La
page
blanche

La revue n° 60 Notes de...

Notes de...

Matthieu Lorin

Souvenir de lecture
William Burroughs

Trois cannettes sont posées sur le rebord d’une fenêtre, alignées comme doivent l’être les étoiles pour ceux qui habitent à l’intérieur. Elles sont vides de tout : d’alcool, de propos informes, de pas chancelants et de monde s’écroulant au petit matin comme des falaises de craie. Elles ne sont plus que les ossements d’une nuit sur laquelle je pose un regard étranger.

J’ai l’allure mesquine des gens qui détournent le regard et lisent Burroughs comme on prend des vacances avec soi-même.

L’extrait

Je courais à côté de mon corps, essayant d’arrêter tous ces lynchages avec mes pauvres doigts de fantôme… Parce que je ne suis qu’un fantôme et je cherche ce que cherchent tous mes semblables – un corps – pour rompre la Longue Veille, la course sans fin dans les chemins-sans odeur de l’espace, là où non-vie n’est qu’incolore non-odeur de mort. Et nul ne peut la flairer à travers les tortillons rosâtres des cartilages, lardés de morve de cristal et de la merde de l’attente et des tampons de chair noire qui filtrent le sang…

W. Burroughs, Le Festin nu, traduction E. H Kahane, Folio SF