Figures libres
Blanc
blanc blanc(s) blanc(s) blanc(s) blanc(s) blanc(s) blanc(s)
Obsession de la neige, perle, / Ramage pierre feux décor / Moelle de sureau blanc, cire vierge / Et sperme enfin qui ferme le cercle
Plaines d’esprit carrosses de feux / Vitres de chair route des âmes / Ventres de braises seins de flammes / Époux de vierge barbe de Dieu
Rires apprêts, naïvetés / Flammes gelées, détachement / Restitution nivellement / Inexprimable pureté
Artaud Antonin, extrait de Tric Trac du ciel, 1923. Blanchot à propos de la poésie d’Artaud : « refaire poétiquement le trajet qui a abouti à la création du langage. »
Ai Weiwei, artiste dissident chinois qui a été emprisonné et isolé par le régime : « Être envoyé dans un camp de rééducation politique m’a montré la réalité du pouvoir chinois. »
youtube.com/watch?v=Y-dx_OG9vN8
Nénuphars blancs, fleurs des eaux engourdies/ Dont la blancheur fait froid aux cœurs ardents, / Qui vous plongez dans vos eaux détiédies / Quand le soleil y luit, Nénuphars blancs ! / Restez cachés aux anses des rivières, / Dans les brouillards, sous les saules épais... / Des fleurs de Dieu vous êtes les dernières ! / Je ne vous cueillerai jamais !
BARBEY D’AUREVILLY Jules, extrait du poème Les nénuphars, Poussières, 1854.
« En effet, un nénuphar a poussé dans le poumon de Chloé. Pour combattre le parasite, le médecin a prescrit des fleurs autour d’elle. Elles entourent la malade et donnent leur vie pour lutter contre la plante capable de se développer dans le corps humain : les fleurs frissonnent autour du lit, elles ne résistent pas longtemps, elles tombent en fine poussière tandis que Chloé s’éteint et ne parle plus qu’avec les paupières. »
Boris Vian, L’écume des jours, 1947. « Il est évident que le poète écrit sous le coup de l’inspiration, mais il y a des gens à qui les coups ne font rien ».
White Cube est l’une des galeries d’art contemporain les plus reconnues au monde et expose à New York, Londres, Paris, Hong Kong et Seoul.
youtube.com/watch?v=F81T9ehZdr0
Gris-Blanc de / sentiment à pic / excavé.
Vers l’intérieur des terres, jusqu’ici / balayé par le vent le seigle-de-mer souffle/ des motifs de sable sur
la fumée de chants de fontaine. / Une oreille, séparée, écoute.
Un œil, coupé en bandes, / rend justice à tout cela.
Celan Paul, Renverse du souffle, 1963.
Adorno : « Écrire un poème après Auschwitz est barbare. «
Alexandre Issaïevitch Soljenitsyne, l’archipel du Goulag, 1973. Il fait découvrir au monde l’enfer blanc du goulag « Notre univers n’est-il pas une cellule de condamnés à mort ? »
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La blancheur de cire du visage le spiritualisait par sa pureté d’ivoire tandis que le bouton de rose de sa bouche, d’un dessin digne de l’antique, rappelait l’arc même l’Eros. Ses mains étaient de l’albâtre le plus finement veiné, ses doigts effilés et, bien que leur blancheur pût devoir quelque chose au jus de citron et à la reine des crèmes, il n’était pas exact qu’elle eût l’habitude de porter des gants de chevreau au lit ni qu’elle prît des bains de pieds au lait.
Joyce James, Ulysse, 1922, (trad. Auguste Morel), éd. Gallimard, coll. « Folio », 1957.
Valéry Larbaud, article James Joyce, La Nouvelle Revue Française, n° CIII, Avril 1922. « L’auteur ne perd jamais de vue l’humanité de ses personnages, tout ce mélange de qualités et de défauts, de bassesse et de grandeur dont ils sont faits : l’homme, la créature de chair, parcourant sa petite journée. C’est ce qu’on verra en lisant Ulysse. »
Krzysztof Kieślowski, Trois Couleurs : Blanc, 1993. « Notre échelle de mesure, notre savoir partiel et notre intelligence imparfaite ne nous permettent pas d’affirmer l’existence du pêché, d’évaluer l’étendue de la faute. » Le cinéma et moi, Krzysztof Kieslowski, 2006.
youtube.com/watch?v=Dr8j5P1cB9w
Et tu fis la blancheur sanglotante des lys / Qui roulant sur des mers de soupirs qu’elle effleure / À travers l’encens bleu des horizons pâlis / Monte rêveusement vers la lune qui pleure !
Mallarmé Stéphane, les fleurs, Vers et prose, 1893.
Mallarmé introduit le blanc en poésie : c’est « de l’air entre les vers, de l’espace, afin qu’ils se détachent bien les uns des autres ». Il est le premier à demander à son éditeur « un grand blanc après chacun [des poèmes], un repos ». Il est attaché à leur « dispersion », dans « l’espacement de la lecture ». Il fait l’éloge de la dynamique visuelle du blanc « susceptibles d’être interprétés analogiquement comme des variations de vitesse, de densité ou d’intensité ». L’introduction du blanc permet « des effets de suspension et de relance » et amène « une vision simultanée de la Page » ce qui produit les « subdivisions prismatiques de l’Idée ». Le blanc contribue à faire du poème une « constellation ». « Poésie : un aboli bibelot d’inanité sonore Hésitation prolongée entre le son et le sens. »
Icebergs, sans garde-fou, sans ceinture, où de vieux cormorans abattus et les âmes des matelots morts récemment viennent s’accouder aux nuits enchanteresses de l’hyperboréal.
Icebergs,
Icebergs, cathédrales sans religion de l’hiver éternel, enrobés dans la calotte glaciaire de la planète
Terre.
Combien hauts, combien purs sont tes bords enfantés par le froid.
Icebergs,
Icebergs, dos du
Nord-Atlantique, augustes
Bouddhas gelés sur des mers incontemplées.
Michaux Henri, extrait du poème Icebergs, la nuit remue, 1935. « La parole est déjà du luxe, de l’excès, de la superstructure. »
Sabine Mirlesse est une artiste de land art au service de la nature. Elle a placé des structures métalliques au sommet du Puy-de-Dôme qui réagissent aux aléas météorologiques. Elle en parle ainsi en disant qu’elle a conçu «un type de structure qui pourrait prendre forme avec ce phénomène de givre, accumuler, changer tous les jours, évoluer dans le temps et disparaître avec l’arrivée du printemps et le soleil. C’est une autre façon d’imaginer le dialogue avec un paysage, avec la terre peut-être.»
youtube.com/watch?v=ooTdtqPiSKw
OF Mans First Disobedience, and the Fruit / Of that Forbidden Tree, whose mortal tast / Brought Death into the World, and all our woe, / With loss of Eden, till one greater Man / Restore us, and regain the blissful Seat, / Sing Heav’nly Muse
Milton John, Paradise lost, 1674. Le paradis perdu de Milton est l’œuvre la plus célèbre écrite en vers blancs. Les vers sont réguliers mais non-rimés.
La première désobéissance de l’homme et le fruit de cet arbre défendu dont le mortel goût apporta la mort dans le monde, et tous nos malheurs, avec la perte d’Éden, jusqu’à ce qu’un homme plus grand nous rétablît et reconquît le séjour bienheureux, chante, Muse céleste !
John Milton, Le Paradis perdu (1667), Traduction par François-René de Chateaubriand, 1861.
Breton André et Eluard Paul, L’immaculée conception, 1930. La légende raconte que c’est pour « tuer le temps » que les auteurs se lancèrent dans l’écriture de ce recueil, en vers libres, initiés par Apollinaire, et avec un sens consommé de la provocation. « Il y a un autre monde mais il est dans celui-ci. » Paul Eluard.
youtube.com/watch?v=vjgxjN-ARBA
La lune blanche / Luit dans les bois ; / De chaque branche / Part une voix/ Sous la ramée...
Ô bien-aimée.
L’étang reflète, / Profond miroir, / La silhouette / Du saule noir / Où le vent pleure...
Rêvons, c’est l’heure.
Un vaste et tendre / Apaisement/ Semble descendre/ Du firmament/ Que l’astre irise...
C’est l’heure exquise.
Verlaine Paul, La lune blanche, la Bonne Chanson, 1870. « Le silence est la langue des Dieux. »
Rimbaud Arthur, « A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles, / Je dirai quelque jour vos naissances latentes »
György Ligeti, Études, Book 3: No. 15, White on White, Sony Classical Études, Book 3: No. 15, White on White · Pierre-Laurent Aimard · György Ligeti Edition, Vol. 3 - 1996 Sony Music Entertainment Released on: 1996-12-11.
youtube.com/watch?v=Qr4azoVLqL0
Béatrice Nizza