le bitume         j’évite son rose
celui des filles dit-on 

mièvrerie sucrée         et autres codes installés
qui modèlent l’éducation         de ces poupées jusqu’à nos jours

 

 

La marche

lacer le paysage         au fil de la marche         dans un lacis du terrain
dans un lacis de pensées         plus ou moins lâches

se mettre en adéquation         avec l’entour         qui sollicite nos sens
l’horizon est ouvert         le soir seul l’arrêtera         et nous refermera sur nous
pour goûter encore         ce qu’a soulevé le pas         durant ce foulage du sol

il sera temps alors         de délacer les chaussures         de délasser le corps
après cette mise au monde         pas