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blanche

La revue n° 60 poètes de service

poètes de service

Tristan Félix

Polyphrène et polymorphe, nous sommes poète, chroniqueuse de coeur, marionnettiste (Le petit théâtre des Pendus), clowne (Gove de Crustace), conteuse/bruiteuse/chanteuse en langues imaginaires et dessinatrice. Notre univers onirique et inquiétant, entre cabinet de curiosités et cirque de rue intérieure, mêle dans la tragédie et la farce, les tendres invisibles et les monstres. Site : www.tristanfelix.fr

Extraits de « Averses de rage »

25/09/2021

 

La terre de l’autre côté s’en va

où l’humeur noire vitrifie les sangs

où s’absente l’ombre intime

où feignent les corps d’être émus

où saignent les fruits jamais mûrs

où se danse tout seul la ronde de l’ennui

où le sexe incertain se regarde baiser

où l’atome des moi agite sa queue folle

où nul ne sait plus qui n’est pas l’autre

où l’algorithme dissout tout désir dans l’acide

où fument dans les cendres des restes d’hirondelles

où les rives scellent des empreintes d’errants

où la langue colle au palais qui s’effondre

où les baies de sureau sont têtes de fourmis mortes

où le sperme des banques sèche

au coin de leur bouche d’égout

La terre de l’autre côté s’en va

 

 

19/10/2021

 

Les corps balancés en plein vol

prennent essor jusqu’au bout

de leurs yeux

Ils crèvent le cristallin des nues

font une mosaïque de chairs mêlées

On ne sait plus à qui ce bras

à qui ce nerf et cet émoi

s’ils retomberont un jour

tapisser la dalle froide des jours

faire peau neuve pour emballer

un inerte robot à grimace divine

expert en leurres de latex bleu

fourré de coups de poing

secoué de spasmes d’envie

enduits de la bave du maître

qui goûte aux charmes de son entreprise

 

 

05/11/2021

 

Des yeux d’insecte scrutent

entre les failles des souches

un peu de cet humus

qui grimpe entre les jambes

Ils dosent l’eau des pluies

et les restes de vie qu’ils marient

au hasard des aubes spongieuses

Les sèves s’y mettent, industrieuses

Tout s’appâte et tout colle

Les jambes ont tenu tête aux souches

La forêt en marche, éloquente

dresse une danse de feu

qui sous chaque feuille couve

Elle y découpe les petites morts

du grand puzzle en sursis

dont les trous sont des bouches

que les langues d’abois traquent

pour les noyer dans leur jus noir

 

 

28/11/2021

 

En brassées d’algues les bruits

rampent, gluants, s’accolent aux sons

hachent mâchent et défèquent

Nos ombres dessus glissent

se déchirent, pendues au bord des bouches

qui auraient tant aimé chanter

En brassées d’algues les bruits

mordent aux chevilles, glacent les jambes

arrachent du thorax le cœur en fête

Sa langue coupée net dans sa cage

traîne, écarlate

Un mangeux de silence en fera son frichti

En brassées d’algues les bruits

étranglent la chanson suave

du bouton d’églantine, du bourgeon d’aulne

Avaler tout ce qui vibre

s’ériger en mur où les oiseaux

s’empaleraient du bec

Leurs plumes se caresseraient la mort