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blanche

La revue n° 60 Notules de...

Notules de...

Jean-Michel Maubert

LE DIT POÉTIQUE

D’accord sur le sens. Mais ouvert. Qui met le lecteur au travail. En travail. Je n’aime pas la notion de message. Un message c’est une signification fermée, qui relève de l’information ou du slogan - ce qui a sa valeur propre à l’intérieur de champs d’énonciation tel que le militantisme politique ou l’information journalistique. Umberto Ecco parlait autrefois (l’emprunt ici est un peu sauvage) d’oeuvre ouverte. Deleuze pensait en termes de lignes de fuite. Le travail artistique, selon cet auteur, consistait à défaire les codes sociaux et symboliques, créer, lentement, laborieusement, une voie / une voix, propre, singulière. Devenir, comme le narrateur proustien, une araignée décodeuse de signes sociaux, psycho-physiques, affectifs, sensuels... Explorer notre être-au-monde sensible. Ce que Merleau-Ponty nommait le Style - existentiel, incarné. La langue du poète devient matériau au même titre que la pâte colorée, triturée, modelée, étalée par l’oeil-main de Cézanne. Au plus près du sensible. C’est par ce malaxage des horribles travailleurs, comme dit Rimbaud, que le sens émerge, fragile, figurant / défiguré - question qui a été poussée dans ses ultimes retranchements par Jacques Derrida dans toute son oeuvre immense, nourrie des poètes et des penseurs. On s’adresse toujours à un peuple qui manque. Un peuple à venir. C’est une utopie silencieuse. Innommée. L’affaire d’une communauté sans nom.