La
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blanche

La revue n° 64 e-poésies

e-poésies

MOTOCROSS

mon père comptait les jours, les calculait, il refusait tout excès de jeunesse

les années soixante-dix sont venues sur lui sans invitation avec leurs bolides rouges

ils ont renversé son calme modeste

maintenant il a le temps de se rappeler ce moment

quand sa fille n’existait pas et qu’il conduisait des motos avec une seule main

frappant des rochers et des filles qui rêvaient de grandes villes

papa riait toujours avec des cheveux noirs dans les yeux

il a vu des quartiers entiers pousser sur les chaumes

et il a senti que la terre s’arrêtait de tourner

puis il a été embauché, il était le plus bel ouvrier de l’usine de tracteurs et sa vie s’est calmée

J’ai toujours su que papa était parfait et

je ne peux pas le changer

c’est pourquoi je n’ai pas attendu le feedback des minutes

moins calculé que mon père je vivais à gauche de mon désordre mental

puis je suis monté dans la vieille ville en répétant le texte millimétré comme un figurant

mais même à ce jour je n’ai pas trouvé les démons des mots pour m’interpeller

ce papa n’a plus ses jours précisément comptés avec l’envie de vivre dans un verre comme un étrange cachalot

assis près de la fontaine artésienne il regarde les colombes roucouler

sur un monde sans guerre

Angi Melania Cristea