poètes de service
Tristan Félix
Polyphrène et polymorphe, nous sommes poète, chroniqueuse de coeur, marionnettiste (Le petit théâtre des Pendus), clowne (Gove de Crustace), conteuse/bruiteuse/chanteuse en langues imaginaires et dessinatrice. Notre univers onirique et inquiétant, entre cabinet de curiosités et cirque de rue intérieure, mêle dans la tragédie et la farce, les tendres invisibles et les monstres. Site : www.tristanfelix.fr
Extraits de « Averses de rage »
25/09/2021
La terre de l’autre côté s’en va
où l’humeur noire vitrifie les sangs
où s’absente l’ombre intime
où feignent les corps d’être émus
où saignent les fruits jamais mûrs
où se danse tout seul la ronde de l’ennui
où le sexe incertain se regarde baiser
où l’atome des moi agite sa queue folle
où nul ne sait plus qui n’est pas l’autre
où l’algorithme dissout tout désir dans l’acide
où fument dans les cendres des restes d’hirondelles
où les rives scellent des empreintes d’errants
où la langue colle au palais qui s’effondre
où les baies de sureau sont têtes de fourmis mortes
où le sperme des banques sèche
au coin de leur bouche d’égout
La terre de l’autre côté s’en va
19/10/2021
Les corps balancés en plein vol
prennent essor jusqu’au bout
de leurs yeux
Ils crèvent le cristallin des nues
font une mosaïque de chairs mêlées
On ne sait plus à qui ce bras
à qui ce nerf et cet émoi
s’ils retomberont un jour
tapisser la dalle froide des jours
faire peau neuve pour emballer
un inerte robot à grimace divine
expert en leurres de latex bleu
fourré de coups de poing
secoué de spasmes d’envie
enduits de la bave du maître
qui goûte aux charmes de son entreprise
05/11/2021
Des yeux d’insecte scrutent
entre les failles des souches
un peu de cet humus
qui grimpe entre les jambes
Ils dosent l’eau des pluies
et les restes de vie qu’ils marient
au hasard des aubes spongieuses
Les sèves s’y mettent, industrieuses
Tout s’appâte et tout colle
Les jambes ont tenu tête aux souches
La forêt en marche, éloquente
dresse une danse de feu
qui sous chaque feuille couve
Elle y découpe les petites morts
du grand puzzle en sursis
dont les trous sont des bouches
que les langues d’abois traquent
pour les noyer dans leur jus noir
28/11/2021
En brassées d’algues les bruits
rampent, gluants, s’accolent aux sons
hachent mâchent et défèquent
Nos ombres dessus glissent
se déchirent, pendues au bord des bouches
qui auraient tant aimé chanter
En brassées d’algues les bruits
mordent aux chevilles, glacent les jambes
arrachent du thorax le cœur en fête
Sa langue coupée net dans sa cage
traîne, écarlate
Un mangeux de silence en fera son frichti
En brassées d’algues les bruits
étranglent la chanson suave
du bouton d’églantine, du bourgeon d’aulne
Avaler tout ce qui vibre
s’ériger en mur où les oiseaux
s’empaleraient du bec
Leurs plumes se caresseraient la mort